Poitiers : pour le Printemps le rideau est tombé
La “ veillée funèbre ” du Printemps a réuni une centaine de salariés et clients du magasin hier soir lorsque ses portes se sont fermées. Définitivement.
Cette fois, c’est bien fini. Ce samedi soir, il n’est pas encore 19 heures lorsque les salariés, majoritairement des femmes, mais aussi les derniers clients du Printemps, sortent du magasin. On allume des bougies, des regards sont déjà embués. Sous la lumière des caméras, la foule s’épaissit peu à peu jusqu’à compter entre 100 et 150 personnes. Les salariés, bien sûr, des clients solidaires, mais aussi des retraités du Printemps venus soutenir leurs anciens collègues. Le maire, Alain Claeys, s’avance à son tour : « C’est mon devoir de maire d’être là ce soir. La mairie accompagne les salariés dans le cadre de la convention de revitalisation pour que leurs droits soient respectés… »
« On aurait pu fêter les 50 ans en 2015… »
Un peu plus tard, des voix discordantes vont se faire entendre, agressant verbalement Alain Claeys : « Vous êtes le fossoyeur du commerce du centre-ville ! » lance un homme. Quelques personnes applaudissent, d’autres se scandalisent. « Ce n’est pas l’endroit pour ça, on est là pour le Printemps ! » Entourée de ses collègues, la secrétaire du comité d’entreprise, Chantal Choisy, prend la parole : « Le couperet est tombé le 17 mai, nous l’avons tous très mal vécu. Le Printemps a apporté une vie commerciale intense au centre-ville depuis 1965. Nous aurions pu fêter les 50 ans en 2015… » Elle dénonce la stratégie du groupe Borletti : « Depuis le rachat, tout est décidé par Paris, on a favorisé les grands magasins et laissé tomber les petits. Lorsque j’avais fait part début 2010 de mes inquiétudes au P-DG Paolo de Cesare, il m’avait répondu : « Ayez confiance en l’avenir »… » Chantal Choisy se tait. En pleurs, elle n’arrive plus à lire sa feuille.
Ses collègues la soutiennent : « Allez Chantal ! » Elle reprend : « On nous dit que Poitiers mettait le groupe en danger alors qu’il se gave de chiffres d’affaires… On nous a culpabilisés en ne faisant aucun investissement… » L’émotion est décuplée lorsqu’elle indique que les salariés sont ce soir « doublement effondrés après le décès brutal, mercredi dernier, de Pascal », un de leurs collègues… Évelyne, salariée du Printemps depuis 29 ans, arrive au bout de cette ultime journée de sa carrière professionnelle qu’elle redoutait tant : « Des clientes sont venues encore aujourd’hui pour nous dire au revoir, avec un petit mot gentil… Mais c’est vraiment dur… » Il est 19 heures et le rideau de fer du Printemps tombe pour une dernière fois. Une page de l’histoire du centre-ville de Poitiers vient de se tourner. Dans la douleur.
Nouvelle République, Frédéric Delâge, 29 janvier 2012