ndPN : samedi dernier, la Nouvelle Répugnante avait présenté l’intervention de Médine au café philo du collège Descartes, comme ayant tourné en « dérapage » auquel n’auraient pas « adhéré » « les élèves« . Nous nous étions refusé à relayer cet article, qui par ailleurs osait douter du côté « conscient » de l’artiste en suggérant que ses propos n’avaient pas être tenus devant un « jeune public » : merci pour les jeunes, jugés capables de débattre sur l’islam mais incapables d’entendre un discours engagé contre la stigmatisation des musulman-e-s en France !
Médine ne faisait que mettre en garde contre la stigmatisation des musulman-e-s après l’affaire Merah, et critiquait la presse de jouer le jeu, remarque qui n’avait pris que quelques instants au sein d’une discussion riche. Des millions de personnes sont EN EFFET stigmatisées, au quotidien, pour leurs « origines » ou leurs croyances personnelles réelles ou supposées, tant par le gouvernement que par une bonne partie de la presse, mais l’article se concluait par cette phrase hallucinante et déconnectée du quotidien : « La peur du rappeur ne semble pas fondée. Seulement surprenante. » Ce nouvel article de la Nouvelle République remet (un peu) les pendules à l’heure, avec la réponse de Médine au bigophone :
Médine : » Mon engagement vise à rassembler «
Le rappeur Médine est revenu, hier matin, sur les propos tenus, vendredi, lors d’un “ café philo ” au collège Descartes, à Châtellerault.
Lors d’un café philo, vendredi dernier au collège Descartes, à l’occasion de la Semaine de la solidarité, le rappeur Médine avait commenté le drame de Toulouse dont l’épilogue avait eu lieu la veille (notre édition de samedi) : « La réaction des médias est à vomir. Je ne sais pas comment vous le vivez […]Là, ce sont des événements qui sont condamnables en tous points, il n’y a pas à tergiverser […] Mais maintenant la réaction des médias est en train d’aller dans le sens de la stigmatisation. On est train de faire des musulmans l’ennemi public numéro 1. Ce n’est pas une seule personne qui est l’ennemi public numéro 1. Ce sont les musulmans qui, aujourd’hui, vont en pâtir à cause d’un déséquilibré. Voilà, c’est l’histoire de toute ma vie, de tout mon engagement qui vise à rassurer les gens, à rassembler les communautés, à essayer de créer des passerelles entre eux. Un événement et ça détruit toutes les passerelles qu’on a essayé de mettre en place depuis une dizaine d’années ».
« On a pu croire que je ne condamnais pas ce qui s’était passé »
Si le rappeur condamnait clairement les événements de Toulouse, sa sortie sur les médias, qui de notre point de vue ont globalement fait preuve de mesure, était contestable. C’est ce dernier point qui a fait réagir notre rédaction dans l’édition de samedi. Médine estime, lui, que ses propos ne prêtaient pas à polémique, dans un débat citoyen devant des collégiens. « Je suis très troublé, nous disait-il hier au téléphone. Ce n’est vraiment pas le bilan que j’ai perçu lors de cette rencontre (avec les collégiens). Je le ressens comme une attaque personnelle, clairement. » Le rappeur réfute catégoriquement le terme de « dérapage ». « Je n’ai pas compris où était le dérapage. Si ce n’est dans les mots : « Les médias sont à vomir ». J’aurais dû prendre des précautions […] en distinguant la presse qui dérape et celle qui ne dérape pas. Mais cela a duré 30 secondes dans la rencontre. » Médine refuse surtout qu’on lui prête quelque complaisance que ce soit. « On a pu croire que je ne condamnais pas ce qui s’était passé à Toulouse, en semblant m’opposer aux jeunes. » Les organisateurs (Minimes, Éducation nationale, Ville), réunis hier matin en mairie, ne disent pas autre chose dans un communiqué : « Médine était là pour relayer le discours que ce rappeur « conscient » développe depuis une dizaine d’années sur le dépassement des représentations qu’on peut avoir d’une communauté ou d’une autre. » Les mêmes regrettent que leur action – la semaine de la Solidarité – se soit résumée à cette polémique.
commentaire
Amalgames
Lutter contre les amalgames est un exercice tout aussi salutaire que délicat. A Châtellerault, les organisateurs de la Semaine de la solidarité s’y emploient avec une constance et un savoir-faire reconnus. Le café philosophique organisé la semaine dernière sur le thème de l’islam autour du rappeur Médine, en présence de collégiens de Descartes, s’inscrivait dans cette démarche. Nous avons relevé dans les propos de Médine un raccourci sur la presse lorsqu’il a évoqué l’affaire de Toulouse : « La réaction des médias est à vomir ». Formule paradoxale dans une intervention dont l’objectif était précisément de réfléchir aux attitudes qui stigmatisent. Nous avons pointé cette stigmatisation des médias. Mais ce dérapage ne doit pas occulter la qualité de la démarche des organisateurs de la semaine châtelleraudaise de la solidarité ni altérer le sens de l’intervention de Médine et des valeurs citoyennes qu’il porte. Pour éviter tout amalgame, il était donc nécessaire qu’ils s’expriment. Parole que nous nous faisons un devoir de restituer dans cette page.
Nouvelle République, 28 mars 2012
ndPN (bis) : concluons avec ce titre de Médine, pour celles et ceux qui ne connaîtraient pas encore ses textes.