[Dakar] Nouvelle répression policière d’une manif anti-Wade

Sénégal: nouveaux incidents à Dakar, Youssou Ndour blessé lors d’échauffourées

De nouvelles violences se sont produites mardi soir à Dakar entre policiers et opposants rassemblés notamment autour du chanteur Youssou Ndour, qui a été blessé à une jambe, pour exiger le retrait de la candidature du président Abdoulaye Wade à l’élection présidentielle de dimanche.

Dans la soirée, la mission d’observation électorale de l’Union européenne (UE) au Sénégal a appelé « à l’arrêt des violences » ayant marqué la répression de manifestations d’opposants, interdites par les autorités, en souhaitant que « la libre réunion électorale » soit garantie.

Les violences ont éclaté dans le centre-ville lorsque, juché sur le toit d’une voiture, Youssou Ndour, farouche opposant au président Wade, s’est approché très près d’un cordon de policiers anti-émeutes qui l’empêchaient d’accéder à la Place de l’Indépendance où était prévu un rassemblement d’opposants interdit par les autorités.

Des pierres sont alors parties depuis la foule qui entourait son véhicule en direction de la police, qui a riposté par des tirs de gaz lacrymogènes.

Youssou Ndour a très rapidement quitté les lieux après le début de la dispersion de la police. Un journaliste de l’AFP a vu une personne, évacuée par des secouristes, blessée à la jambe.

« Dans le feu de l’action », le chanteur « a été blessé à la jambe gauche, il a été examiné par un médecin, mais il ne souhaite pas en faire une affaire d’Etat », a déclaré Charles Faye, son conseiller en communication, qui n’a pas souhaité préciser le type de projectile l’ayant touché et décliné tout autre commentaire.

Après la dispersion, des jeunes se sont éparpillés par petits groupes dans des rues adjacentes, où des barricades de fortune ont commencé à être érigées et incendiées.

Près d’un millier de personnes étaient sur une avenue pour tenter d’accéder sur la Place de l’Indépendance, rassemblés autour de Youssou Ndour, mais également de trois autres opposants et candidats à la présidence: Idrissa Seck, ex-Premier ministre de M. Wade, Ibrahima Fall et Cheikh Bamba Dièye.

Pendant près de deux heures, les manifestants, face aux policiers, ont scandé des slogans et chanté des refrains d’une chanson hostile au président Wade.

Youssou Ndour et les trois opposants candidats sont tous membres du Mouvement du 23 juin (M23), coalition de partis d’opposition et d’organisations de la société civile réclamant le retrait de la course de M. Wade, élu en 2000 et réélu en 2007.

Le M23 avait une nouvelle fois appelé à une manifestation Place de l’Indépendance, ce qu’il entend faire tous les jours jusqu’à vendredi. De précédents appels à s’y rassembler avaient déjà entraîné des violences entre manifestants, en grande partie des jeunes, et les forces de l’ordre.

C’est dans ce climat tendu que l’ex-président nigérian Olusegun Obasanjo est arrivé à Dakar comme chef de la mission des observateurs de l’Union africaine (UA) pour la présidentielle. Il a déclaré que « si nécessaire », il ne sera pas qu’un simple observateur « en raison de la situation sur le terrain ».

« Nous l’attendons à Bras ouverts », avait auparavant affirmé Serigne Mbacké Ndiaye, porte-parole de la présidence. S’il « profite » de sa présence « pour discuter avec les uns et les autres, nous sommes ouverts, mais restons fermes sur certains principes », en particulier sur le non-report du scrutin.

M. Obasanjo avait été contraint en 2006 de renoncer à un troisième mandat à la tête du Nigeria sous la pression de l’opposition et de pairs africains dont M. Wade. « Si le président Wade m’a conseillé de ne pas me présenter à un troisième mandat, ce que je n’ai pas fait, il est sans doute le mieux placé pour se conseiller lui-même », a dit M. Obasanjo.

Depuis fin janvier, des échauffourées se sont régulièrement produites à Dakar, sa banlieue et en province lors de manifestations contre un nouveau mandat de M. Wade.

Les violences ont fait au total six morts depuis la validation de sa candidature, le 27 janvier, selon des sources concordantes. Deux ONG sénégalaises de défense des droits de l’Homme ont évoqué « neuf morts et des dizaines de blessés » pendant cette période, une autre a appelé à « agir immédiatement pour mettre un terme à la violence d’Etat ».

Dans un communiqué, la Mission d’observation électorale de l’Union européenne (MOE UE) a déploré tout recours à la violence « tant par les forces de l’ordre que par les manifestants » et appelé « à l’arrêt des violences et au respect du caractère Pacifique que devrait revêtir tout débat politique démocratique ».

AFP, 22 février 2012

Voir aussi cette compilation d’articles parue sur le Jura Libertaire, sur une manif à Dahra : maison du maire cramée.