[Valdivienne] L’ornière de la cogestion

Où l’on voit la manière dont un patron, avec la complicité de délégués syndicaux empêtrés dans leurs contradictions et d’un CE bafouant la décision de salariés, impose l’annualisation du temps de travail. Quitte à faire revoter les salarié-e-s…

Buroform : on négocie le temps de travail

A Valdivienne, direction et syndicats semblent s’être entendus oralement sur l’annualisation du temps de travail. Mais il manque l’accord écrit…

Le P-DG Jacques Albert tient beaucoup à cet accord.

 Le P-DG Jacques Albert tient beaucoup à cet accord. – (Photo d’archives)

Propriétaire de Buroform (mobilier de bureau), à Valdivienne, depuis juillet 2011, le groupe Arféo-Solutions Tertiaires avait annoncé la couleur d’entrée, par la voix de son P-DG, Jacques Albert : « L’impératif, c’est de signer un accord sur la modulation du temps de travail pour répondre aux problèmes de charges et de saisonnalité. » (notre édition du 28 septembre)

Les 109 salariés n’ont donc pas été surpris quand la direction a présenté un projet dans ce sens, début janvier. Après d’âpres discussions, et bien des rebondissements la semaine dernière (lire par ailleurs), un accord verbal a été trouvé avec les représentants du personnel. Si le temps de travail annuel reste le même (1.607 heures), il va pouvoir osciller entre 15,4 heures hebdomadaires (le minimum) à 44,10 heures (le maximum) selon le niveau des commandes.

Chômage partiel et suppressions de postes si…

Hier après-midi, la direction et le délégué syndical CGT de l’usine, Alain Tullio, devaient se réunir pour signer l’accord. Mais le syndicaliste a finalement décliné, demandant six jours supplémentaires pour bien examiner le texte avec ses collègues de l’Union locale de Chauvigny. Une nouvelle réunion est prévue lundi. Alain Tullio assure qu’il signera l’accord ce jour-là. « Je m’y suis engagé auprès des salariés », indique-t-il. Interrogée, la direction, par la voix de Michel Moinet, responsable qualité du groupe Arféo, regrette ce contretemps. « Ça oblige à décaler d’une semaine l’application de l’accord, juge-t-il. Or, février est un mois bas au niveau des commandes. On n’a pas beaucoup de marge de manœuvre ; plus vite l’accord est signé, plus vite on pourra jouer sur les horaires. Ceci dit, on accepte le choix du délégué syndical. On ne s’inscrit pas dans une démarche conflictuelle. On sait par où les salariés sont passés ces dernières années. Socialement, ça n’a pas été joyeux tous les jours… Donc on attend sagement lundi. » La direction a affiché clairement les enjeux. Si aucun accord n’est trouvé, elle entend : avoir recours à des périodes de chômage partiel ; imposer aux salariés de prendre les congés d’été sur la période mai-juin ; et surtout réduire les effectifs (jusqu’à neuf suppressions de postes). A l’inverse, s’il y a bien signature lundi prochain, elle s’engage, en cas de recours à du chômage partiel dans l’année, à garantir l’intégralité des salaires.

Une semaine à rebondissements

Suite à la présentation du projet par la direction, le délégué syndical CGT a organisé mercredi un referendum dans l’entreprise. Bilan : 61 voix contre le projet, 41 pour. Contre toute attente, le lendemain, le comité d’entreprise a, lui, donné un avis favorable (quatre pour, deux contre). Il se serait positionné ainsi suite à l’annonce de dernière minute de la direction de mettre en place du chômage partiel dès le mois de février si aucun accord n’était trouvé rapidement, pour faire face à des prévisions de commandes très basses. Ne sachant plus quoi faire, le délégué syndical a donc organisé, vendredi, un second referendum. En précisant aux salariés le dernier argument de la direction, à savoir du chômage partiel et donc une perte de salaire en février. Bilan, cette fois : 64 pour le projet, 61 contre. A titre personnel, Alain Tullio dit avoir voté contre, estimant que les négociations ont été menées trop rapidement et que ce projet ne permettra plus aux salariés de faire des heures supplémentaires, et donc de gonfler les fins de mois. Regrettant la « menace » de dernière minute de la direction, il assure néanmoins qu’il respectera le choix des salariés.

Nouvelle république, Anthony Floc’h, 25 janvier 2012