Archives de catégorie : Ni patrie ni frontière

[Poitiers] Le Mouton noir porte la voix des femmes syriennes

Le Mouton noir porte la voix des femmes syriennes

Hazar (à l’arrière-plan) entend poursuivre ses ateliers en Turquie avec les réfugiées syriennes.

Des collages sur tissu, œuvres réalisées par des réfugiées syriennes, sont présentés pour la première fois. C’est à Poitiers à la galerie Le Mouton noir.

C‘est une forme de solidarité avec un peuple dans la souffrance. L’artiste Bruno Deshoulières, propriétaire de la galerie Le Mouton noir, a vu juste lorsqu’il a accepté la proposition de la nouvelle association poitevine « Pour la paix en Syrie » : présenter le travail de collage sur tissu réalisé, autour de la plasticienne Hazar, par un groupe de femmes syriennes, réfugiée en Turquie. Car l’exposition est simplement d’une force rare. En franchissant la porte, c’est l’écho du drame syrien porté par la voix des femmes qui s’empare de vous. Ici, une œuvre composée d’une alternance de visages et de pierres tombales traités avec le même tissu, là, visages, pieds et mains épars racontent le sourd martyr d’un village…

«  Leur façon de participer à la révolution  »

« Les premiers jours ont été difficiles, c’était le silence, il y avait comme un caillou. Mais dès que l’on s’est mis à découper le tissu et à coller, la parole est revenue », raconte Hazar Bakbachi-Henriot, artiste bordelaise, d’origine syrienne. Pour soutenir la voix des femmes dans la révolution syrienne, Hazar part en octobre 2012 pour Antakya (Antioche), à une trentaine de kilomètres de la frontière syrienne. Là, en relation avec l’association laïque Urgence solidarité Syrie, elle anime pendant quinze jours un atelier proposé aux femmes réfugiées qu’elle a pu rencontrer, « un vrai temps d’échange, de partage et d’expression pour dix-sept femmes âgées de 15 à 50 ans, c’est leur façon à elles de participer à la révolution, pour que le monde sache qu’elles existent et pour qu’on ne les voit pas comme des victimes impuissantes ». Hazar ne tient pas à se mettre en avant, « j’ai la responsabilité de leur voix ». Seules quelques-unes de ses œuvres sont discrètement intégrées aux travaux de collages de l’atelier. L’accrochage au Mouton noir représente une véritable première, d’autres lieux devraient suivre en France. Une date est même déjà prévue aux États-Unis près de Washington.

A l’initiative de l’association poitevine « Pour la paix en Syrie », exposition « Collages sur tissu » – œuvres collectives de réfugiées syriennes et de la plasticienne Hazar – à la galerie Le Mouton noir, 20, rue du Mouton. Jusqu’au 9 février de 15 à 19 h (nocturnes jusqu’à 21 h les 8 et 9). Vernissage ce samedi 2 février à 17 h. Renseignements au 06.62.03.15.53.

à suivre

> Pour la paix en Syrie. C’est le nom de l’association née à Poitiers à l’initiative de deux franco-syriens installés de longue date dans la ville. Positionnée du côté de la révolution, son objectif est d’aider les gens qui souffrent de la situation actuelle en Syrie et de dénoncer les injustices. L’exposition présentée au Mouton noir est sa première action. > Skype. Si la liaison internet est établie, Chahere al Khatibe, artiste opposant au régime en place, chantera en direct depuis la Syrie à l’occasion du vernissage. Tout un symbole.

Dominique Bordier, Nouvelle République, 2 février 2012

M. Harlem Désir, un peu d’histoire !

Communiqué : M. Harlem Désir, un peu d’histoire !

Ignorance de l’histoire ou déni de l’histoire, les propos de Harlem Désir, le 21 janvier 2013, dans Mots croisés, sur France 2, à propos de l’accueil réservé aux réfugiés espagnols en 1939, sont inacceptables. Comment oser dire que ces Espagnols étaient fiers de la solidarité de la France ?

