Le facteur en grève de la faim après une sanction
Chauvigny . Pour protester contre une mesure disciplinaire, un facteur chauvinois, a entamé, hier matin, une grève de la faim devant son bureau de poste.
Depuis hier matin, Dominique Audigué est installé dans sa voiture pour sa grève de la faim. – (Photo Robert Benoist)
Je veux être rétabli dans mon honneur et dans mes droits. Ce qui se passe est insupportable. J’ai décidé de conduire une action extrême qui sera aussi une tentative de la dernière chance.
Ces mots puissants et alarmistes sont ceux de Dominique Audigué, 56 ans, originaire de Paizay-le-Sec, facteur non syndiqué à la poste de Chauvigny depuis plus de 25 ans.
Clash au sujet des catalogues
« Je viens de subir une mise à pied de trois mois, sans solde. Cette sanction a été prononcée par un conseil de discipline irrégulier car non paritaire, et en l’absence de fautes professionnelles avérées », assure le postier.
Mais que s’est-il passé pour que Dominique Audigué en arrive à vouloir engager une grève de la faim, hier matin, devant son lieu de travail ?
« Ma hiérarchie m’a sanctionné parce que j’ai dénoncé un délit de favoritisme ! En effet, je dénonce le fait, entre autres, que le délégué FO voit son équipe dispensée de tournée cycliste au mépris de toute logique. Ensuite, elle m’a reproché d’avoir refusé d’obéir à une directive inique qui fut annulée par la suite. J’ai refusé de transporter à vélo des catalogues pesant jusqu’à 800 g parce que ça ne s’est jamais fait à Chauvigny. Enfin ma direction m’a condamné parce que j’ai résisté à un harcèlement moral », explique-t-il.
« Dans un premier temps j’ai reçu plusieurs avertissements dont je n’ai pas tenu compte. J’ai même pris six procès-verbaux en un an alors qu’en 33 ans je n’en avais jamais pris un seul. Au contraire je fais partie des facteurs les mieux notés ».
Dominique Audigué se dit aussi harcelé moralement. « Dans cette affaire il s’agit indubitablement d’une procédure d’intimidation, précédée de manoeuvres discriminatoires et de mesures d’isolement psychologique, qui porte atteinte à mes droits et à ma dignité… c’est du harcèlement moral ! »
Le facteur conteste cette décision devant le tribunal administratif de Poitiers. Un dossier qui ne sera pas jugé avant plusieurs mois.
« Je suis donc obligé de reprendre le travail dans ces conditions. Je suis dans l’incapacité morale de supporter une telle épreuve. Pourtant je suis déterminé à aller jusqu’au bout de mon action. »
Hier matin, le facteur en colère s’est installé dans sa voiture, devant son bureau de Poste. Un membre de la direction de Poitiers est venu à sa rencontre. Vers 17 h, le facteur avait reçu soixante-dix signatures de soutien.
Le facteur appelle à un rassemblement de soutien, aujourd’hui, à 15 h, devant la poste.
à chaud
Pour le directeur de la Poste de Chauvigny : » Une sanction normale après des fautes avérées ».
Étienne Guillot, directeur d’établissement de la Poste de Chauvigny est très embarrassé par la grève de la faim lancée hier matin par un de ses facteurs devant son établissement. « On est plutôt inquiet par rapport à sa situation et à sa santé ! »
« Immédiatement j’ai mis un dispositif d’accompagnement en place qui se compose de l’assistante sociale et d’un médecin de prévention », indique-t-il. « Dans cette affaire mon rôle n’est pas de mettre de l’huile sur le feu. Il y a une procédure en cours, et je suis très mal placé pour en parler car je ne suis pas membre du conseil de discipline. Cependant j’estime qu’il y a eu des fautes professionnelles avérées. Il est donc normal qu’il soit sanctionné », lance le directeur.
« Par rapport à toutes ses revendications un certain nombre de dispositions ont déjà été prises pour veiller à l’équité du travail de tous les agents. J’ai rééquilibré les tournées et les charges pondérales en collaboration avec le médecin. Je reconnais qu’à une période où le trafic augmentait beaucoup, j’ai été obligé de faire transporter des catalogues par vélo. L’opération n’a duré que deux mois », explique Étienne Guillot.
Il conteste tout harcèlement. « Je parlerai plutôt d’une tension sociale comme il y en a un peu partout dans les entreprises. En tout cas j’espère que Dominique Audigué va quand même voir et admettre ce qui a été fait, car on a consacré beaucoup de temps et d’énergie avec les encadrants pour tenter de régler ses problèmes. J’espère qu’il arrivera à entendre raison. On ne peut que regretter d’en être arrivé là. »
Pour ce qui est de FO, le délégué mis en cause n’a pas souhaité réagir. « J’ai ordre de ne pas parler à la presse », indique Bruno Bordier.
Il renvoyait donc vers… son directeur local qui, lui, botte en touche. « Je n’ai pas à prendre de position là-dessus. Je pense que le problème est à traiter en interne, car communiquer sur ce sujet à l’extérieur ne résoudrait pas le problème. »
Nouvelle République, Propos recueillis par Robert Benoist, 15 novembre 2011