et tellement d’autres… il y a aussi ces injonctions :
Ne sors pas seule le soir,
T’as pris ta bombe au poivre ?
T’es sûre que tu veux pas que je te raccompagne ?
Tu vas sortir habillée comme ça, c’est de la provoc’ quand même !
Alors oui je vais sortir habillée comme ça ce soir, oui je vais rentrer seule et oui je sais me défendre.
Il semblerait que le fait d’avoir un orifice supplémentaire, des ovaires et une paire de seins plutôt qu’une paire de couilles rendent les filles moins disposées à se défendre. Ainsi donc dès notre plus jeune âge nous apprenons que contrairement à Samson la force se trouve dans la bite et les couilles. En tout cas c’est ce que ne cessent de nous répéter notre entourage proche, la famille, l’école, l’État, les groupes sociaux dans lesquels nous évoluons et pour parfaire ce discours permanent rien de tel que la peur du viol, le meilleur moyen de coercition contre le sexe dit faible. La société, au sens large, veut donc maintenir et maintient les filles dans un système patriarcal, qui les rend inférieures aux garçons, inférieures par le salaire, inférieures par le travail (mais supérieures quand il s’agit du travail dit ’à la maison’), inférieures vis à vis des retraites, inférieures vis à vis de l’éducation (oui l’État et ses agents orientent souvent les filles vers les filières dites littéraires plutôt que scientifiques, oui il y a plus de garçons qui parviendront à un master 2 voire une thèse que de filles) et surtout inférieures par la force physique.
Qui n’a pas entendu en primaire ’Ho mais elle c’est un garçon manqué’, parce qu’elle ne se laissait pas marcher sur les pieds et que jouer la princesse dans la cour ne l’intéressait pas. En réalité les filles, au même titre que les garçons, savent se défendre et se battre. Il n’y a pas dans le chromosome Y un gène spécifique à la baston. Il y a seulement une société qui veut maintenir un système pyramidal de privilèges et qui commence par celui du sexe présumé. Alors pour sortir de ça, les beaux discours ne suffisent pas, les livres qui nous disent que nous sommes tous et toutes égaux, les recherches scientifiques non plus, les soirées non mixtes où l’on s’énerve après ce système patriarcal non plus, pour sortir de ça il y a aussi l’autodéfense.
Présenté comme ça, on pourrait penser que la première chose dans l’autodéfense c’est la fight, pas nécessairement. Notre autodéfense est polymorphe car nos agressions le sont aussi. Il y a l’autodéfense verbale. Oui les blagues sexistes ne nous font pas rire, même si c’est un pote qui la raconte et nous fait un clin d’œil parce qu’on est la féministe de service et qu’on va jouer les ’rabat joie’.’Ta blague est sexiste et non elle ne me fait pas rire’, pourquoi continuer à les subir alors qu’elles nous dévalorisent ? Les agressions verbales sont monnaie courante, toutes ces phrases qui commencent par ’vous les filles …’ , en réalité toutes les remarques qui nous limitent à notre seul sexe désigné. A toutes ces remarques, ces moments de condescendance, ces phrases paternalistes soit disant bienveillantes, nous nous devons de répondre. Chacune à sa façon, par l’humour, en disant ’non’, etc…
Notre autodéfense est dans notre attitude physique. Récemment une étude a mis en évidence que la rue était ’masculine’, que nous la fuyions, l’évitions autant que possible. Souvent en utilisant cette rue, nous sommes recroquevillées sur nous, la tête enfoncée dans les épaules, regardant le sol plutôt qu’en face de nous, bref pas à l’aise. Mais la rue nous appartient autant qu’à l’autre moitié de l’humanité. Étrangement, moins on a l’air sûre de nous, plus on se fait emmerder, plus les relous se multiplient. Le regard droit, la démarche assurée (en talons ou en baskets) est là aussi un moyen d’autodéfense, le message est clair, ’je suis dans la rue et j’ai pas envie de me faire emmerder’.Malheureusement il arrive que cet ensemble de choses, nos mots, notre attitude, ne soient pas suffisants, il faut donc en venir aux mains (ou aux pieds). Pas besoin d’être ceinture noire de karaté, d’avoir passé une année à se bourrer de protéines et pousser de la fonte pour savoir se défendre. Il existe des gestes simples pour riposter à l’autre (l’autre étant souvent un ou une partenaire de vie, un ou une membre de la famille, même s’il arrive que des inconnues s’en prennent à nous, les actes de violences contre les femmes sont dans la majorité des cas liés à une personne proche, amies/familles/patrons/enseignants). Pour apprendre un certain nombres de ces gestes et aussi des mots et attitudes que nous pouvons adopter face à un comportement intrusif voire violent il existe des stages d’autodéfense féministe.
Il est temps pour nous toutes de virer ce carcan patriarcal et cela passe aussi par notre auto organisation et notre autodéfense. Non nous ne sommes pas des petites fleurs qui poussons le long du chemin et que d’aucuns peuvent fouler au pied sans même y penser. Nous avons en nous toutes cette capacité d’empowerment (c’est à dire le renforcement de notre pouvoir d’action par la création de mouvements autonomes et le travail collectif de conscientisation), il est temps pour nous d’en prendre conscience et d’agir en conséquence.
Notes
[1] pussy : mot désignant de façon argotique et vulgaire le sexe féminin, ici l’expression serait traduite par ’ne fais pas ta chochotte ’
Vu sur Rebellyon, 1er avril 2013