Ah ! Monseigneur… De grâce !…

Ah ! Monseigneur… De grâce !…

…Ébranlez plus fort !… Je ne sens rien

Vous assurez que la possibilité du mariage ouverte aux personnes de même sexe « ébranlerait un des fondements de notre société [1] ».

Ah ! si seulement !…

Hélas, vos cauchemars ne font pas rêver longtemps.

Et d’ailleurs, êtes-vous parmi les plus qualifiés pour sonder nos fondements ? Aussi, cette vieille manie que vous avez de vous occuper des fesses des autres !

Une transformation du mariage, ajoutez-vous, « toucherait tout le monde ». Et ici ce monstrueux sophisme : « Ce ne serait pas le “mariage pour tous” (étrange formule qu’il ne faut sans doute pas prendre au pied de la lettre !). Ce serait le mariage de quelques-uns imposé  à tous ».

Du moment que se marier n’est pas obligatoire, en quoi le mariage des autres s’impose-t-il à moi ? Et en quoi s’imposerait-il davantage parce que choisi par deux hommes ou par deux femmes ?

Filons votre métaphore un instant : elle m’autorise à vous reprocher d’imposer à tous, et donc à moi, vos ridicules superstitions, vos acres rancœurs contre le plaisir, vos folles prétentions à dire votre mot sur la façon dont je mène ma vie.

Vous reconnaissez — bien obligé ! — que les temps changent. « Il est trop clair, écrivez-vous, que nous ne sommes plus dans la même situation qu’à la fin du XIXe siècle. » Quelle lucidité calendaire !

Vous ajoutez que « chez nous, la situation du christianisme s’est beaucoup transformé au cours des dernières décennies. Le passage d’un christianisme sociologique à un christianisme de conviction s’est accéléré ». Autant dire qu’on était catholique sans bien savoir pourquoi et que, ne devant plus compter que sur les « convictions », l’Église se retrouve un peu seule…

Vous concluez sur un surprenant appel : « C’est pourquoi, dans cette période il est important de rappeler un certain  nombre de droits fondamentaux, qui sont le fruit de la sagesse cumulée de notre civilisation et qui ont marqué sa sortie progressive de la barbarie. Chacun des droits et impératifs éthiques qui en découle et que nous énonçons ici s’impose [2] à la conscience morale des hommes, quelle que soit leur croyance religieuse ou leur incroyance. »

Tiens ! Tiens ! Ainsi donc, vous voilà dépositaire et garant des principes éthiques censés s’imposer y compris à moi qui conchie votre religion. Je n’exagérais donc pas en vous soupçonnant plus haut de vouloir vous imposer à tous, vous qui tolérez si mal les autres.

Quant à la « sagesse cumulée » : laissez-moi rire ! La culture et la liberté n’ont jamais progressé que contre vos semblables et prédécesseurs, et les superstitions que vous partagez avec eux : droit à l’incroyance, droit de se faire incinérer, suppression du délit de suicide, lutte contre la douleur, droit à la contraception et à l’avortement. Tout cela vous a été arraché !

Ne faites donc pas semblant de ne jamais rien comprendre aux choses les plus simples. « Qui va décider, écrivez-vous, si et jusqu’à quand je peux vivre, jusqu’à quel seuil de handicap, quel seuil de douleur, quel seuil de gêne pour les autres, quel coût pour la société ? »

Ma réponse est simple : Vous. Vous pour vous. Moi pour moi. Et c’est précisément cette évidence contre laquelle vous militez, vous et les thuriféraires des soins palliatifs, machine de guerre contre la revendication de l’aide à mourir.

Vivez et crevez donc comme bon vous semble, Monseigneur, mais ne vous avisez pas de vouloir régenter nos vies. Vous prendriez le risque de susciter la tentation d’abréger la vôtre (il y a des lions qui n’attendent que ça)

Claude Guillon.

[1] Discours d’ouverture de l’assemblée plénière des évêques de France, prononcé à Lourdes, le samedi 3 novembre 2012, par l’archevêque de Paris André Vingt-trois.

[2] Je souligne.

Site de Claude Guillon, 3 novembre 2012