Il ne se passe plus une semaine sans une sortie répugnante du sinistre de l’Intérieur. Cet article AFP mentionne cette fois-ci une « étude » sur la criminalité spécifique des immigré-e-s, commandée par l’ignoble Guéant. Même si sa conclusion vient tempérer le discours nauséabond relaté, nous ne le diffusons que pour montrer le discours xénophobe sous-jacent qui prolifère actuellement en France, comme ailleurs hélas.
Selon cette étude, 17,3% des vols seraient donc commis par des immigrés, ce qui serait une « confirmation » d’une « surreprésentation » des étrangers dans la délinquance, selon Eric Ciotti, toujours aussi prompt à soutenir la politique migratoire dudit Guéant.
Les données statistiques de la délinquance me font vomir, en particulier lorsqu’elles évoquent un rapport avec l’immigration… mais puisqu’il faut à mon sens reléguer ce genre de statistiques bien « ciblées » à ce qu’elles sont, soit de la bonne grosse propagande xénophobe préélectorale, regardons les chiffres avec plus de précision.
Les « immigré-e-s » représentent entre 8,3% et 11,1% de la population totale, selon qu’on se rapporte à la définition de l’INSEE ou de l’ONU. Il y aurait donc un rapport de un à deux, pour les délits de vol commis, entre les « nationaux » et les « immigrés » ?
Sauf qu’on oublie une évidence, et un autre chiffre qui va avec.
Le vol concerne en effet surtout les pauvres (du moins le vol condamné par la « justice » française, qui n’inclut pas le vol capitaliste de la plus-value par la bourgeoisie, qui représente des chiffres autrement plus conséquents, mais dont ne parlera évidemment jamais Guéant).
Ainsi, les prisons enferment très majoritairement des personnes pour délits et crimes relevant de l’atteinte aux biens d’autrui et sans surprise, l’immense majorité des personnes incarcérées est pauvre. Le « vol » ne trouve pas ses origines dans les… « origines ethniques », mais dans la pauvreté, qui se renforce au sein d’une société violemment inégalitaire. Cela peut paraître évident pour n’importe quel sociologue, mais il fallait le rappeler.
Or la population dite immigrée connaît, selon l’INSEE, un taux de pauvreté d’environ 36 %, soit un taux supérieur de 25 points à celui de la population des ménages non immigrés. A cela s’ajoutent des conditions de vie, pour bien des immigrés, plus déplorables encore ; notamment en termes de logement (concentré dans des zones urbaines d’exclusion sociale). Si l’on suit ce rapport entre vol et pauvreté, sociologiquement bien plus pertinent que celui entre vol et « origine » comme on va le voir, les immigrés pauvres sont environ 3% de la population totale, et les nationaux pauvres 10%.
C’est-à-dire que près d’un pauvre sur trois est immigré en France.
Or les immigrés ne sont pas à l’origine d’un tiers des vols commis, mais de 17%, selon l’étude. C’est-à-dire qu’il y a mathématiquement plus de vols commis par des nationaux pauvres que par des immigrés pauvres.
Voilà une analyse à mes yeux inintéressante au possible, tant le vol est à mon sens compréhensible, et même légitime dans une société aussi inégalitaire que la nôtre, et tant je me fous de « l’origine » dans une analyse de classe de la société. Mais qui a au moins le mérite de remettre à leur place les promoteurs de la xénophobie à la sauce républicaine.
On ne s’en étonnera pas : les politicards flirtant avec la haine xénophobe sont les mêmes qui mènent une politique de guerre aux pauvres et de défense des privilèges des riches. Face à la colère populaire contre les inégalités croissantes, ces bureaucrates de la gestion de la misère préfèrent diviser les pauvres et évoquer des raisons « ethniques » ou encore « religieuses » pour faire diversion, et justifier leur ordre sécuritaire. Façon odieuse de masquer leurs propres responsabilités dans la fabrique de la misère et de l’injustice modernes.
On ne le dira jamais assez : ce sont l’Etat et le capitalisme qui engendrent la misère, pas les « immigrés » qui ne sont, pour leur immense majorité, que des exploités comme les autres. Que les imbéciles et les lâches se rallient aux discours mensongers de leurs exploiteurs pour déchaîner leurs frustrations sur les franges les plus précarisées de la population, c’est une triste ritournelle historique. Quant à nous, nous appelons à lutter contre l’exploitation capitaliste et ses sbires étatistes.