Comparant la gratitude qui serait celle de Maliens de 2013 envers la France à une présupposée gratitude des Espagnols républicains de 1939 à l’adresse du même pays qui aurait été accueillant pour eux, Harlem Désir a tenu ces propos : « Juste avant cette émission, j’étais à Montreuil où nous organisions une réunion de solidarité avec le peuple malien et j’ai vu des hommes et des femmes, beaucoup de Maliens de France, qui étaient à la fois inquiets, pour leur pays, comme ont pu l’être des réfugiés, vous savez, des Espagnols ou autres qui ont été accueillis en France au moment où leur pays traversait des drames et des guerres, et qui en même temps étaient fiers de la solidarité de la France, qui étaient soulagés, qui étaient reconnaissants. »

Or, même si en 1936 et 1937, il y eut une petite solidarité envers les Républicains espagnols en guerre civile, celle-ci a vite été interrompue par le gouvernement de gauche.

La Fédération anarchiste tient à rappeler que, parmi les 500 000 réfugiés espagnols fuyant le franquisme, après avoir, pour nombre d’entre eux, mené un âpre combat contre les forces franquistes, mais aussi contre ses alliés nazis et les supplétifs de Salazar, au moins 330 000 se sont retrouvés dans des camps de concentration (appellation officielle).

La solidarité n’était pas de mise, sauf chez certains militants de gauche, des anarchistes et quelques entités caritatives. En métropole et au Sahara colonisé, le gouvernement recevait ces Espagnols antifascistes, sans l’avoir anticipé – alors que les évènements présageaient une arrivée massive –, dans les camps de la honte du sud du pays. 17 000 personnes y périrent, ne parvenant pas à lutter contre le vent froid, la pluie, l’insalubrité, le manque d’eau potable, l’insuffisance des équipements sanitaires, la typhoïde, la tuberculose, le paludisme, le désespoir. Au Sahara, les conditions de vie étaient encore pires et certains y croupirent jusqu’en 1942. Rappelons aussi que les révoltes étaient punies d’emprisonnement dans des espaces disciplinaires et que les punitions brutales pouvaient semer la mort.

Là, il est question de l’attitude du gouvernement républicain jusqu’en 1940. Quant à celui de Vichy, il a livré des Espagnols au régime franquiste et aux nazis qui les ont déportés dans les camps d’extermination.

Pour rendre la monnaie de la pièce de la solidarité à la France, nombre d’espagnols exilés, dont de nombreux anarchistes, se sont battus contre l’occupation nazie, rejoignant la Résistance ou les Forces libres : les hommes de la 2e division blindée de Leclerc, commandée par le capitaine Raymond Dronne, la Nueve, qui, comme son nom l’indique, était composée en majorité d’Espagnols, ont été les premiers à rentrer dans Paris, le 24 août 1944, au soir.

Aussi, M. Harlem Désir, la Fédération anarchiste vous invite à revisiter votre Histoire de France, l’histoire de ces républiques et celle du comportement de ses représentants.

Secrétariat aux relations extérieures de la Fédération anarchiste.

le 27 janvier 2013

[Communiqué Fédération Anarchiste] Une guerre mensongère de plus, terrorisme d’état et pillage des ressources au Mali

Une guerre mensongère de plus, terrorisme d’état et pillage des ressources au Mali

Nous sommes mis en demeure de choisir notre camp. D’un côté des religieux armés qui rêvent d’établir le royaume de dieu sur terre, de l’autre des forces armées techno-capitalistes qui déclarent venir rétablir les droits de l’homme et au milieu une population désarmée.  C’est d’elle que nous nous sentons solidaires. Il n’existe pas de guerre juste ni de guerre propre. L’union sacrée autour du président va-t-en-guerre François Hollande, l’empressement de l’opération offensive et les discours médiatiques contrôlés, le renforcement du plan Vigipirate, le climat national anti-terroriste, visent à nous bourrer le crâne sur le caractère inévitable de cette guerre et à la légitimer. En réalité les intérêts économiques aux relents colonialistes priment de loin sur les vies des populations locales. Les jihadistes ont été très utiles au pouvoir français pour intervenir le 11 janvier 2013.

