[Poitiers] Manif contre l’extrême-droite : quelques commentaires sur un certain « antifascisme »

NdPN : Un article de la NR ci-dessous, sur la manif contre l’extrême-droite hier soir à Poitiers… ce texte est un vrai gloubiboulga confusionniste.

D’un côté le discours du pouvoir d’Etat, qui  applique quotidiennement les idées de l’extrême-droite en expulsant des « étrangers », en démantelant des camps de Roms, en agitant la « menace islamiste », en brisant les luttes sociales, et en réclamant toujours plus de flics pour toutes ces basses oeuvres. A côté de ce sinistre tableau dont sont quotidiennement responsables les politicards hier de droite, aujourd’hui de gauche, les identitaires sont des petits bras du racisme ordinaire.

Ce pouvoir, relativement peu répressif avec les identitaires lors de leur action de samedi dernier, afiche parallèlement la « fermeté », en menaçant de « dissolution » le groupuscule facho nommé Génération identitaire… comme si la pseudo-solution de la répression, consistant à « interdire » de porter un certain nom à une association de sombres crétins fachoïdes pouvait les empêcher de nuire. Le spectacle du martyre , c’est précisément ce que souhaitent ces petits nazillons, qui fondent toute leur communication sur un buzz martyrologue : qu’ON leur donne cette importance médiatique qu’ils réclament… Or des imbéciles pour tomber dans les idées d’extrême-droite, il y en aura tant que le pouvoir d’Etat maintiendra son système fabriquant pauvreté, frontières, catégories sociales et exclusion ; tant qu’il en appellera à détourner les colères populaires -inévitablement suscitées par les conséquences de son système inégalitaire – contre les pauvres  (« marginaux », « assistés », « profiteurs ») et des boucs-émissaires désignés (hier les « juifs », aujourd’hui les « immigrés »- « musulmans »-« islamistes »-salafistes »…)

En réalité, selon les propos du PS Claeys et du PS Valls rapportés par l’article, l’Etat n’entre pas tant en répression contre les fachos, que contre toute forme « d’extrémisme« … bref tout ce qui lui semble échapper à son contrôle, à son lissage de toute conflictualité sociale.

Il y a d’ailleurs, on le remarque, une comparaison confusionniste persistante et délibérée, opérée par la presse et les responsables étatiques, de l’extrême-droite avec « l’ultra-gauche-ayant-manifesté-le-10-octobre-2009-à-Poitiers ». Alors même que les idées d’extrême-droite et les idées des manifestant-e-s du 10 octobre n’ont strictement rien à voir. Ce n’est pas anodin. L’Etat ne détruit que ce qu’il pense ne pas contrôler. D’où, d’ailleurs, la différence habituelle et notoire du niveau de la répression de l’Etat selon qu’il s’agit des fachos (aux pratiques et aux discours relayant au fond le les postures et les discours de l’Etat, donc faciles à contrôler) ou des anti-autoritaires (aux pratiques et aux discours radicalement opposés).

Illustration : samedi dernier, slogans racistes et bras levés de « Génération identitaire ». Sur 73 fachos, 4 personnes ont été en garde à vue. Elles ont été relâchées depuis, sous contrôle judiciaire, dans l’attente d’un éventuel procès. Le « 10 octobre » 2009, quelques tags et vitrines cassées pour dénoncer la nouvelle prison de Bouygues à Vivonne : mais là ce furent des dizaines de gardes-à-vue et une répression policière énorme, s’abattant sur tout le milieu militant poitevin. Trois personnes n’ayant même pas participé à ces bris de vitrines sont allées en taule. Le 5 novembre 2011, squat contre Vinci dans une maison vouée à la démolition : toute la police du département mobilisée, plus de quarante arrestations, brutalités policières et décharge de tazer. Exemples parmi d’autres de la répression policière à l’encontre des mouvements sociaux, ici comme ailleurs.

Derrière l’amalgame confusionniste consistant à jeter dans le même sac de l’ « extrémisme » des fachos qui ne sont que des idiots utiles de l’autoritarisme, et des anti-autoritaires, l’Etat montre quotidiennement que sa priorité n’est pas la même, que son discours de neutralité répressive à l’égard des déviances n’est qu’un discours de neutralisation des révoltes qui le menacent vraiment.

Détail lamentable, au détour de l’article : la presse évoque un manifestant (de nationalité française), en le catégorisant « issu des minorités immigrées » (quel intérêt ?), qui aime les valeurs de « la France » que lui aurait fait aimer un grand-père ayant combattu en « Indochine ». Pour rappel, l’Etat français a perpétré l’horreur coloniale en Indochine, avec son lot d’exactions militaires, au nom d’idées patriotes, racistes et colonialistes tout à fait familières à celles de… l’extrême-droite. Bonjour l’ « antifascisme » et la confusion.

De l’autre côté certaines organisations « de gauche », réclamant à l’Etat une répression des fachos… au passage, ce sont ces mêmes organisations « de gauche » qui ont condamné les « casseurs » de la manifestation anticarcérale du 10 octobre 2009. Des organisations de gauche se disant « antifascistes », mais qui ne remettent pas en cause les fondements de l’Etat et du capitalisme, qui sont la racine même du fascisme et de l’extrême-droite.

