Coop Atlantique d’Ingrandes : » On a été pris pour des pigeons «
Joël Bessonnet a baissé son salaire pour rester à la Coop : « C’est très dur. » – (Photos Patrick Lavaud)
Après l’annonce de la fermeture du site, les 150 salariés de la Coop Atlantique d’Ingrandes ont repris le travail hier. Comme d’habitude ou presque.
A l’entrée des livraisons, le ballet des camions n’a pas changé. Pour la Coop atlantique, qui prépare les commandes des magasins de la région du réseau Système U, le mois de décembre est le plus important.
De l’autre côté de l’entrepôt situé derrière Aigle sur la zone de Saint-Ustre, les salariés suivent les horaires de sortie, comme d’habitude. Ou presque.
« Ce n’est pas normal car il y a du boulot »
Certains s’arrêtent pour commenter la décision prononcée la veille, à Saintes, lors du comité central d’entreprise. « C’est fini, lâche l’un d’entre eux. Après 36 ans de boîte, des heures sup sans compter, le big bang pour tout faire quand il le fallait, c’est fini. Eux, ils s’en vont les poches pleines, et nous les poches vides. » En sortant, chacun commente l’ambiance tendue et la crainte de devoir connaître ça pendant encore dix-huit mois, l’entrepôt ne devant fermer qu’en juin 2014. « J’ai déjà connu un PSE il y a trois ans et demi quand le laboratoire de charcuterie a fermé, raconte Joël Bessonnet. J’ai accepté de baisser mon salaire, j’ai perdu 650 €. Après 31 ans d’entreprise, c’est très dur. » Personne ne veut croire aux promesses faites par la direction la veille : aucun licenciement, des reclassements dans les entrepôts – qui vont eux aussi connaître des plans de sauvegarde de l’emploi – de Limoges et Saintes. D’ailleurs, expliquent-ils, l’après-midi, le document remis aux représentants du personnel fait état de 144 propositions de postes, uniquement en magasins et dans les cafétérias du groupe. « A Jarnac, La Rochelle, ou Bordeaux, tout ça au Smic, et à temps partiel pour 80 % d’entre eux », explique Christian Triphose, délégué syndical CGT du site. « Je vais retrouver mon agence d’intérim », ironise Aurélien, 28 ans, depuis un an et demi à la Coop Atlantique. « Dans le contexte actuel, ça va être sympa. Tout ça, c’est un peu écœurant. Ce n’est pas normal, car il y a du boulot. Ce n’est pas logique. » « Les gens sont amers, explique Eric Peronnet, représentant du personnel. On a le sentiment d’avoir été pris pour des pigeons. On nous a tenu des propos dévalorisants, disant qu’on n’était pas bons, tout ça pour permettre la fermeture. On a méprisé les individus, c’est ce qui me révolte le plus. »
A voir en vidéo sur lanouvellerepublique.fr et centre-presse.fr.
réactions
Jean-Pierre Abelin en » totale opposition «
« Je suis en totale opposition avec ce projet », a réagi Jean-Pierre Abelin. « J’apporte mon soutien aux salariés et je vais me rapprocher des syndicats pour voir quelle est la meilleure façon de les aider. Il faut absolument limiter la casse. »
Claude Bertaud : « C’est gravissime »
« Alors que la Vienne se distingue avec des chiffres du chômage rassurants par rapport aux départements voisins, souligne le président du conseil général Claude Bertaud, on apprend cette décision de fermeture. C’est gravissime pour le Châtelleraudais, qui subit depuis plusieurs années les conséquences de la crise. » Il demande aux responsables du site de tout mettre en œuvre pour permettre aux salariés concernés, « un reclassement dans des conditions les moins pénalisantes possibles pour chacun d’entre eux. Au moment où un travail important est mené sur ce territoire pour accueillir Délipapier, cette décision de fermeture nous inquiète et je demande à l’État de rester vigilant pour que les engagements pris par les responsables du site, soient tenus. »
Laurent Gaudens, Nouvelle République, 5 décembre 2012
» On se demande quand ça va s’arrêter «
Au café central d’Ingrandes, sur l’ex-N 10, on installe le sapin de Noël. Mais depuis la veille et l’annonce de la fermeture de la Coop Atlantique, le cœur n’est guère à la fête. « Ce sont nos clients, explique Brigitte Moron, co-gérante du café. Il y aura des retombées chez tous les commerçants. » Et en terme de conséquences, Brigitte Moron en connaît un rayon elle qui tient le café que ses parents ont créé, alors sur la place du village, en 1951. « Ils ont vu la Coop ouvrir ses portes, comme la plupart des usines. » Forcément, après la menace qui a pesé sur la Fonderie alu, cette première fermeture fait craindre le pire. « C’est une catastrophe, résume Edwige Cybard, propriétaire de la supérette Cali. Surtout pour les jeunes qui y travaillent en couple. On connaît ça, on travaillait autrefois pour la Coop qui nous a virés. Ils n’aiment ni les petits commerces, ni les petites gens. » Chacun fait état d’une baisse continue de chiffre d’affaires ces dernières années. A la boulangerie, les premiers comptes sont vite faits : ce sera 250 à 300 € par mois en moins. « On livre la Coop pour leur restauration, 30 baguettes par jour, témoigne Nadine Michel. Ce sera sans compter tous les salariés qui viennent ici pour prendre leur pain. » Un « trou dans le budget de l’économie locale » dont l’effet se ressent donc déjà. « On a l’impression qu’on est un point noir où tout ferme », s’attriste la coiffeuse Liliane Mauduit. « Il y avait déjà eu Fabris, on se demande quand ça va s’arrêter. »
Nouvelle République, 5 décembre 2012