La classe dirigeante malienne corrompue jusqu’à l’os, la France, l’Union Européenne, les instances financières internationales (FMI, Banque Mondiale, OMC) ne se sont pas souciées du profond délaissement économique, social et culturel de la population laissant place maintenant à l’urgence militariste. Pendant de longs mois ce fut la porte ouverte aux recrutements en nombre par les jihadistes au Nord-Mali par nécessité économique (jeunes chômeurs, voire des enfants). Il n’est pas exclu que l’intervention de la France, ancien pays colonisateur, renforce les groupes jihadistes par le biais d’une mobilisation et de recrutements qui prendraient une dimension emblématique de lutte contre l’Occident. A trop jouer la « croisade contre le terrorisme international » le boomerang islamiste intégriste n’est jamais loin. L’expérience de l’enlisement de la guerre en Afghanistan n’a pas servi de leçon bien que la France y ait participé.

La coopération militaire avec la Mauritanie, la Côte d’Ivoire, le Burkina Fasso, le Niger, le Tchad et les deux bases militaires de Abidjan et de N’Djamena prouvent s’il en est besoin que la France n’a jamais voulu quitter cette région. Les troupes stationnées en Afrique n’y sont pas pour maintenir la paix mais bien pour intervenir rapidement et garantir les intérêts de grandes entreprises françaises de premier plan (Areva et son uranium, Total et son pétrole, Bouygues / Bolloré et ses travaux publics / sa mainmise sur les ports / ses bois précieux, Orange et ses infrastructures de télécommunication). Le gouvernement français, appuyé par l’Union Européenne, semble décidément ne pas vouloir se défaire de ses réflexes colonialistes, ni des avantages que cette politique procure aux industriels français. Se draper de valeurs démocrates pacificatrices et de défense des droits des peuples d’Afrique…et on atteint le comble du cynisme néocolonialiste. Le secteur industriel de l’armement rapporte bien plus que n’importe quel autre (plus que le pétrole ou même le nucléaire). Le marché du nucléaire est autant un marché civile que militaire. Les groupes marchands d’armes comme Lagardère ou Dassault sont propriétaires d’une grande partie de la presse d’opinion française…on comprend mieux pourquoi le discours antimilitariste n’a que peu droit au chapitre dans nos médias.

Après plus d’une semaine d’intervention, près de 200 000 réfugiés fuient les zones de guerre en direction des pays voisins tandis que le Programme alimentaire mondial estime que, dans le contexte actuel de sécheresse et de famine, 5 à 7 millions d’habitants du Sahel auraient besoin d’une assistance immédiate. 230 000 personnes se sont déplacées à l’intérieur du pays. Face aux attaques des armées maliennes et françaises au sol, les forces jihadistes adaptent leur stratégie et se cachent dans les villages. Au milieu, les populations vulnérables seront tôt ou tard les véritables victimes de ces conflits et en particulier les femmes et les enfants. Les risques de conflits larvés entre les communautés sont grands…la division, la stigmatisation sont à l’œuvre. Comment seront traités la majorité de touaregs n’ayant pas pris les armes ? et les peuls qui n’ont pas intégré le MUJAO ?

La guerre va coûter cher et durer longtemps. L’intervention militaire française est estimée à environ 400 000 euros par jour. La MISMA (Mission internationale de soutien au Mali) qui va arriver coûtera 240 millions de dollars / an. Alors que la misère règne, les cordons de la bourse se relâchent quand il s’agit d’aller tuer avec des armes. De telles sommes trouveraient une légitimité dans l’amélioration des structures sanitaires et sociales dans la région du nord Mali. Cela serait la preuve d’une volonté de reconstruire à partir de l’existant. Seuls les malien-ne-s peuvent le faire sur la durée. Ce conflit armé d’envergure ne fera que repousser l’espoir d’un retour à un équilibre et d’une amélioration de la situation.

Pour continuer à exister en Afrique, le terrorisme d’Etat français fait la guerre au Mali et peu importe le nombre de victimes directes ou indirectes (37 otages tués, 29 assaillants abattus à In Amenas en Algérie). Les populations manquent cruellement de politiques sociales, éducatives et culturelles responsables mais au lieu de ça les classes dirigeantes là-bas et ici se lancent dans un conflit à l’issue plus qu’incertaine. Les pays européens emboîtent le pas et suivent la cadence. Ni les maliens ni les habitants des autres pays africains ne pourront s’émanciper par eux-mêmes tant que le statu quo sous tutelle colonialiste sera la règle. Qui va reconstruire le pays une fois le conflit terminé ? Gageons que les entreprises françaises se tailleront la part du lion…Nous refusons que cette guerre soit menée en notre nom.

Solidarité avec les populations victimes de cette guerre !

