[Civaux] Une poignée de super-pompiers kamikaze : ouf, on est rassuré….

Civaux : la démonstration de la force d’action rapide

La première équipe de super-pompiers d’EDF est en cours de constitution à la centrale nucléaire de Civaux. Une manœuvre est prévue aujourd’hui.

Le ministre de l’Industrie et de l’Énergie n’est donc pas venu à Civaux comme prévu, le 10 mars dernier, à la veille du premier anniversaire de la catastrophe de Fukushima [ndPN : le même jour, une grande mobilisation contre le nucléaire avait lieu à Poitiers]. Le déplacement d’Eric Besson dans la Vienne devait pourtant permettre le lancement officiel de la Force d’action rapide nucléaire (FARN) pour démontrer que la France avait tiré les leçons du drame en matière de sûreté nucléaire. Objectif : rassurer l’opinion.

L’opérateur a modifié son plan « com » à la dernière minute en conviant des journalistes de la presse parisienne triés sur le volet à une manœuvre de la FARN, le 8 mars. Dans leurs uniformes flambant neuf, ses seize premiers agents se sont prêtés à une mise en scène pour l’occasion – et ce, alors que certains n’étaient encore qu’en cours de recrutement. Tout juste un an après l’impensable, EDF souhaitait sans attendre faire la promotion de son équipe d’élite. La presse locale et les représentants des autres médias nationaux sont d’ailleurs à leur tour invités à voir les superpompiers en action ce matin.

En urgence dans la vallée de la Loire et le Sud-Ouest

Car la FARN de Civaux est la première des quatre équipes de cette nouvelle force nationale dont la création avait été annoncée en janvier dernier, lors de la publication du rapport de l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) sur les évaluations post-Fukushima. Basée dans la Vienne, elle a pour mission d’intervenir en urgence dans les centrales de la vallée de la Loire et du Sud-Ouest en cas de catastrophe nucléaire et partout ailleurs en renfort. Alors que ses membres seront affectés à mi-temps au fonctionnement de la centrale (lire ci-dessous), sa constitution sera progressive : deux équipes de 15 devront être opérationnelles avant la fin de cette année et donc mobilisables 24 heures sur 24. A terme, avant fin 2014, l’effectif devrait atteindre 80 agents à Civaux. Au total, avec les équipes de Dampierre-en-Burly (Loiret), Bugey (Ain) et Paluel (Seine-Maritime), la force nationale comptera 320 personnes. A elles, si le cas de figure extrême devait se présenter, d’assurer par tous les moyens le refroidissement des réacteurs et d’éviter une contamination de l’environnement.

Des super-pompiers à mi-temps

Lors de l’annonce de la création d’une Force d’action rapide nucléaire, en janvier dernier, la direction d’EDF avait annoncé la création de 80 postes à Civaux. Depuis, l’ancien directeur du site poitevin a eu l’occasion de préciser que cela ne se traduirait que par la création d’une quarantaine d’emplois nouveaux puisque les agents de cette force seront affectés pour 50 % de leur temps au fonctionnement de la centrale et pour les 50 % restants aux activités de la FARN. Or, les représentants locaux de la CGT dénoncent cette organisation qu’ils jugent dangereuse.

«  Il faut donner à la FARN les moyens d’être efficace  »

« On a bien vu ce qui s’est passé pour la Force d’intervention rapide électricité (FIRE) créée après la tempête de 99 », rappelle Christophe Laloup, secrétaire général de la CGT-UFICT. « Le retour d’expérience démontre qu’on commence à 50/50 et qu’on finit à 80/20 sans avoir le temps de se préparer correctement. A la FIRE, la maintenance du matériel a progressivement été négligée et la force n’était plus opérationnelle au moment d’intervenir en urgence. Nous craignons que cela se reproduise. » La CGT qui se félicite de la création de cette force souhaite qu’elle puisse réellement jouer son rôle. « On a fait la FARN pour répondre aux demandes de l’ASN et à l’inquiétude du public ; maintenant, il faut lui donner les moyens d’être efficace », ajoute Jean-Luc Daganaud, de la CGT-OE. « Ses effectifs doivent être dévolus à 100 % à sa mission principale. » Ce n’est manifestement pas gagné : « Au comité d’entreprise de janvier, on nous a répondu qu’on n’allait pas payer des agents à rien faire ! » D’autant que le directeur de la production nucléaire d’EDF justifiait ce choix dans les colonnes du Figaro, il y a dix jours : « Il est important que ces experts puissent restés confrontés au quotidien : l’idée n’est surtout pas de se cantonner dans l’attente d’un éventuel accident. »

Nouvelle République, B. B., 22 mars 2012