Moustiques génétiquement modifiés… massivement lâchés dans la nature

Iles Caïmans, des moustiques génétiquement modifiés ont été relâchés dans la nature.

Dans les îles Caïmans, des moustiques génétiquement modifiés ont été relâchés dans la nature. Ces mâles transmettent à leur descendance un caractère létal qui ne leur permet pas de se reproduire, induisant une diminution de la population. Une méthode efficace, mais controversée.

Fin 2009, des chercheurs de l’université d’Oxford ont effectué, sur les îles Caïmans, plusieurs lâchers de moustiques génétiquement modifiés qui permettent de ralentir la transmission de la dengue. Les premiers résultats, publiés dans la revue Nature Biotechnology, sont encourageants et confirment que la piste des OGM est sans doute la plus prometteuse dans l’espoir d’éradiquer la maladie.

Le virus de la dengue est transmis par des moustiques du genre Aedes. Jusqu’à présent, aucun traitement efficace ne permet de lutter contre ce fléau qui touche plus de 50 millions de personnes. Alors que le vaccin, promis pour 2015, se fait attendre, les scientifiques suivent d’autres pistes comme l’infection des moustiques par des bactéries, ou encore la création de moustiques génétiquement modifiés (MGM).

Des moustiques transgéniques dans la nature

En 2009, les chercheurs anglais – en collaboration avec la société Oxitec, qui avait déjà mis au point les MGM relâchés en Malaisie l’an dernier – ont mis au point des moustiques génétiquement modifiés (la lignée OX513A). L’altération de leur génome leur confère un caractère létal mais, élevés dans un laboratoire en présence de tétracycline, ces insectes transgéniques continuent à vivre.

Le but étant de faire en sorte qu’ils puissent toujours se reproduire, mais que leur progéniture – en milieu naturel – ne soit pas viable, c’est-à-dire qu’elle ne soit pas capable d’atteindre l’âge adulte. Ainsi les descendants ne se reproduisent pas et donc ne transmettent pas le virus de la dengue (puisque celui-ci est transmis lors d’un repas sanguin, uniquement pratiqué par une femelle afin de nourrir ses larves).

Transmission d’un caractère létal

Une des grandes difficultés est de savoir si la modification du génome des moustiques ne va pas entraîner une baisse de sa capacité à procréer, comparé à celle des moustiques non modifiés. En effet, si les moustiques transgéniques ne parviennent pas à s’accoupler ou sont moins efficaces que leurs concurrents, ils ne prendront pas leur place et le nombre de moustiques viables à la génération suivante ne diminuera pas.

Les premiers lâchers ont eu lieu en novembre 2009 et se sont poursuivis jusqu’à mi-décembre. Parallèlement, les chercheurs ont procédé à des relevés pour observer le pourcentage de mâles transgéniques au sein de la population, s’assurant ainsi qu’ils étaient bien implantés, et le taux de larves non viables, afin de vérifier que les MGM s’étaient bien reproduits (et avec une efficacité identique à celle de leur concurrents).

Les résultats sont très encourageants. Concernant la compétition entre mâles pour l’accès aux femelles, les scientifiques ont d’abord réalisé des tests en laboratoire : 55 % des femelles fécondées l’ont été par des mâles transgéniques, ce qui prouve que le succès reproducteur des MGM n’est pas affecté. Sur le terrain, ces résultats ont bien été confirmés. La dengue devrait donc effectivement reculer.

En comptant le nombre de larves porteuses de la modification génétique – et qui n’atteindront donc pas la maturité sexuelle – les scientifiques se sont rendu compte que leur proportion (9,6 %) n’était pas significativement différente de celle des mâles transgéniques estimée précédemment (16 %). Ce qui indique que le caractère létal se transmet bien et que le traitement est un succès !

OGM : méthode controversée

Les auteurs concluent d’ailleurs que « ces données suggèrent qu’il est faisable de supprimer les populations de Aedes aegypti en procédant à des lâchers réguliers de mâles transgéniques stériles. » Mais en plus du sujet toujours épineux des OGM lâchés dans la nature, certaines voix s’élèvent contre ce type de méthode.

L’efficacité de l’opération peut être mise en doute car A. aegypti n’est pas le seul moustique qui transmet la dengue. Il faudrait donc trouver un traitement pour chacune des espèces vectrices. L’éradication du principal vecteur pourrait tout simplement laisser la voie libre à d’autres ce qui, finalement, reviendrait au même d’un point de vue sanitaire. Dans ce cas, le vaccin resterait ainsi la solution la plus intéressante et la moins intrusive pour l’environnement.

14 novembre 2011 – Source © futura science