[Saint-Savin – 86] Les ex-Aubade en lutte pour des indemnités pour licenciement abusif

NdPN : quand le diable (capitaliste) se cache dans les détails…

Un soutien-gorge et un pyjama est-ce la même chose ?

Selon ce que les juges répondront à cette question les anciens salariés  d’Aubade, à Saint-Savin, seront ou non indemnisés de leur licenciement.

Fin 2009, la holding suisse Calida, qui a racheté quatre ans plus tôt, pour 50 millions d’euros, la prestigieuse société de lingerie fine Aubade, annonce la fermeture du dernier site industriel français, à Saint-Savin. Si Calida, groupe coté à la bourse de Zurich, affiche une belle prospérité, Aubade est en pleine perte de vitesse : la production a baissé de 32 % en trois ans.

A Saint-Savin, 104 postes (sur 131) sont supprimés. Depuis trois ans et demi, 66 des salariés licenciés, pour l’essentiel des femmes, se battent contre leur ancien employeur pour obtenir des indemnités pour licenciement abusif. Cette bataille juridique a connu un nouvel épisode hier devant la chambre sociale de la cour d’appel de Poitiers. La question qui se pose est simple : le plan de licenciements, que Me Giroire-Revalier n’hésite pas à qualifier de « boursiers », était-il d’un point de vue légal, justifié ? Que dit la loi ? Un groupe bénéficiaire peut se débarrasser d’une entreprise ou d’une filiale si elle s’avère économiquement non rentable. A une condition : que les activités du groupe et celles de la filiale n’appartiennent pas au même secteur. Et c’est là que ça se corse : Calida est spécialisé dans le linge de nuit ; Aubade fait dans la lingerie féminine haut de gamme. Peut-on dire qu’un soutien-gorge et un pyjama appartiennent au même univers économique ?

La jurisprudence poitevine des Michelin

Oui, ont répondu le tribunal administratif et, tout récemment, la cour administrative d’appel, en annulant l’autorisation de licenciement des délègués et élus du personnel. Non, ont au contraire estimé les prud’hommes de Poitiers, qui ont rejeté la requête des salariés. C’est ce dernier jugement qui était contesté hier devant la cour d’appel. Côté défense de l ’entreprise, on fait remarquer que la lingerie et l’habillement appartiennent à deux fédérations professionnelles distinctes, que les salariés dépendent de deux conventions collectives. « L’arrêt de la cour administrative d’appel est une sacrée pierre dans mon jardin », admet Me François-Xavier Chedaneau avant de mettre sur la table une série de jugements et d’arrêts rendus après la fermeture du site Michelin de Poitiers. A l’époque, l’ensemble des juridictions saisies, administratives comme judiciaires, avaient estimé qu’un pneu de camion et un pneu de voiture n’avaient rien à voir. Alors, un pyjama et un soutien-gorge ? Réponse le 20 mars, date à laquelle la cour a mis son délibéré.

Vincent Buche, Nouvelle République, 6 février 2013