[86] Le Parkinson de Gérard Marquois vient d’être reconnu maladie professionnelle au titre de l’exposition aux pesticides

Parkinson et pesticides : sa maladie est reconnue

Le Parkinson de Gérard Marquois vient d’être reconnu maladie professionnelle au titre de l’exposition aux pesticides. Une maladie qui le ronge au quotidien.

En mai dernier, un tableau de maladie professionnelle consacrant le lien entre la maladie de Parkinson et l’exposition aux pesticides était créé. Gérard Marquois, agriculteur à Moncontour dans la Vienne, est le premier à obtenir reconnaissance de sa maladie à ce titre. Le résultat d’un combat qu’il mène depuis plusieurs années, accompagné par la FNATH (lire ci-dessous).

Chez lui, les premiers signes sont apparus en 2005. « Des douleurs à l’épaule, puis dans le bras gauche. Je conduisais difficilement et j’ai eu du mal à appuyer sur l’embrayage. » Gérard Marquois soupçonne des rhumatismes et rend visite à une spécialiste. « Elle nous a très vite orientés vers un neurologue. Pour elle c’était évident, c’était les premiers signes de Parkinson », raconte Jocelyne, son épouse. Fin 2006, Parkinson est confirmé.

«  Ça a été comme un éclair  »

La famille encaisse le coup. « Jusqu’en 2009, quand j’ai ouvert La Nouvelle République et que j’ai lu l’histoire de Pascal Choisy, cet agriculteur qui venait de gagner son procès. Sa maladie de Parkinson était déclarée maladie professionnelle, suite à l’utilisation de certains produits phytosanitaires. Les mêmes que ceux que j’avais utilisés dans les années 80. Ça a été comme un éclair. J’ai contacté la FNATH qui ne nous a pas lâchés depuis. »

Depuis, deux tentatives de reconnaissance de maladie professionnelle ont échoué. « J’avais le moral à zéro. D’autant que, j’étais mis en invalidité à 100 %. A partir de là, je ne touchais plus que 356 € par mois et je ne pouvais plus travailler. » Heureusement la solidarité familiale a joué à plein. « Ma fille a repris l’activité d’élevage à la ferme et mon fils a pris la relève pour l’exploitation céréalière. Sans eux, je n’aurais pas tenu. »

En mai 2012, les règles changent et Gérard Marquois retrouve l’espoir. Par décret, un tableau de maladies professionnelles est créé, facilitant les démarches des agriculteurs concernés. « La Fnath nous a recontactés pour monter un dossier. On a remis toute la procédure en route. Et le 4 octobre, on apprenait que la victoire était enfin là ». Reste le rendez-vous avec un médecin-conseil, qui permettra de fixer le montant de l’indemnisation, pouvant aller jusqu’à 1.200 € par mois.

Aujourd’hui, Gérard Marquois est un peu en colère, mais préfère consacrer son énergie à rester le plus en forme possible. « Je sais que ma maladie va s’accentuer, alors je continue d’aller à la pêche et de me rendre un peu utile à la ferme. Je m’obstine à faire du sport car je sais que mes muscles vont se détériorer. » Et quand une crise survient, Gérard serre les dents. Sa volonté est touchante mais se heurte aux difficultés à tenir un stylo pour faire des jeux d’écriture tôt le matin. Il faut attendre que la première des sept prises de médicaments quotidiennes fasse effet pour que ses doigts gagnent en agilité. L’insomnie gagne et les nuits sont de plus en plus courtes. Les déplacements en voiture se font désormais sur un périmètre restreint. Parfois, Gérard se perd et se sent incapable de retrouver son chemin. « La dernière fois que je suis allé à la pêche, j’ai eu un trou de mémoire, incapable de savoir comment rentrer chez moi. Dans ces cas-là, je m’énerve et je perds encore plus mes moyens. C’est ma chienne qui m’a ramené à ma voiture»

Gérard dit avoir pensé à attaquer en justice les industriels qui ont mis ces produits sur le marché. « Mais j’ai bien d’autres choses à faire que de m’épuiser dans cette voie. »

en savoir plus

Arnaud De Broca :  » Ils ne font pas toujours le lien « 

Arnaud De Broca est secrétaire général de la FNATH (association des accidentés de la vie), qui était à l’origine de la démarche.

Le cas de Gérard Marquois a-t-il ouvert la voie ?

« Forcément, son cas va susciter de nouvelles demandes de reconnaissance de Parkinson en tant que maladie professionnelle. Potentiellement, de nombreux agriculteurs sont concernés, car ils ont largement utilisé des pesticides, et parallèlement Parkinson continue de progresser. Mais beaucoup de gens concernés ne font pas le lien entre leur maladie et leur activité professionnelle. Ça nécessite d’en parler. »

Quelles actions menez-vous ?

« Nous avons publié une brochure sur les risques dans le monde agricole, et nous organisons des réunions d’information. Les agriculteurs sont souvent isolés, et pas à l’affût de ces informations. Nous leur conseillons de réduire leur utilisation de pesticides, et de porter une tenue couvrante adaptée. Et bien sûr nous les accompagnons dans leurs démarches. »

Delphine Noyon, Nouvelle République, 15 novembre 2012

Pesticides : « On ne savait pas que ce n’était pas bon-bon d’utiliser ces produits »

« On savait que ce n’était pas bon-bon, mais on ne savait pas que c’était aussi mauvais d’utiliser ces produits-là, se souvient Gérard Marquois. Jamais on ne nous a dit que la manipulation des fongicides, herbicides et autres insecticides pouvait nous donner la maladie de Parkinson ».

Avant d’être malade, l’agriculteur travaillait « avec un tracteur sans cabine. Quand j’arrosais les champs, je respirais tout ! Je fermais et j’ouvrais manuellement les rampes. A l’époque, on ne se posait pas la question des quantités. Les industriels ne nous ont jamais sensibilisés. Et forcément, quand j’ai agrandi mon exploitation, j’ai utilisé encore plus de produits ». Certains des produits phytosanitaires qu’il utilisait ont depuis été retirés de la vente, comme le Corvet Flo.

« J’ai fait mon métier par amour, je n’ai pas de regrets, assure-t-il pourtant. Je veux juste que ce qui m’arrive soit utile aux autres. Le tracteur de mon fils a une cabine, il met un masque quand il manipule les produits. Je peux vous dire que j’y veille. »

D. N., Nouvelle République, 15 novembre 2012