Les rats du professeur Séralini ont fait le tour du monde
Au devant de la scène depuis son étude sur la toxicité d’un maïs OGM sur des rats, Gilles-Eric Séralini animera une conférence – débat demain à Poitiers.
La semaine dernière, Gilles-Eric Séralini s’est offert un break. La divulgation, le 16 septembre, dans la revue scientifique Food and Chemical Toxicology des résultats de son étude sur la toxicité d’un maïs OGM, avec des rats porteurs de tumeurs aussi grosses qu’une balle de ping-pong, a fait l’effet d’une bombe. « Les réactions à travers le monde ont été très fortes », souligne-t-il.
Depuis, en dépit du soutien de 160 scientifiques « du monde entier », ce professeur de biologie moléculaire à l’université de Caen essuie également un feu nourri de critiques sur la validité de son expérience. Mercredi, à l’invitation du collectif Vigilance OGM 86, il sera à Poitiers pour une conférence sur les polluants chimiques mais n’esquivera aucune question, promet-il.
Professeur, comment vivez-vous cette tempête médiatique ?
Ce qui est important, c’est le débat. Je persiste sur le fait qu’il s’agit de la meilleure étude au monde, la plus détaillée. Elle a été publiée dans la meilleure revue de toxicologie alimentaire. On nous a demandé des expériences complémentaires que nous avons fournies. Les tests sur le pesticide ont été réalisés sur des doses environnementales, c’est-à-dire tel qu’il est présent dans la bouteille du jardinier ou de l’agriculteur.
Pourtant, l’étude soulève la controverse.
Dans la presse, les premiers à qui on a donné la parole sont les premiers qui ont validé les produits de Monsanto. Ceux-là ne se remettent pas en question. Et ils n’ont jamais comparé mon étude avec celles qu’ils ont approuvées. On me dit que nous n’avons pas utilisé les bons rats mais Monsanto s’est servi des mêmes. Qu’aucune étude longue n’a été faite auparavant, c’est une grave lacune professionnelle. Bientôt, je répondrai à mes détracteurs dans la même publication qui a relaté mon étude.
Vos travaux auraient fait souffrir les rats…
Je préfère faire cela aux rats qu’aux enfants. Les animaux sont la dernière étape avant les enfants.
A propos de la conférence : qui pollue l’eau et notre alimentation ?
Les pesticides comme le Roundup, un des principaux polluants, et les OGM. La France est un des premiers consommateurs mondiaux de pesticide par tête d’habitant D’un côté, on subventionne des industriels qui polluent l’eau, de l’autre, on fait payer des taxes aux gens pour sa dépollution. La faune et la flore en souffrent également.
repères
« Les polluants chimiques dans l’eau et l’alimentation : quels effets sur notre santé ? » : conférence – débat avec le professeur Gilles-Eric Séralini mercredi 7 novembre à 18 h à l’ENSIP sur le campus universitaire.
Recueilli par Jean-François Rullier, Nouvelle République, 6 novembre 2012
Un roman pour alerter sur les effets des pesticides
Bruno Riondet, militant altermondialiste et professeur de biologie s’essaie à l’écriture, avec un second roman, forcément engagé.
Professeur de sciences et vie de la terre dans un lycée de Poitiers, Bruno Riondet est aussi militant altermondialiste. Il s’est présenté à l’élection municipale de Poitiers en 2008. Et pour la deuxième fois, avec le livre « A demain sous l’arc-en-ciel », il se découvre romancier (1)
« Je n’ai pas écrit une fiction, ni un thriller, encore moins un livre policier, raconte Bruno Riondet. Mais un romanquête qui associe l’enquête d’un journaliste et la restitue sous la forme du genre littéraire qu’est le roman. » En 2010, il mettait en avant Julien Béret, journaliste pigiste à l’Extrême Centre (1), qui avait découvert l’importance grandissante des nanotechnologies dans notre environnement (2). Dans son nouveau roman, l’auteur aborde la question des perturbateurs endocriniens, ces molécules qui agissent sur l’équilibre hormonal des espèces vivantes.
Un romanquête
Cette fois-ci, Julien Béret enquête sur la fermeture d’une entreprise. Il rencontre un ouvrier agricole qui ne peut plus avoir d’enfant car pendant toute sa vie, il a manipulé des pesticides. L’auteur ne livre pas l’explication tout de suite. Mais la fait découvrir au fil des pages, en tirant sur le fil de son enquête. Avant de prendre la plume du romancier, Bruno Riondet a lui-même mené l’enquête durant six mois pour approfondir ses connaissances scientifiques. « On trouve les perturbateurs endocriniens dans tout notre environnement. Ils sont utilisés dans la plupart des biens de consommation : maquillage, jouets, shampoings, emballages plastiques, ainsi que pesticides. Par voie cutanée et par voie orale, les consommateurs sont donc directement exposés à ces produits chimiques. Comme le système hormonal régule la plupart des fonctions du corps, les perturbateurs endocriniens ont des répercussions sur la santé. De plus en plus d’études scientifiques font état de concerts hormonaux dépendants (prostate…), de perturbations du métabolisme (obésité, diabète), d’anomalies de l’appareil reproducteur et de problèmes cardiovasculaires. » Le romancier n’oublie pas qu’il est militant politique : au travers de son livre, il veut alerter l’opinion publique. La conclusion du roman, elle, est plus heureuse.
(1) Paru à la Société des Écrivains, 376 pages, 20 €. (2) « Sur sa trace » paru aux éditions Amalthée.
Jean-Jacques Boissonneau, Nouvelle République, 6 novembre 2012