Réforme du travail en Espagne: une marée humaine envahit les rues
Des centaines de milliers de manifestants, agitant des drapeaux rouges, ont envahi les villes d’Espagne dimanche pour protester contre la réforme du travail, première réponse de masse au gouvernement qui espère ainsi lutter contre un chômage de près de 23%.
Les deux principales manifestations ont rassemblé plusieurs centaines de milliers de personnes à Madrid et Barcelone, répondant à l’appel des syndicats pour protester contre cette réforme qui va selon eux « accélérer la Destruction d’emplois ».
Des manifestations semblables étaient convoquées dans 57 villes d’Espagne contre la réforme annoncée par le gouvernement conservateur dans le but d’aider le pays à sortir de la crise et d’un chômage de 22,85%, un record parmi les pays industrialisés.
Les syndicats ont fait état d’une très forte mobilisation, annonçant 500.000 manifestants à Madrid, 400.000 à Barcelone, 150.000 à Valence, 50.000 à Séville. Selon la police, les manifestants étaient 50.000 à Madrid, 30.000 à Barcelone, 25.000 à Valence, 5.000 à Séville.
Manifestants opposés à la réforme du travail, dans le centre de Madrid, le 19 février 2012
A Madrid, les manifestants rassemblés à l’appel de l’UGT et de Comisiones Obreras (CCOO), les deux grands syndicats espagnols, ont envahi les grandes avenues du centre de la capitale en portant des pancartes avec les mots « non à la réforme du travail injuste, inefficace, inutile » ou « non à la réforme et aux coupes budgétaires. Grève générale ».
« Grève, grève, grève » criaient les manifestants, qui ont appelé le gouvernement à ouvrir des négociations sur la réforme du travail.
« Il faut bouger. Ils commencent comme cela puis ils vont continuer à supprimer nos droits », lançait Victor Ogando, un manifestant de 44 ans portant un chapeau noir orné de l’insigne rouge et blanc de la CCOO, ancien employé dans la construction aujourd’hui au chômage.
Parmi la foule défilaient aussi des enseignants portant le tee-shirt de la « marée verte », un mouvement de contestation né en septembre contre les coupes budgétaires dans l’éducation dans la région de Madrid, ou des manifestants du mouvement des indignés.
« Je suis ici contre la réforme du travail mais aussi contre les coupes dans les services publics », lançait Clemencia Alvarado, une enseignante de 54 ans arborant le tee-shirt vert avec le slogan « école publique de tous, pour tous ». « L’enseignement n’est pas une dépense, c’est notre avenir », ajoutait-elle.
Premiers frappés par le chômage, avec 48,6% des 16-24 ans sans emploi, les jeunes étaient aussi au rendez-vous.
« Je crains que notre génération ait moins de droits que celle de mes parents, que nous ne vivions pas aussi bien. Je sens que l’Espagne et l’Europe retournent en arrière avec ce genre de réformes », confiait Jordi Alsedo, un étudiant ingénieur de 23 ans, vêtu de noir.
« Banquiers, voleurs, rendez les millions », criaient aussi les manifestants qui défilaient à Barcelone.
Un manifestant tenant une pancarte sur laquelle on peut lire: « Pas de pain, pas de paix » le 19 février 2012 à Madrid
Le gouvernement de Mariano Rajoy a adopté le 11 février une nouvelle réforme pour flexibiliser le marché du travail, incluant la baisse des indemnités de licenciement et des mesures pour stimuler l’emploi des jeunes.
Répondant aux manifestants, dont certains brandissent la menace d’une grève générale, le chef du gouvernement a défendu une nouvelle fois dimanche sa réforme lors de la clôture du congrès de son parti, le Parti populaire, à Séville.
« C’est la réforme dont l’Espagne a besoin pour éviter que nous soyons le pays d’Europe qui détruit le plus d’emplois », a lancé M. Rajoy. Cette réforme « nous situe au même niveau que les pays d’Europe les plus avancés, et en finit avec les injustices du marché du travail », a-t-il dit.
Après la réforme budgétaire visant un déficit zéro en 2020 et celle du secteur bancaire pour le nettoyer de ses mauvais actifs immobiliers, le marché du travail est le troisième grand chantier amorcé par le nouveau gouvernement espagnol pour tenter de redresser l’économie du pays.
AFP, 19 février 2012