Pas de guerre entre les peuples, pas de paix entre les classes !
Juanito, groupe Pavillon Noir (Fédération Anarchiste 86), 15 février 2012
Délinquance: les étrangers mis en cause dans une étude, à 2 mois de la présidentielle
Des étrangers ont été mis en cause dans près d’un vol sur six en 2011 (17,3%, contre 12,8% en 2006), selon un rapport publié mercredi, jour de l’annonce de la candidature à la présidentielle de Nicolas Sarkozy, dont l’immigration devrait être un axe de campagne.
Selon cette étude de l’Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales (ONDRP), commandée par le ministre de l’Intérieur Claude Guéant, sur près de 306.000 « mis en cause » par la police et la gendarmerie en France, pour des vols ou dégradations, 17,3% sont des étrangers.
Ce chiffre est rendu public au lendemain de l’annonce de l’examen le 1er mars à l’Assemblée nationale d’un projet de loi UMP inspiré par la place Beauvau et tendant à augmenter les expulsions d’étrangers condamnés. Depuis fin décembre, Claude Guéant pointe du doigt « une délinquance étrangère supérieure à la moyenne enregistrée dans notre pays ».
Aux yeux du Monsieur Sécurité du candidat socialiste François Hollande, François Rebsamen, pour qui « il n’y a pas de hasard en politique », la publication de cette étude, à deux mois de la présidentielle, « imprime l’entrée en campagne de Nicolas Sarkozy d’un parfum nauséabond ».
Si l’Intérieur, contacté par l’AFP, n’a pas immédiatement réagi, le député UMP Eric Ciotti a salué la « confirmation » d’une « surreprésentation » des étrangers, notamment des Roumains, dans la délinquance. A ses yeux, ce travail « balaie la polémique un peu ridicule après le discours de Grenoble », prononcé à l’été 2010 par Nicolas Sarkozy. Le chef de l’Etat y établissait pour la première fois un lien entre délinquance et immigration.
Louis Aliot, vice-président du FN, a salué le fait que, pour « la première fois », « un organisme officiel pointe la corrélation » entre « immigration et insécurité » et « ouvre les yeux de tous nos compatriotes sur les méfaits d’une immigration massive et incontrôlée ».
L’étude détaille la « part des étrangers » dans plusieurs catégories d’infractions, à partir des statistiques officielles.
Pour les violences aux personnes par exemple, point noir depuis quelques années, elle est de 12,4%, un chiffre en baisse par rapport à 2006 (14,2%). Pour les atteintes aux biens, elle est en revanche en hausse (12,8% à 17,3%).
Sur la base de deux fichiers de police et de gendarmerie, le Stic et la BNSD, l’ONDRP a également tenté de définir l’âge, le sexe et la nationalité des étrangers « mis en cause » entre 2008 et 2010.
D’après le Stic -un fichier contesté, notamment par la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil)-, le nombre de Roumains a « plus que doublé » pour cette période. Il a augmenté « de près de 95% », selon la BNSD.
« Le nombre de personnes de nationalités de l’ex-Yougoslavie mises en cause pour vols s’est accru de plus de 65% » pour la police, « de plus de 90% » pour les gendarmes.
Selon le Stic, il y a une augmentation globale d’environ 40% du nombre d’étrangers « mis en cause » par la police sur cette période. Cette « tendance à la hausse » concerne aussi « les mis en cause pour vols d’autres nationalités », affirme l’ONDRP, citant les Algériens ou les Tunisiens.
En 2010, selon la Chancellerie, 79.829 des 628.039 condamnations ont été prononcées contre des étrangers (y compris de l’UE), soit une part de 12,7%. Dans son recensement de 2008, l’Insee estime que les étrangers en situation régulière représentent un peu moins de 6% de la population française totale.
Le criminologue Alain Bauer, président de l’ONDRP, comme d’autres sociologues tel Sébastian Roché (CNRS), mettent en garde contre « l’interprétation » des chiffres. Pour Sébastian Roché, ils peuvent conduire à comparer « deux populations qui ne sont pas comparables », les étrangers étant « plus pauvres », « plus urbains » et dotés d' »un niveau scolaire plus faible ».
AFP, 15 février 2012