Jusqu’en 2010 en Hongrie, le gouvernement était issu de l’union de la gauche et d’un parti libéral. Il était emmené par le ministre-président de gauche Ferenc Gyurcsány, issu du parti socialiste. Ce gouvernement avait de fait mené une politique très libérale et un plan de rigueur drastique, suscitant la colère populaire. Gyurcsány avait même dû démissionner en 2009 après avoir confessé qu’il avait menti au peuple dix-huit mois durant…
La droite, alliée à l’extrême-droite, a surfé sur le mouvement de contestation en provoquant des manifestations violentes. Et en adoptant un discours pseudo « antilibéral », mettant en avant ses petites recettes « protectionnistes » et xénophobes.
Résultat : aux élections législatives de 2010 le Fidesz (droite nationaliste, protectionniste et conservatrice), emmené par Viktor Orbán, prend le pouvoir grâce à l’alliance avec le Jobbik (d’extrême-droite, connu pour ses positions répugnantes et ses milices) et aux curetons réacs du KDNP chrétien-démocrate. Y compris à Budapest où, pour la première fois, est élu un maire conservateur…
Ayant les bras libres avec une majorité très large à l’assemblée, le Fidesz a dès lors imposé une politique antisociale. Notamment avec une réforme de la constitution (qui vient d’entrer en vigueur), et quasiment impossible à réformer par des voies politiciennes. Au programme, la Hongrie n’est plus mentionnée comme « République » mais seulement comme « Hongrie » ; références claires à une nationalité ethnique (droit de vote aux habitants étrangers « hongrois d’origine », les médiateurs des minorités ethniques sont quasiment supprimés) et aux racines chrétiennes (subventions aux 14 seules communautés religieuses bien « conformes » au pouvoir en place, contre 300 auparavant, ce qui n’était pas mieux mais démontre le caractère xénophobe du pouvoir actuel) ; remise en cause du droit à l’IVG et interdiction du mariage homosexuel ; contrôle et censure des médias, des journalistes licenciés et liberté de la presse bafouée ; soumission de la justice au pouvoir ; les protections déjà minces sur les données personnelles sautent ; allongement des mandats politiques vers une véritable autocratie, sans parler de la criminalisation des partis d’opposition avec une proposition de loi pour s’emparer de leurs biens et juger leurs leaders… pour collaboration sous l’époque communiste !
Orbán a par ailleurs institué les « travaux d’intérêt général » obligatoires, dans ce que ce que certains qualifient de « camps de travail », visant notamment les Rroms. A cette occasion, il a proposé que les policiers à la retraite les surveillent. Ambiance… hélas palpable ailleurs en Europe (suivez mon regard).
Quant à « l’antilibéralisme » de façade qui l’a fait élire, comme celui de toutes les droites fascisantes il ne s’agissait bien entendu que d’une escroquerie : code du travail démoli ; éducation et services publics rognés ; la banque centrale (que le Fidesz envisage de mettre sous sa tutelle) peut désormais bloquer le budget et dissoudre l’assemblée en cas d’alternance, et les réformes fiscales et sociales (retraites notamment) nécessitent désormais les deux tiers de l’assemblée. Le « volte-face » libéral de cette coalition atteint le summum du grotesque lorsque le ministre des finances a récemment fait appel au FMI et à la Commission européenne, pour mettre de fait le pays sous la tutelle des marchés financiers, suscitant l’indignation populaire…
La population a donc rapidement déchanté. Elle s’organise pour contester ses réformes, et surtout rassembler les composantes sociales. Notamment avec le mouvement EMD (« un million pour la démocratie ») – certes encore timide et plutôt réformiste, sans parler des vues électoralistes de certaines de ses composantes – mais aussi un mouvement étudiant, qui se renforce depuis plusieurs mois contre la réforme des universités.
Face à la contestation grandissante, et à la situation catastrophique de finances toujours plus plombées, le gouvernement serre la vis autoritaire et autocratique, et surenchérit dans un discours nationaliste des plus grossiers. Tout en ressortant une nouvelle fois le hochet « antilibéral », en menaçant de taxer les banques et de nationaliser certains actifs de fonds de pension privés… dans la seule vue de négocier avec le FMI les conditions d’un nouveau « prêt » étranglant encore plus le pays.
Souhaitons aux Hongrois-es qui n’ont guère plus d’illusion sur la gauche (qui appelle opportunément depuis peu à descendre dans la rue… la même population qui manifestait contre sa politique libérale il y a deux ans encore), et se sentent indigné-e-s par ce gouvernement fascisant, de poursuivre ce mouvement de contestation sur des bases auto-organisationnelles. Et de mettre enfin à bas tous ces bouffons autoritaires qui, quel que soit leur masque, ne représentent jamais que les intérêts de la bourgeoisie.
John Rackham, groupe Pavillon Noir, Fédération Anarchiste 86, 1er janvier 2012