Paix immédiate au Mali et dégage la Françafrique !

Fédération Anarchiste

Mercredi 23 janvier 2013

Un point de vue sur la guerre au Mali

NdPN : nous ne partageons pas toutes les positions développées dans cet article, mais il a le mérite de poser un certain nombre de questions pour le moins pertinentes.

Oser ne pas justifier la guerre – Intervention militaire française au Mali

Nous sommes en guerre. Vous, moi, chaque citoyen-ne français-e participe par son silence à l’approbation muette de l’offensive militaire de la France au Mali du 12-13 janvier 2013 décidée par le Président de la République Française démocratiquement élu François Hollande.

L’entrée  en guerre soudaine de la France au Mali et l’unanimité médiatique qui l’accompagne ne peuvent qu’interpeller les militant-e-s de la non-violence. N’étant pas spécialiste du contexte de cette intervention, je me contenterai de poser quelques questions à son propos, tant il est indispensable de maintenir éveillé l’esprit critique face aux fausses évidences du bellicisme.

- Raconté par les grands médias, le récit de la situation politique au Mali est simple et semble justifier la belle unanimité politique qui règne au sujet de l’intervention militaire de la France, du Front de Gauche au Front National, à quelques nuances près. Ce discours médiatique, le voici : le nord du Mali est occupé depuis le printemps 2012 par des forces islamiques armées qui imposent une charia sanguinaire aux populations. Affaiblis par un putsch au printemps, l’Etat et l’armée maliens n’ont pas les moyens de lutter seuls contre cet ennemi. C’est dès lors notre devoir en tant qu’humanistes d’intervenir pour essayer d’empêcher que cette junte islamo-terroriste s’empare de la capitale malienne, Bamako.

Qui donc oserait empêcher la cavalerie d’intervenir lorsque Fort Alamo est encerclé par les Indiens ?

- Comme lors de l’intervention militaire occidentale en Lybie, il est extrêmement difficile de faire entendre une voix discordante de l’unanimisme va-t-en guerre. Nous avons tellement été préparés  par le récit médiatique à la légitimité d’une telle intervention, que cette dernière nous semble comme l’aboutissement logique et inévitable de cette situation. Il faudrait être anti-démocrate, anti-humaniste, anti-féministe et « munichois » pour oser ne pas justifier  la guerre et ne pas l’accompagner de ses encouragements.

Quel est le rôle des médias dans la création de ce récit mettant en scène l’intervention inévitable et salvatrice des forces du bien (les occidentaux) contre les forces du mal (les islamistes) au profit de ces pauvres et braves africains incapables de se défendre ni de gérer leurs conflits par eux-mêmes ?  Faut-il rappeler le rôle fondamental que jouent les industries de l’armement dans la presse française, à travers Lagardère et Dassault ? Est-ce aller trop loin que de faire le lien entre un discours pro-guerre sous couvert de valeurs humanitaires, et le soutien à l’industrie militaire française ? Un industriel qui possèderait la majorité des médias d’un pays, ferait-il campagne dans ces médias pour critiquer et empêcher l’usage des produits qu’il fabrique ?

Pour évoquer l’attitude de protection, par nous autres Occidentaux, de ces pauvres Africains, qui semble aujourd’hui justifier l’intervention militaire française, ne peut-on employer  la notion de « paternalisme » ? Cette dernière n’est-elle pas une notion clé du colonialisme ?

La France est-elle toujours là lorsqu’il s’agit de défendre la démocratie ?  Pourquoi la France ne se donne-t-elle pas autant de moyens pour protéger les centaines de milliers de papous massacrés depuis 40 ans par le gouvernement indonésien ? Et ailleurs ?

- Est-il décent que le principal débat qui, au fond, passionne les journalistes des grands médias français, concerne l’influence de cette entrée en guerre sur l’image médiatique de Hollande ? « Hollande va-t-il cesser d’être considéré comme ‘mou’ ? » est bien plus important que « Binta va-t-elle voir sa famille mourir sous ses yeux ? ». La preuve de la capacité d’un chef d’Etat à gouverner, à être légitime, à mener un peuple, semble se réduire à sa virilité guerrière : combien de siècles en arrière somme-nous revenus ? A quel degré ce débat se place-t-il sur l’échelle du bellicisme et du virilisme patriotique ?

