Grève générale au Nigeria: au moins un manifestant tué
Au moins un manifestant a été tué lundi au Nigeria au premier jour d’une grève générale illimitée contre le doublement du prix des carburants chez le premier producteur de pétrole d’Afrique, déjà ébranlé par la multiplication d’attaques islamistes contre les chrétiens.
« Une personne a été abattue par la police à Lagos », plus grande ville et capitale économique du pays, a affirmé Abdulwahed Omar, président du Congrès national du travail, lors de manifestations à Abuja, la capitale fédérale du Nigeria.
« C’est très triste que dans une démocratie les gens qui sortent sans arme pour exprimer leurs doléances soient confrontés à des policiers armés », a-t-il ajouté.
Plusieurs milliers de personnes sont descendues dans les rues à Lagos dans le cadre de la grève générale, qui n’affectait pas à la mi-journée la production de brut.
En début de matinée, des jeunes ont bloqué un important axe routier en enflammant des pneus, jetant des pierres sur les policiers. « Bad Luck Jonathan » (Jonathan la malchance), criaient certains, en détournant le prénom du président nigérian, Goodluck (bonne chance) Jonathan.
Les rues de Lagos, habituellement embouteillées, étaient complètement vides, à l’exception des manifestants.
A Kano, principale agglomération du Nord, la police a lancé des gaz lacrymogènes et tiré des coups de feu en l’air pour empêcher des milliers de manifestants d’accéder au bureau du gouverneur, a constaté un correspondant de l’AFP.
« Au total nous avons 30 blessés, dix-huit d’entre eux ont été blessés par balles », a indiqué le responsable de la Croix-Rouge à Kano Musa Abdullahi.
A Abuja, la capitale fédérale, d’importantes manifestations étaient en cours. Les forces de sécurité tentaient de les empêcher d’atteindre le centre-ville.
Le mot d’ordre de grève générale semblait bien suivi dans le pays, le plus peuplé d’Afrique avec 160 millions d’habitants, également répartis entre chrétiens et musulmans.
« Tout ce que nous voulons, c’est que notre voix soit entendue », a indiqué John Lolawole, secrétaire-général d’un des syndicats appelant à la grève, le Trade Union Congress.
Pas de guerre de religion
Les syndicats exigent que le gouvernement rétablisse les subventions aux carburants, dont la suppression le 1er janvier a entraîné une brusque hausse des prix de l’essence.
Le litre à la pompe est ainsi passé de 65 nairas (0,30 euro) à au moins 140 nairas (0,66 euro).
L’Assemblée nationale avait adopté dimanche une motion demandant au gouvernement de faire marche arrière. Les parlementaires ont également exhorté, sans succès, les syndicats à « suspendre leur projet de grève générale et de participer à un dialogue approfondi sur cette question ».
Cette grogne sociale qui risque de paralyser le pays intervient sur fond de tensions interconfessionnelles grandissantes et d’attentats meurtriers.
Depuis les sanglants attentats du jour de Noël qui ont fait au moins 49 morts, six nouvelles attaques contre des chrétiens dans le Nord majoritairement musulman ont fait plus de 80 morts.
La majorité de ces Raids ont été revendiqués par Boko Haram, un groupe islamiste qui réclame l’application de la charia (loi islamique) dans l’ensemble du pays.
Ces violences ne sont pas « une guerre de religion », mais répondent à des intérêts visant à la désintégration de la fédération, a estimé le cardinal Anthony Olobunmi Okogie, archevêque de Lagos.
« Il n’y pas de guerre de religion en cours au Nigeria, mais une féroce persécution qui trouve ses sources dans des ambitions de pouvoir et des causes économiques. Ils veulent désintégrer la fédération mais n’y réussiront pas », a-t-il indiqué dans une interview publiée par le site internet Vatican Insider.
Le pape Benoît XVI a pour sa part déploré lundi que l’objectif de la réconciliation et du respect de « toutes les ethnies et religions » soit encore lointain en Afrique, notamment au Nigeria.
Dimanche, Goodluck Jonathan a admis pour la première fois que Boko Haram disposait de soutiens et de sympathisants au sein du parlement, de la justice et des services de sécurité. Selon lui, les violences antichrétiennes actuelles sont « pires » que la guerre civile des années 60.
AFP, 9 janvier 2012