Hymne à l’increvable anarchisme
Ya de quoi pavoiser. Des textes phares, plutôt optimistes, en provenance de nouveaux historiens anglo-saxons de l’offensive anticapitaliste commencent à être accessibles en français.
Tel que le Crack Capitalism de John Holloway (éditions Libertalia) dont CQFD a déjà largement parlé [1], ou la Cartographie de l’anarchisme révolutionnaire de Michael Schmidt (éditions Lux) qui nous permet de réaliser qu’il y a, et qu’il y a eu, beaucoup plus de bastions anars qu’on ne le croit sur la planète. Après avoir bien rappelé ce qu’est le projet libertaire (la lutte pour une « société horizontale, fédérative, autogérée fondée sur la démocratie directe et la préséance des personnes sur le profit »), il établit en effet que, contrairement à ce qui s’est trompeté, l’épopée de l’anarchisme organisé ne s’est pas seulement réduite à cinq épisodes marquants : l’exécution des martyrs de Haymarket (1887), à l’origine du 1er mai, la charte d’Amiens (1906) donnant naissance au syndicalisme révolutionnaire, la mutinerie de Cronstadt (1921), le soulèvement espagnol (1936-1939), mai 68.
La saga des têtes brûlées noires et rouges expérimentant des formes autres de vie et de libres associations, ce fut aussi, en vrac : l’insurrection anarcho-syndicaliste mexicaine dans l’état du Morelos et en Basse-Californie (1910-1920) ; l’IAA, l’Internationale anti-autoritaire kropotkinesque (1881) ; la société des camarades anarchistes-communistes créée par le légendaire agitateur chinois Shifu ; le Mina (mouvement libertaire nord-africain) et le mouvement des villages autonomes en Corée du Sud occupée par les alliés ; la Federacion anarquista d’Uruguay à la base de la résistance contre la dictature de Bordaberry ; l’ahurissante préfecture de Shinmin qui devint en Mandchourie (1929-1931) un véritable gouvernement du peuple regroupant deux millions de lustucrus…
Et ce n’est pas fini, mille bombardes ! Le relevé historique de Michael Schmidt nous apprend que des prises de « contre-pouvoir » anarchistes ont également eu lieu en Nouvelle-Zélande, en Tchécoslovaquie, en Norvège, en Bolivie, en Équateur, en Irlande, en Estonie, en Inde, en Turquie, en Afrique du Sud, en Bulgarie. Ou alors au Guatemala, au Bangladesh, au Sénégal, au Chili, au Liban, au Costa-Rica, au Vietnam, au Pérou. Et même en Irak, avec le Shagila, le Groupe de libération des travailleurs. Et en Iran avec le groupe le Cri du peuple qui a tenté d’en finir avec toute espèce de pouvoir hiérarchisé pendant ladite révolution iranienne de 1978-1979. Caramba !
[1] Voir le numéro 102.
paru dans CQFD n°105 (novembre 2012), rubrique Cap sur l’utopie !, par Noël Godin – mis en ligne le 24 décembre 2012