- Les civils maliens morts dans l’offensive de l’armée française du 12-13 janvier 2013 sont qualifiés dès le 13 au matin sur France Inter par un général, de « dommage collatéraux ». Si tel est le nom anecdotique que l’on donne au meurtre en notre nom de dizaines de civils, alors demandons tout de suite à la justice de requalifier les crimes passionnels en « pichenettes malencontreuses ».

- Les armes utilisées par les combattants islamistes et touaregs viennent largement, selon les grands médias, de Lybie. Et les armes lybiennes, d’où viennent-elles ? La France n’a pas cessé de contracter de juteux contrats d’armement avec la Lybie durant des décennies. Il se pourrait donc que nous assistions à une simple opération d’écoulement de la surproduction d’armes françaises, les armes actuelles venant donner une leçon militaire aux armes d’occasion utilisées par les combattants du nord. L’armée a toutefois le bon goût de faire s’affronter ses propres armes sur un territoire étranger.

- Personne ne trouve rien à redire au fait que, au Mali comme en Côte d’Ivoire, ce soit la France, ancienne nation colonisatrice, qui intervienne militairement. Etant donné ce passé pourtant, la France est la dernière puissance légitime pour y intervenir militairement, sans donner la persistante impression d’une continuité néocoloniale.

- Pourquoi, précisément, la France a-t-elle été si empressée, à la proue des nations mondiales, dans sa protection démocrate et désintéressée du peuple malien ? Toutes les personnes qui ont entendu parler de la Françafrique savent que notre pays joue dans cette partie du continent africain un jeu à peine voilé pour le contrôle de la situation politique de la région. Elle a substitué à son ancien empire colonial, trop voyant, un pré-carré qu’elle maîtrise à grand renfort de corruption, de soutien militaire aux dictatures et de coups d’Etat. Le Mali fait partie des territoires restés assujettis au giron français depuis les indépendances et il n’a pas plu à la puissance néocoloniale que le contrôle de cet Etat lui échappe. Mais pourquoi ?

- La France a maintenu le Mali dans une relative stabilité pour les mêmes raisons que pour le reste de sa politique françafricaine : le contrôle de ses intérêts stratégiques sur ce continent (ressources minérales et énergétiques en particulier). Or, que voit-on à quelques kilomètres de la frontière avec la zone nord du Mali, au Niger ? Les mines d’uranium d’Arlit, élément important de l’approvisionnement en uranium de la filière nucléaire française. A Arlit, les filiales d’Areva font leur loi, au mépris de la démocratie et de la santé des populations. On a donc un lieu stratégique pour le fonctionnement du complexe nucléaire civilo-militaire français, lui-même au cœur de l’Etat. Il est certainement hors de question pour la France de laisser planer une quelconque menace sur ce site stratégique pour son économie, sa puissance militaire et sa grandeur diplomatique.  L’armée française, concernée au premier plan par l’approvisionnement en uranium d’Arlit, est donc la première à intervenir. Pure coïncidence, bien sûr.

- Concernant les acteurs en présence : les Touaregs du nord du Mali ont contracté une alliance contre-nature mais opportuniste avec les islamistes radicaux. Après des décennies de lutte pour la reconnaissance de leurs revendications et de leurs droits, ils ont voulu saisir une opportunité unique de faire changer la donne politique. Il ne s’agit pas de justifier cette alliance. Mais avant d‘émettre des jugements définitifs sur ce choix stratégique, pourrait-on revenir un instant sur l’analyse de ces décennies de lutte et de négation de leurs revendications ?  Quelles étaient leurs revendications ? Etaient-elles légitimes ? Comment, par quels moyens les ont-ils exprimés ? Qui tirait les ficelles de la répression et au nom de quels intérêts ?

