A Paris, les Fondeurs ont défendu leur usine
Journée mémorable pour les Fondeurs d’Ingrandes. Non seulement Renault a annoncé des avancées, mais l’image des culassiers en est sortie grandie.
Cinq heures sur le parking de la Fonderie Alu à Ingrandes. Le bus N° 1 embraye, 46 ouvriers à son bord. Derrière, six autres cars suivent. Direction Nanterre et son tribunal de commerce où le sort de l’entreprise est en jeu. Sorti des brumes matinales, l’ambiance devient revendicative à l’intérieur du car. Jean-Yves Huet, l’un des responsables syndicaux entame la lecture de la motion qui sera lue à l’audience : « Les élus du C.E se sont prononcés à l’unanimité contre le plan de continuation présenté par Montupet », annonce-t-il d’emblée. Par contre, les salariés continuent à revendiquer la réintégration de la Fonderie au sein de Renault « parce que selon les prévisions, la société FDPA aura Renault pour unique client à l’horizon 2015. Et, si le constructeur refuse, il est impératif qu’il permette une solution d’avenir pour le site. »
« Maintenant il faut sauver un maximum d’emplois »A l’arrivée à Nanterre, d’autres métallos attendent déjà les fondeurs. Ils viennent de la Snecma, de Renault ou d’autres entreprises moins emblématiques et considèrent que la lutte de la FDPA est aussi la leur. A l’intérieur, Éric Bailly, le représentant des salariés du CE est entré en audience. A sa sortie, il est à la fois satisfait et inquiet : « Renault reste réticent pour tenir ses engagements en ce qui concerne la trésorerie de l’entreprise ». De plus, même si une nouvelle machine pour l’usinage de pièces d’avenir vient d’arriver dans l’usine, Renault refuse de mettre, pour l’heure, les 600.000 € nécessaires à son raccordement à la production. « Des manœuvres dilatoires », que les salariés jugent préjudiciables et exaspérantes. Par contre, le nouveau plan de charge annoncé par Renault constitue une avancée importante. « Certes, estime Éric Bailly, avec de tels chiffres, les deux années à venir seront difficiles. Mais à plus long terme, on peut considérer que l’entreprise est sauvée puisque Renault annonce 1 million de culasses à l’horizon 2015 et déjà 970.000 dès l’année précédente. » Un engagement qui faisait dire à l’élu du personnel : « Désormais il va falloir se battre pour préserver un maximum d’emplois ! » Après un rapide pique-nique, restait aux ouvriers de la Fonderie à se payer un baroud d’honneur vers les Champs-Élysées. Une véritable marche triomphale qui permit d’accéder à la plus belle avenue du monde en un temps record sur une route ouverte par les forces de police. Un moment savouré par les fondeurs, manifestement émerveillés par les bolides Renault exposés en vitrine du célèbre pub du même nom, beaucoup plus occupés à réussir une ou deux photos entre les épaules de CRS, qu’à revendiquer devant des employés bien incapables de répondre à leurs revendications…Le chiffre605.000c’est le nombre de culasses qui constituera le plan de charge de la Fonderie Alu pour cette année 2012. Un chiffre insuffisant (d’autant plus qu’il inclut les commandes de Peugeot aux côtés de celles de Renault) pour assurer la pérennité de la Fonderie. Par contre, dès 2014, les 970.000 culasses annoncées seront suffisantes pour garantir la rentabilité de l’entreprise. Ce qu’il faut maintenant, pour préserver la totalité des emplois, c’est trouver des solutions intermédiaires, de chômage technique ou de périodes de formation subventionnées pour passer ce cap difficile. Et d’abord faire admettre au repreneur de calquer son plan de reprise sur les chiffres de 2014/2015 plutôt que sur ceux de cette année.La phrase« Nous vous avions assurés de notre soutien, je suis ici pour renouveler cet engagement ».Claude Bertaud président du conseil général de la Vienne était un peu surpris à son arrivée à Nanterre d’être le seul élu du territoire à avoir fait le déplacement pour soutenir les salariés de la Fonderie. Rapidement rejoint par Jacky Emon, conseiller régional délégué par la présidente de Région, Ségolène Royal, le « patron » du département tint à faire savoir aux culassiers qu’il continuerait à appuyer, lui aussi, la solution d’une reprise de la Fonderie par Renault. « Mais quoi qu’il en soit, le département restera à vos côtés. « Il va falloir encore vous accrocher, dit-il aux ouvriers de la Fonderie et permettez-moi aujourd’hui de vous féliciter de la dignité dont vous faites preuve depuis le début de ce conflit.symboleUne » petite culasse » en productionLes fondeurs alu d’Ingrandes voient arriver la fin de plus de huit mois de bagarre contre « un patron voyou qui a voulu nous saigner ». Une bagarre exemplaire. Pour marquer le coup, ils veulent organiser, à une date qui reste à fixer une journée « portes ouvertes » au cours de laquelle tous les salariés recevront une miniature de la culasse emblématique de l’usine, la célèbre « F4 ». Un objet qui représentera un symbole d’espoir pour tous les ouvriers de l’usine.
Nouvelle République, Laurent Pinot, 15 mars 2012