Le juge suspend les fouilles intégrales à la prison
Les fouilles à nu systématiques qui se pratiquent au centre de détention de Vivonne sont dégradantes et contraires à la loi, a estimé le président du tribunal.
L’Observatoire international des prisons vient de remporter une victoire significative dans le combat qu’il a engagé contre une pratique courante dans les centres de détention français : la fouille systématique des détenus entièrement nus après tout contact avec le monde extérieur.
Suivant une jurisprudence au moins implicite du Conseil d’État, le président du tribunal, Jean-Jacques Moreau, exerçant les fonctions de juge des référés, a suspendu hier soir la pratique du régime de fouilles corporelles intégrales systématiques jusqu’à ce qu’il soit statué sur le fond du dossier.
Les fouilles à nu contraires à la Convention des droits de l’homme
Le juge enjoint au directeur du centre pénitentiaire de Poitiers-Vivonne d’appliquer immédiatement cette décision en suspendant l’article du règlement intérieur qui organise ces fouilles. Il aura fallu attendre sept jours après l’audience de mercredi dernier pour que le juge rende sa décision, qui devrait susciter quelques remous, notamment parmi le personnel pénitentiaire. L’ordonnance de référé s’appuie sur deux textes fondamentaux. Le premier est l’article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, dont la France est signataire. Cet article stipule : « Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ». Le second texte, plus précis dans ses dispositions, est la loi française adoptée en novembre 2009 qui indique clairement que les fouilles intégrales doivent obligatoirement être justifiées, soit parce qu’on soupçonne le détenu d’avoir commis une infraction (introduction illégale d’un objet, par exemple), soit parce que, par son comportement, il fait courir des risques aux autres occupants de la prison, détenus, gardiens ou intervenants extérieurs. La fouille systématique de chaque détenu, qui peut intervenir plusieurs fois par mois, telle qu’elle est pratiquée à Vivonne, se fait chaque fois qu’un détenu rentre d’une présentation au tribunal ou a fortiori d’une permission ; chaque fois aussi qu’il a rencontré un proche au parloir, mais aussi son avocat ou un travailleur social. Si bien, comme l’explique Barbara Liaras, représentante régionale de l’Observatoire, que certain détenus préfèrent renoncer au parloir plutôt que de subir cette humiliation. Cet aspect systématique et non justifié des fouilles, estime le juge, viole la loi et la Convention des droits de l’homme. Le ministère de la Justice garde la possibilité de faire appel de cette ordonnance. Mais, précise l’OIP, cet appel ne saurait être suspensif. Par voie de conséquence, dès ce matin les fouilles à nu systématique sont hors-la-loi à la prison de Vivonne. « Nous allons maintenant essayer de vérifier que le jugement est effectivement appliqué », expliquait hier Barbara Liaras.
Nouvelle République, Vincent Buche, 26 janvier 2012