- Concernant les combattants islamistes armés, il ne s’agit aucunement de les justifier, mais de se poser quelques questions similaires à celles que l’on posait à l’époque du 11 septembre 2001. Pourquoi l’islamisme se développe-t-il ? A quelle colère répond-il ? N’est-il pas le triste vecteur qui s’offre aujourd’hui à l’expression d’une colère d’une partie du monde ravagée et expropriée par la mondialisation capitaliste ? Quand l’on considère qu’il y a largement de quoi nourrir le monde entier mais que les mécanismes du libre échange confisquent les richesses d ‘une majorité du monde au profit de quelques uns, quand on sait le pillage violent et sans vergogne de continents entiers au profit du bien être d’une minorité de privilégiés, comment peut-on se contenter de pourfendre ceux qui se réfugient dans la violence islamiste, sans commencer par se remettre en cause d’abord ? Sans examiner notre part de responsabilité dans cet état des lieux ? Un graffiti sur un mur de Strasbourg posé lors du sommet contre l’OTAN en 2007 affirmait : « Le capitalisme fait plus de morts en un jour que le terrorisme en une année ». Qui oserait affirmer le contraire ? Que cela ne nous empêche nullement d’être révoltés et de lutter contre le terrorisme et l’islamisme radical. Mais nous devrons être 365 plus révoltés contre l’horreur invisible du capitalisme auquel nous participons silencieusement, et 365 fois plus actifs pour la faire cesser au plus vite. Il ne s’agit donc ni de justifier ni de minimiser les horreurs accomplies au nom de l’islamisme. Mais de se poser la question des causes et des effets, des ordres de grandeur et des priorités, question sans laquelle nous ne saurions prétendre « penser ».

Ultime question : tous ces questionnements se retrouvent-ils dans les grands médias ? Et sinon, pourquoi ?

Guillaume Gamblin 13 janvier 2013

Vu sur le blog Anarchisme non-violence 2

[Poitiers] Traque aux faux mineurs : par delà la banalité du mal

Traque aux faux mineurs : par delà la banalité du mal

Dans l’article « Traque aux faux mineurs : cinq arrestations à l’hôtel » nous apprenons que « cinq des sept jeunes accueillis dans un hôtel présentaient un âge estimé entre 18 et 19 ans. Ils ont été interpellés, placés en garde à vue puis en centre de rétention en région parisienne avant leur expulsion. » Nouvelle République 17 janvier 2013.  Or nous pouvons lire dans le CODE DE L’ACTION SOCIALE ET DES FAMILLES (Partie Législative) Chapitre Ier : Service de l’aide sociale à l’enfance ; Article L221-1

(Loi nº 2002-2 du 2 janvier 2002 art. 75 I 2º, art. 82 Journal Officiel du 3 janvier 2002)

Le service de l’aide sociale à l’enfance est un service non personnalisé du département chargé des missions suivantes  :    1° Apporter un soutien matériel, éducatif et psychologique tant aux mineurs et à leur famille ou à tout détenteur de l’autorité parentale, confrontés à des difficultés risquant de mettre en danger la santé, la sécurité, la moralité de ces mineurs ou de compromettre gravement leur éducation ou leur développement physique, affectif, intellectuel et social, qu’aux mineurs émancipés et majeurs de moins de vingt et un ans confrontés à des difficultés familiales, sociales et éducatives susceptibles de compromettre gravement leur équilibre ». [souligné par nous]

Que le le procureur de la République fasse « interpeller, placer en garde à vue puis en centre de rétention en région parisienne avant leur expulsion » des jeunes gens tout juste majeurs (si tant est qu’ils le sont vraiment) uniquement parce qu’ils sont en situation irrégulière, dénote l’inhumanité de notre administration et montre la banalité du mal au sens qu’Hannah Arendt a donné à cette expression(1). Le procureur de la République, monsieur Nicolas Jacquet, peut dire qu’il ne fait qu’« appliquer la loi » et ainsi se donner un semblant de bonne conscience en faisant son « petit homme », comme le nomme la philosophe dans son livre Eichmann à J

Jérusalem, essai sur la banalité du mal. Et encore, les procureurs, l’Etat en général, ne communiquent pas, et pour cause, sur des actes pour lesquels ils risquent d’être condamnés par la cour européenne des droits de l’homme, tels que les expulsions des personnes en situation irrégulière, surtout lorsqu’ils s’agit de familles et d’enfants. Pour info, deux des interpellés sur les cinq (ou six) sont libres: pour l’un le Juge des Libertés et de la Détention a estimé que le test de l’âge osseux n’était pas probant… Nouvelle République 18 janvier 2013. Notre bon procureur peut-il vraiment encore garder sa bonne conscience après avoir essayé d’expulser un enfant ? Pour l’autre le Tribunal Administratif de Versailles a annulé son renvoi parce qu’il était… malien. Expulser un jeune, peut-être mineur, vers son pays en guerre : il fallait oser ! Ou alors n’est-ce pas plutôt de la bêtise ? Rappelons qu’Hannah Arendt a proposé son concept de « banalité du mal » pour dénoncer le fait qu’Eichmann en disant qu’il ne faisait qu’obéir aux ordres, ne pensait pas. Il n’exerçait pas son jugement critique. Ce n’est donc pas la méchanceté qui est pernicieuse et qui conduit à faire le mal mais la bêtise !

