Les habitants des Trois-Moutiers et de Morton n’ont pas marqué d’intérêt pour l’enquête publique close depuis hier.
A 17 heures, je ferme. A deux heures de la clôture de l’enquête publique sur le Center Parcs, le commissaire-enquêteur, installé dans les locaux de la mairie des Trois-Moutiers, n’a vu que trois personnes sur les quatre permanences qu’il a tenues. Force est de constater que Center Parcs n’a pas trouvé d’opposants, pendant un mois, délai légal d’ouverture de l’enquête. La critique est à peine audible chez les Trimoustériens et les Mortonais tellement le projet génère un espoir qui porte les rêves des habitants coincés dans un désert économique (lire article ci-dessous)
Incohérence entre les discours et les choix
Mais il y a des consciences qui s’éveillent dans ce pays qui a perdu ses forces vives mais gagné en quiétude. Christian Boulanger, l’un des rares à s’intéresser à l’enquête publique, pointe du doigt « l’incohérence » entre les discours et les choix qui sont faits.
L’ingénieur en retraite et ex-dirigeant d’entreprise argumente sa critique en mettant en avant l’énergie. « Ils s’engagent à utiliser l’énergie renouvelable sans émission de CO2 et privilégient le choix du gaz de ville, qui émet, lui, du CO2 et dont le raccordement va coûter 2 M€ à la collectivité alors que nous possédons une filière locale avec le bois, qui a été éliminé par Pierre et Vacances. »
Autre exemple avancé par l’ingénieur pragmatique : « On découvre qu’il faut effectuer un forage supplémentaire pour assurer la production en eau alors que 40 % de l’eau pompée n’est pas facturée à cause des fuites dues à un réseau en mauvais état. C’est l’équivalent à peu près de la production annuelle de Center Parcs qui devrait consommer autour de 300.000 m3. »
Le commissaire-enquêteur, Maurice Bossan, neutre, note les observations dans son registre qui lui permettra d’établir ses différents rapports et de donner un avis.
Daniel Thonon, président de l’APPAR (Association pour la protection du patrimoine architectural et rural), s’inscrit également dans la critique. Plus politique celle-là : « Le retour sur l’emploi par rapport à l’investissement (150 M€ par la SEM) estime-t-il, me paraît totalement déséquilibré. C’est de l’auto financement pour quelque 400 emplois relativement précaires au SMIC. »
En écoutant ces deux habitants, Maurice Bossan a fait carton plein des observations. Autant dire que « Pierre et Vacances » est attendu comme le messie.
Didier Monteil, La Nouvelle République, 19 juillet 2012
» On sera plus en joie qu’à l’heure actuelle «
Au « bar de l’Amitié », la vie glisse comme le petit blanc sur le zinc. Sec et rapide. François chambre le patron, Patrice, débordé. C’est mercredi et le boulot s’accumule. À côté, le restaurant attend les clients. François, 53 ans, négociant en chevaux, part au quart de tour quand on lui parle de Center Parcs. « Il monte un club hippique, j’ai pris des contacts car ils ont des chevaux de loisirs. » Ce ne sera pas l’affaire du siècle mais si le quinquagénaire franchit la barre, les relations s’installeront dans cette grande bulle, qui fabrique du loisir sur commande.
Jacqueline, 65 ans et son mari Jacky, 69 ans sont à l’apéritif avec Christian, 63 ans, qui tourne au Vittel menthe : « On sera plus en joie qu’à l’heure actuelle », commente le sexagénaire à la moustache fournie. La discussion va bon train sur un projet qui transporte les uns vers une dynamique positive et les autres dans les regrets. « Les anciens, ça les bouscule, raconte Emilie, 31 ans, ils vont avoir de la circulation. »
Dans cette petite commune des Trois-Moutiers de quelque 1.100 âmes, on veut y croire à cet Eldorado. Yann, pharmacien et breton, est « très très positif » à propos de l’arrivée du concept. « Nous sommes dans une zone qui a perdu son industrie, constate-t-il, la venue de Center Parcs va pérenniser les emplois précaires que sont la cueillette des melons et autres petits boulots du même genre. »
Marie-Claire, 74 ans, qui a tenu le café « Au bon rosé » aujourd’hui fermé, y croit : « C’est une bonne nouvelle pour le pays. » Alors que Catherine, 58 ans, agricultrice n’en « voulait pas » à cause des problèmes « d’épandage pour le fumier » avec les chèvres. Mais depuis que le projet n’est plus dans son périmètre direct, Catherine ne s’oppose plus.
Au coin de la boulangerie, Marinette prend le temps de vivre. Après quelques décennies passées en région parisienne, elle est venue revivre au pays. « Voilà 60 ans, il y avait des commerces tout au long de la rue, à la place de la boulangerie, c’était un hôtel restaurant. Je suis née là et contente de ce projet. C’est très bien, ça va amener quelque chose » mais, soudaine, inquiète, Marinette pose le problème : « Ce sont des gens qui vont vivre en autarcie. » Karine, 34 ans, Rochelaise ne l’espère pas : « On va faire de la pub. » C’est elle qui tient l’unique épicerie.
Didier Monteil, La Nouvelle République, 19 juillet 2012