Répression de Tibétains en Chine: communications et déplacements entravés au Sichuan
Le téléphone, l’internet et la circulation routière étaient perturbés jeudi dans une vaste région tibétaine du Sichuan d’où filtraient cependant des détails sur la répression violente des manifestations du début de semaine par la police chinoise.
La préfecture de Ganzi, qui borde le Tibet et où vivent de nombreux Tibétains, a connu lundi et mardi des manifestations dont la répression a fait deux morts, selon Pékin, entre trois et une dizaine, selon les groupes d’exilés — les troubles les plus graves depuis les émeutes antichinoises de 2008.
La sécurité avait déjà été renforcée dans la préfecture de Ganzi, comme celle, voisine, d’Aba, après une quinzaine d’immolations par le feu (ou de tentatives) de moines et nonnes tibétains depuis moins d’un an.
Mais jeudi, la vaste préfecture de Ganzi fonctionnait au ralenti: les liaisons téléphoniques étaient très perturbées, l’internet ne marchait plus et les déplacements étaient restreints par des membres des forces de sécurité déployés massivement.
Des dizaines de véhicules de police — 4×4 et autocars– empruntaient la route enneigée de montagne vers Luhuo et Seda, théâtre des manifestations de lundi et mardi, depuis la capitale provinciale de Chengdu, ont constaté des Journalistes de l’AFP.
« Ils étaient descendus à Chengdu fêter le nouvel an (lunaire), et ils doivent rentrer avant la fin des congés en raison des troubles », explique Zhou Ming, un chauffeur qui emprunte souvent l’itinéraire.
Il s’étonne de ne pouvoir joindre aucun de ses amis là-bas. « Les appels n’aboutissent pas » dit-il, supposant que « le gouvernement a coupé les communications ».
L’AFP n’a pas pu non plus joindre les moines du monastère de Drakgo, à côté de Luhuo.
Les appels passés à 19 hôtels, restaurants, librairies, sociétés ou boutiques de Luhuo donnaient tous une tonalité « occupé », laissant penser que les liaisons avaient été coupées.
A Seda, les téléphones de 15 hôtels et restaurants sonnaient également tous « occupé ».
Des associations de défense des Tibétains ont indiqué que ceux-ci ne pouvaient pas se déplacer librement à Seda, certaines ajoutant que la zone était coupée du monde, d’autres faisant état de l’arrivée d’au moins 40 camions militaires.
Dans la nuit de mercredi à jeudi, au bout d’un tunnel menant à Luding, à 300 km de Luhuo, les policiers avaient monté un barrage filtrant.
« Vous ne pouvez pas aller plus loin en raison de la neige et devez faire demi-tour pour votre propre sécurité », a assuré un des agents au chauffeur des Journalistes de l’AFP.
Les forces de l’ordre étaient omniprésentes jeudi jusqu’à Chengdu, à 600 km tout de même de Luhuo, où, dans le quartier tibétain, des véhicules de police étaient visibles tous les 50 mètres.
Les Journalistes de l’AFP ont très rapidement été entourés par une dizaine de policiers en uniforme et en civil. « Il est interdit de prendre des photos et d’interroger les gens », a déclaré un officier après avoir scrupuleusement noté les identités des deux reporters.
Malgré ces difficultés, l’organisation International Campaign for Tibet (ICT), dont le siège est aux Etats-Unis, a pu obtenir auprès de Tibétains des détails sur la manifestation mardi à Seda contredisant la version officielle.
A Seda, selon l’agence Chine nouvelle, un émeutier a été tué par la police après l’attaque d’une foule violente équipée de couteaux, bonbonnes de gaz et fusils.
Mais d’après les témoignages recueillis par ICT, des centaines de Tibétains se sont réunis dans le calme sur la place du centre-ville, puis la police a fait usage de gaz lacrymogènes avant de se mettre à tirer dans la foule.
« Des Tibétains couraient partout pour se cacher. Certains ne pouvaient pas s’enfuir parce qu’ils avaient été grièvement blessés », a dit un témoin.
D’autres ont affirmé que « la place était couverte de sang » après les coups de feu.
La veille une manifestation de Tibétains avait aussi été violemment réprimée non loin, à Luhuo, où Pékin a admis la mort d’un Tibétain, chiffre porté à au moins deux par les associations protibétaines.
AFP, 26 janvier 2012