Mais que le conseil général, chargé par la loi de leur « apporter un soutien matériel, éducatif et psychologique » se concerte avec le procureur de la République pour mettre au point cette riposte policière qui pourrait conduire à leur expulsion du territoire français, a de quoi laisser songeur sur, pour être gentil, la rigueur morale de cette institution qui semble plus préoccupée par les économies qu’elle pourrait faire que par la loi, en particulier son propre Code, leCode de l’action sociale et des Familles, et par le Droit, en particulier le droit à avoir une vie décente. Car, rappelons-le, l’Aide Sociale à l’Enfance constitue une des modalités de la mise en œuvre du « droit à une vie décente » ou «droit à la protection sociale et à la sécurité matérielle », lequel constitue « un principe de valeur constitutionnelle » selon le Conseil Constitutionnel. Ainsi le tribunal administratif relève-t-il dans l’affaire Pschenychnyak c./ Dpt. des BdR, que « le droit à une vie décente constitue une liberté fondamentale dont l’aide sociale à l’enfance et l’aide à domicile sont des manifestations » (Ordo. réf. TA Marseille, 4 octobre 2002, req. N° 024716/0).

Bruno Belin se place alors irrémédiablement au delà de la banalité du mal. En effet, le « petit homme » Eichmann se défendait et cherchait à se donner bonne conscience en disant qu’il n’avait que fait son devoir par devoir, qu’il n’avait qu’obéit aux ordres et respecté les lois. Bruno Belin ne peut se prévaloir d’une telle chose puisqu’il ne respecte pas les lois. Nous sommes en présence non pas, comme dans le cas de notre bon procureur, d’un système totalitaire, mais d’un système hétéronome absurde dans lequel, l’Etat ne respecte même pas les lois qu’il a énoncées lui-même. Ce système, dans lequel le pouvoir l’emporte toujours sur la loi, c’est le capitalisme. En clair, les agents du capitalisme, étant dans une contradiction insoluble entre le droit et la force, n’ont aucun moyen de se donner bonne conscience. Même le : il n’y a pas assez d’argent, ne tient pas une seconde. Car, par exemple, l’Etat français en a trouvé très facilement pour aller faire la guerre au Mali. Tout comme il en avait trouvé aussi très facilement pour intervenir en Libye.

C’est pourquoi le Conseil Général ne s’est pas vanté qu’il s’est complu dans la délation. Les arrestations ont eu lieu jeudi 10 janvier. La Cimade l’a su samedi 12 et a prévenu la presse dès lundi 14. L’article a été publié huit jours après les arrestations. Ce n’est donc qu’après coup que le Conseil général cherche à se donner bonne conscience en désignant ces cinq « faux mineurs » à la vindicte populaire. Mais nous voyons bien que c’est pour détourner l’attention de l’essentiel en se focalisant sur des boucs émissaires. Et l’essentiel c’est que, non seulement les services de l’ASE collaborent avec la police pour expulser des jeunes majeurs qu’ils devraient protéger, mais ils refusent régulièrement de protéger des enfants « confrontés à des difficultés risquant de mettre en danger la santé, la sécurité, la moralité de ces mineurs ou de compromettre gravement leur éducation ou leur développement physique, affectif, intellectuel et social » comme le prescrivent les lois qu’ils se sont fixés eux-mêmes.

D’autres exemples ? Dans la Nouvelle République et Centre presse de lundi dernier (14 janvier)  suite à l’arrivée au gymnase de l’accueil supplémentaire du 115, de cette « famille entière qui se présente, complètement perdue. Un couple d’Arméniens ou d’Azéris, on ne sait pas trop, avec deux jeunes enfants de moins de dix ans, une dame âgée et une adolescente de 18 ans à peine » Tout le monde : mairie, préfecture, Croix rouge… s’accordait dimanche “pour reconnaître qu’il n’est pas acceptable que des enfants couchent dehors sans bien savoir quelle solution on pourrait apporter à ce drame humain”. » A la lumière de la loi nous pouvons dire que la fin de cette phrase est inexacte. Nous savons très bien qu’il y a des solutions et que la loi précise que, s’il y a des enfants, c’est de la responsabilité de l’Aide Sociale à l’Enfance.