Quant à nous, notre antifascisme se veut radical. C’est-à-dire que nous combattons, dans nos pratiques, le fascisme à sa source. Notre antifascisme ne consiste pas à implorer la répression de l’Etat, cette institution qui est à la source historique du racisme, de l’exclusion, et du fascisme quand il le juge nécessaire  ; cet Etat, nous le combattons et le dénonçons dans toute son hypocrisie. On ne peut pas lutter contre les idées d’extrême-droite si on ne voit pas qu’elles ne sont que l’affirmation brutale d’un modèle social hiérarchiste, c’est-à-dire d’Etat, avec des décideurs au-dessus, monopolisant la violence, et un pseudo-« peuple » de singularités atomisées et soumises en-dessous. Tout Etat est prétention totalitaire par essence, dans son aspiration à contrôler et réprimer les vies singulières, à décider à la place des gens. Les aspirants à son exercice, qu’ils se revendiquent d’extrême-gauche, de gauche, du centre, de droite ou d’extrême-droite, sont clairement nos adversaires politiques.

L’autre soutien historique du fascisme (financier et médiatique notamment) est  le capitalisme. C’est pourquoi notre antifascisme est aussi anticapitaliste. Le capitalisme est une dynamique inégalitaire par essence car il repose sur le racket d’une plus-value produite par des populations mises sous le joug d’un travail forcé appelé salariat, engendrant ainsi des riches toujours plus riches et des pauvres toujours plus pauvres. Le capitalisme est une dynamique d’assujettissement des populations à l’esclavage salarié par les détenteurs du capital. C’est ce même capitalisme, qui est né avec la construction des Etats modernes et des discours racistes justifiant l’accumulation de capital par le génocide amérindien et la traite négrière, qui a financé le fascisme à travers toute l’histoire, lorsqu’il s’est agi de briser les mouvements sociaux d’ampleur, de mettre au pas les révolté-e-s. Les organisations, y compris « de gauche », qui aspirent à l’aménagement du capitalisme (même quand elles disent le combattre, en agitant des drapeaux rouges d’un capitalisme d’Etat de sinistre mémoire), qu’elles soient de gauche ou de droite, sont clairement nos adversaires politiques.

Les ennemis de nos ennemis ne sont pas toujours nos amis. On ne combat pas radicalement le fascisme (qui s’est d’ailleurs souvent paré de « socialisme » et de « nationalisme ») sans en combattre les postulats idéologiques et les postures répressives. On ne combat pas les fascistes par l’Etat et le spectacle de l’imploration à l’Etat, mais par l’action directe contre le patriarcat, l’étatisme et le capitalisme, par l’autonomie et la solidarité de tous-te- les exploité-e-s et dominé-e-s.

Pavillon Noir

Ils se disent tous filles et fils d’immigrés

Banderoles et drapeaux étaient de sortie pour dénoncer l’action sur le chantier de la mosquée.

Environ 300 personnes ont manifesté hier, en fin d’après-midi dans le quartier des Couronneries contre les menées xénophobes de la droite extrême.

On aurait pu penser que l’action spectaculaire menée samedi dernier par un groupuscule d’extrême-droite sur le chantier de la mosquée de Poitiers susciterait un mouvement de révolte plus important dans la population poitevine. En fait, ce sont moins de 300 manifestants qui se sont retrouvés hier en fin d’après-midi Place de Provence pour dénoncer les menées xénophobes de la droite extrême.

«  Il nous a fait aimer la France  »

Il est vrai que l’appel à manifester émanait du NPA, mouvement très marqué à gauche, dont les militants n’ont guère été rejoints que par des sympathisants d’autres mouvements à la gauche de la gauche, du Front de gauche-PCF aux anarchistes de la CNT en passant par les Alternatifs. Quelques élus et militants syndicaux étaient également présents dans un cortège plutôt jeune qui s’est rendu jusqu’à la place de Coïmbra avant de se disperser. A noter la présence de quelques dizaines de représentants des minorités issues de l’immigration, à l’image du jeune Brahim venu manifester avec, dans la poche les états de service d’un autre Brahim : son grand-père. Ce militaire marocain, disparu en 1977, a combattu dans les Forces françaises libres puis en Indochine au nom d’une idée de la France que son fils, Rachid, et ses petits-enfants entendent bien aujourd’hui préserver des menées extrémistes. « Il nous a fait aimer la France », souligne Rachid, avec une émotion non feinte. Aux cris de « Première, deuxième, troisième génération : nous sommes tous des enfants d’immigrés », la manifestation s’est déroulée sans incident hormis les cris provocateurs d’un militant téméraire d’extrême-droite qui a sagement préféré faire demi-tour plutôt que d’affronter les manifestants qu’il était venu provoquer.

bon à savoir

La question du renseignement intérieur

Répondant à une question orale de la députée d’Europe-Écologie les Verts de Châtellerault Véronique Massonneau, le ministre de l’Intérieur a indiqué mercredi devant l’Assemblée nationale que la dissolution du groupe d’extrême droite Génération Identitaire était à l’étude. Le député-maire PS de Poitiers Alain Claeys a eu un entretien avec Manuel Valls. Il confirme qu’il a notamment discuté avec le ministre de la surveillance de ces réseaux extrémistes : cette opération de l’ultra-droite ciblant Poitiers n’avait pas plus été anticipée que celle du commando de l’ultra-gauche qui avait dévasté le centre-ville, le 10 octobre 2009. « Les fonctionnaires locaux ne sont pas en cause, précise Alain Claeys, mais c’est la question du renseignement intérieur et notamment de la veille sur les réseaux sociaux qui se pose depuis la disparition des renseignements généraux. »

Nouvelle République, 26 octobre 2012