Russie: des centaines d’opposants interpellés, dont des chefs du mouvement anti-Poutine
Des centaines de manifestants et plusieurs dirigeants de l’opposition ont été interpellés à Moscou et à Saint-Pétersbourg lundi soir au cours de manifestations organisées pour contester la victoire la veille de Vladimir Poutine à la présidentielle.
Manifestation anti-Poutine le 5 mars 2012 dans le centre de Moscou
Le blogueur anticorruption Alexeï Navalny, le chef du Front de gauche, Sergueï Oudaltsov, la militante écologiste Evguenia Tchirikova et le dirigeant du mouvement Solidarité, Ilia Iachine, ont été embarqués par la police à l’issue d’une manifestation autorisée place Pouchkine à Moscou.
Ceux-ci, et quelque 2.000 opposants, avaient refusé de partir à l’issue de ce rassemblement qui avait réuni 20.000 personnes selon l’opposition et 14.000 selon les forces de l’ordre.
La police antiémeutes est intervenue alors sans ménagement.
« Salut à tous du car de police », a écrit Alexeï Navalny sur son compte Twitter quelques minutes plus tard.
M. Oudaltsov avait auparavant déclaré à la foule qu’il ne quitterait pas la place tant que Vladimir Poutine resterait au pouvoir : « Je ne partirai pas tant que Poutine sera ici. A ceux qui resteront avec moi: Merci ! ».
M. Navalny avait lui fait scander à la foule, pendant la manifestation : « Qui est le pouvoir ? Nous sommes le pouvoir ! ». « Nous allons prendre les rues et les places de Moscou, nous ne partirons pas ! », a-t-il affirmé, appelant à une « désobéissance pacifique ».
MM. Navalny et Oudaltsov ont déjà passé quinze jours en prison après avoir été arrêtés dans des conditions similaires le 5 décembre, au lendemain des législatives.
Des Journalistes de l’AFP ont vu des dizaines de personnes être emportées vers des cars de police, tandis que les opposants criaient « Honte ! » et « Pouvoir aux masses, pas à la police ! ».
Une source policière, citée par l’agence de presse Interfax, a fait état de 150 interpellations en plusieurs points de la ville.
Plus tôt, à Moscou, une centaine de manifestants dont l’écrivain Edouard Limonov avaient déjà été interpellés devant la Commission électorale où ils comptaient contester l’élection du Premier ministre et homme fort de la Russie à la présidentielle avec près de 64% des suffrages dès le premier tour.
M. Limonov a été libéré dans la soirée.
La police a aussi indiqué avoir interpellé quatorze militants nationalistes. Un journaliste de la radio indépendante Echo de Moscou avait été passé à tabac par ces derniers un peu plus tôt.
Par ailleurs, environ 300 opposants ont été interpellés lundi soir pendant une manifestation non autorisée de l’opposition à Saint-Pétersbourg, a indiqué la police, citée par l’agence officielle de presse Itar-Tass.
Près de 1.500 opposants, scandant des slogans tels que « Honte à Poutine ! », ont tenté de se réunir dans le centre de Saint-Pétersbourg, où un important dispositif policier avait été déployé.
La coalition d’opposants issue de la contestation sans précédent de ces trois derniers mois a réclamé au cours de la manifestation à Moscou l’annulation de la présidentielle.
Un rassemblement de plusieurs centaines d’opposants a eu lieu dans la soirée à Nijni-Novgorod (centre), selon l’agence de presse Interfax.
Par ailleurs, un rassemblement en faveur de Vladimir Poutine celui-là, a réuni en début de soirée près du Kremlin quelque 15.000 personnes, d’après la police.
La Commission électorale a rendu publics peu avant les résultats définitifs de la présidentielle de dimanche.
Le Premier ministre, déjà président de 2000 à 2008, a obtenu 63,60% des voix, le communiste Guennadi Ziouganov 17,18%, et le milliardaire Mikhaïl Prokhorov, nouveau venu en politique avec l’assentiment du Kremlin, 7,98%.
Le déroulement de cette élection a été critiqué lundi par l’opposition et par la mission d’observation de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe OSCE) à Moscou.
Dès dimanche, observateurs et opposition ont affirmé avoir recensé quantité de fraudes.
Le site control2012.ru, mis en place pour les comptabiliser, avait relevé lundi près de 6.000 cas de violation de la législation électorale, notamment des cas de « transport massif d’électeurs », une technique qui permet à un groupe de voter plusieurs fois dans différents bureaux grâce à des autorisations frauduleuses.
L’ONG russe Golos a affirmé lundi que selon ses propres estimations, M. Poutine avait obtenu non 64% mais 50,26% au premier tour.
Le pouvoir avait assuré que le scrutin serait transparent, après que les falsifications dénoncées par l’opposition et des observateurs indépendants en décembre, aux législatives, eurent déclenché une vague de contestation sans précédent depuis 2000.
AFP, 5 mars 2012