Or, cette dernière rechigne régulièrement à se charger de ses responsabilités. Un autre exemple, cette famille de Roumains qui a contacté le DAL86 samedi 22 décembre. Une mère de famille, en France depuis deux ans et sur Poitiers depuis un an, avec sa fille de 13 ans, et une autre de ses filles de 20 ans qui a une petite fille de 9 mois et qui est là avec le père de son enfant. et enfin une de ses nièces de 18 ans enceinte de 3 mois et en France avec le père de son enfant. Ils vivaient dehors et dormaient pour les uns dans une voiture garée sur les parkings, pour les autres, nous l’avons appris plus tard, à la gare.

Vu l’urgence de la situation, – et comme nous l’avait conseillé ce même Bruno Belin qui traque avec le procureur les vrais faux mineurs étrangers, si nous trouvions des enfants à la rue -, dès lundi 24 décembre nous avons accompagné cette famille à l’ASE. Mais malheureusement c’était fermé pour les fêtes et faisait le pont. Donc le 26 décembre, nous sommes de nouveau allés à l’ASE. Et là, quelle ne fut pas notre déconvenue : selon l’ASE, la situation de cette famille et de ces enfants de 9 mois et de 13 ans n’était pas « préoccupante » puisqu’ils couchaient dans une voiture !

Il faut se rendre à l’évidence, l’ASE de la Vienne, en fait de protection de l’enfance, se préoccupe seulement de la déficience des parents et donc, afin d’éviter d’assumer ses responsabilités et se plaignant qu’elle n’a pas les moyens, cherche à se cantonner dans ce qui est nommé pudiquement le « placement » des enfants.

Ces ressortissants roumains sont suivis par une assistante sociale et donc sont connus de l’ASE. Cette jeune fille de 13 ans parlant assez bien le français, mais le l’écrivant pas et ne le lisant pas aussi bien, n’a suivi pour scolarité qu’un an en Roumanie (elle parle, lit et écrit le roumain) et que 8 mois en Italie (elle parle, lit et écrit l’italien). Ce ne sont pas les services de l’ASE mais le DAL86 qui a fait les démarches pour l’inscrire dans un collège. Et nous ne vous racontons pas les démarches qu’il faut faire pour simplement qu’elle ait une carte de bus pour aller dans son établissement…

Nous pouvons donner beaucoup d’autres exemples de mères de familles hébergées au 115 avec leurs enfants alors que les pères sont à la rue, et ce parfois durant longtemps (2 ans). Mères et enfants qui vivent dans des dortoirs qu’il doivent quitter à 9h du matin et ne peuvent y revenir avant 16 h sans y rentrer après 21 h. Quelle éducation ces parents-là, séparés comme du bétail, pourront-ils donner à leurs enfants et quel sera le « développement physique, affectif, intellectuel et social » de ces derniers ?

Tout ceci nous inspire un profond dégoût. Nous ne laisserons pas faire. Déjà que les lois sont très peu en faveur mal-logés et sans-logis, et très largement dédiées à la défense des intérêts des propriétaires, déjà que les plus riches et les plus puissants sont beaucoup mieux armés pour faire marcher la justice dans le sens de leurs intérêts, les quelques lois en faveurs des mal-logés et sans-logis et des plus précaires en général ne sont même pas appliquées par les institutions qui en sont chargées. Nous le dénonçons.

Il faut que les autorités, préfecture, Conseil général, mairie… se donnent les moyens de respecter les lois qu’elles se sont données à elles-mêmes. C’est-à-dire, au lieu d’être au service des propriétaires immobiliers, de mettre en place un véritable service d’hébergement et de logement comme la loi le stipule.

Un toit pour tous, avec ou sans papiers.

(1) http://www.lekti-ecriture.com/contrefeux/hannah-arendt-et-la-banalite-du.html

DAL 86, 20 janvier 2012