NdPN : Décidément, le changement c’est pas pour maintenant ! L’Etat continue à briser des vies et des familles entières. Le site de soutien à Keith et la page sur comment l’aider, où se trouve aussi son mail. Courage à lui et à ses proches. Solidarité avec tou-te-s les expulsables !
Le peintre Keith Donovan menacé d’expulsion de France
Installé à Jouhet, l’artiste-peintre canadien Keith Donovan est sous le coup d’un arrêté d’expulsion. Il conteste cette mesure qu’il peine à comprendre.
Keith Donovan et sa compagne Mila Weissweiler dans son atelier à Jouhet. Installé en Europe depuis trente ans, il n’a plus de famille au Canada.
La vie de Keith Donovan vient de basculer dans un autre monde. Cet artiste peintre installé dans le village de Jouhet peut, théoriquement, être arrêté, placé en rétention administrative et expulsé vers son pays d’origine, le Canada.
Une situation qui relève du cauchemar pour cet homme paisible de 60 ans, arrivé en Suisse il y a trente ans, installé en France depuis 1997. À l’époque, ses œuvres avaient été remarquées par la Fondation de France qui l’avait invité à travailler à la Cité des arts. Deux ans plus tard, le peintre avait décidé de poser ses valises à Paris. En 2004, il achète une maison et installe son atelier à Jouhet, avec son épouse britannique d’alors. Son activité est inscrite au registre du commerce, il vit de la vente de ses œuvres. « J’avais appelé la préfecture de la Vienne pour demander un titre de séjour, mais on m’a répondu que ce n’était pas nécessaire, compte tenu de ma nationalité, de mon mariage et de ma situation fiscale. » En 2007, le couple se sépare. Keith reste à Jouhet en attendant la vente de la maison, qui n’arrive pas. Mais en décembre 2008, le ciel lui tombe sur la tête, lors d’un voyage en Angleterre : « J’allais passer Noël chez une amie ». A l’aéroport de Stansted, son passeport canadien est refusé : « Leurs règles venaient de se durcir : je n’avais pas de titre de séjour pour prouver que j’étais en règle en France ». Aujourd’hui encore, il en parle la gorge serrée : « J’ai passé la nuit dans une sorte de prison, sans même avoir le droit de prendre un cachet d’aspirine. » Il est refoulé dès le lendemain. A son retour en France, sa mésaventure n’intéresse guère les douaniers. Keith entreprend les démarches pour se mettre en règle. Sa première demande, en janvier 2009, est acceptée. Mais un an plus tard, le renouvellement du titre de séjour est refusé, faute de communauté de vie avec son épouse. Le divorce est d’ailleurs impossible, « la procédure étant suspendue à l’obtention d’un titre de séjour. » Le 24 août dernier, il reçoit un arrêté préfectoral qui l’oblige à quitter le territoire dans les 30 jours. Le Canada, c’est le rêve de milliers de candidats à l’émigration. Mais Keith n’y a plus d’attaches : « Mes parents sont décédés il y a dix ans, toute ma vie est ici ».
« Toute ma vie est ici »
Une décision incompréhensible pour son amie Mila Weissweiler : « La préfecture ne reconnaît pas sa présence en France avant 2004 car son passeport n’avait pas été tamponné entre la Suisse et la France en 1997 ». Elle a le sentiment d’être victime de leur bonne foi : « Si on n’avait pas fait de demande de titre, ils ne seraient jamais venus le chercher ! » L’avocate de Keith Donovan va contester l’arrêté devant le tribunal administratif. Le couple se raccroche aujourd’hui à cette procédure et à l’espoir d’obtenir enfin un titre de séjour. En attendant, Keith va essayer de se remettre au travail : un tableau commandé pour le hall d’un immeuble à Genève.
réactions
Nombreux messages de soutien
Près de 70 personnes ont signé la pétition en ligne sur le site www.soutenir-keith.com. De nombreux messages de soutien ont été écrits, parmi lesquels les trois suivants. Jacques Bouloux, maire de Jouhet. « Keith Donovan s’est parfaitement intégré et fait l’unanimité autour de lui. Il participe à la vie associative et n’hésite pas à aider et donner de son temps aux personnes âgées qu’il côtoie et à l’occasion sert d’interprète auprès d’autres résidents anglophones. Je souhaite que l’ordre d’expulsion du territoire français émis à son encontre soit annulé et que son dossier de demande de carte de séjour soit réexaminé. » Fabrice Granger, voisin. « Je connais Keith Donovan depuis son installation dans le village en 2004. En qualité de voisin, d’ami et je pourrais quasiment ajouter de parent tant il est proche de ma mère et moi-même. Outre le fait qu’il ait été présent lors de moments tragiques de nos existences, nous apportant son soutien moral, il égaie nos vies, comme celles de bon nombre de voisins ou de gens de tous horizons, avec sa joie de vivre, son goût pour la bonne table, son immense amour pour l’art et son érudition. Il porte haut les couleurs de la France qui devrait se vanter d’avoir en son sein quelqu’un de bien. » Claude-Hubert Tatot, enseignant à la Haute école d’art et de design de Genève. « Être artiste ne donne aucun droit supplémentaire au regard de la loi, pourtant par sa présence sur le territoire et par son travail Keith Donovan contribue à l’enrichissement et au rayonnement d’une nation qui se disant attentive aux arts et aux lettres devrait aussi être attentive à une requête aussi légitime que simple à satisfaire : laisser Keith Donovan faire ce qu’il fait depuis tant années, vivre et travailler en France. »
Nouvelle République, Sébastien Kerouanton, 11 septembre 2012