Archives de catégorie : Okupa y resiste

C’est le froid social qui tue

C’est le froid social qui tue

« Je veux, si je suis élu président de la République, que d’ici à deux ans, plus personne ne soit obligé de dormir sur le trottoir et d’y mourir de froid, parce que le droit à l’hébergement, je vais vous le dire, c’est une obligation humaine, mes chers amis, comprenez-le bien, si on n’est plus choqué, quand quelqu’un n’a pas un toit lorsqu’il fait froid et qu’il est obligé de dormir dehors, c’est tout l’équilibre de la société où vous voulez que vos enfants vivent en paix, qui s’en trouvera remis en cause »

Discours de Sarkozy , 18 décembre 2006, Charleville-Mézières

En France, l’INSEE dénombre 250.000 personnes privées de logement, et plus de 3 millions de personnes mal-logées. Mais aussi 2,1 millions de logements vacants, et 3,2 millions de résidences secondaires.

Plus de logements sont construits, plus encore augmente le nombre de sans-domicile. Le problème ne consiste donc pas à offrir toujours plus de contrats juteux aux bétonneurs pour fournir de nouveaux parcs de logements destinés aux seuls esclaves capables de se les payer, toujours plus d’accaparement privé de l’espace public, toujours plus de destruction écologique et sociale. Le problème consiste à construire une force révolutionnaire, capable de se saisir des logements qui existent.

Voici la seule exigence raisonnable d’un mouvement pour le droit au logement. De la même façon, quand la planète produit de qui nourrir 12 milliards d’êtres humains, la réquisition est le seul moyen de nourrir le milliard de personnes en sous-nutrition ou crevant de faim. Ce n’est pas par erreur que les supermarchés jettent 30 à 40% de leur nourriture. Ce n’est pas par erreur que la justice demande huit mois de prison dont deux fermes pour deux personnes qui ont fait de la récup de bouffe périmée dans une poubelle. Un enfant meurt de faim toutes les quatre secondes dans le monde, parce que jeter la nourriture est indissociable d’un système fondé sur l’exclusion sociale.

Le capitalisme, en tant que système générateur de valorisation du capital, est fondé sur la privation. Il suppose en effet (en plus de l’exploitation de la force de travail et la dépossession des populations en matière de décisions réelles sur les productions), l’établissement d’une certaine rareté, pour toutes les marchandises. C‘est-à-dire, pour une partie des populations, la privation délibérée des produits de leurs activités, y compris les produits de nécessité vitale. Le prix conditionne la possibilité d’accès, en fonction de cette privation.

Voici cette réalité sordide, qui sous-tend les modes de production existants. Y compris dans les pays dits « d’abondance« , comme la France. C’est pourquoi aucune politique d’aménagement du capitalisme, aucune politique ne remettant pas en cause l’accaparement privé ou étatique des biens existants, ne pourra jamais résoudre ce problème dramatique du logement.

Entre libérer les populations de l’étau des loyers à payer ou de crédits à « rembourser » et ainsi sauver des vies, et la préservation de ses rentes juteuses, la bourgeoisie préférera toujours l’esclavage et la mort des pauvres plutôt qu’une vie décente pour tous. Dans ce système odieux, les personnes qui meurent de froid ou de faim sont nécessaires à la mise sous coupe réglée de l’immense majorité de la population.

Alors que la loi de réquisition des logements vides existe, elle n’est jamais appliquée. Des associations grassement subventionnées gèrent la charité publique, dont les limites sont définies par le seuil de tolérance de l’intolérable, c’est-à-dire par le seuil de résistance et d’auto-organisation sociale des populations. La gauche au pouvoir au sein d’un système de domination capitaliste (privé et-ou d’Etat), expulse les squats tout autant que la droite. Condamne le « vol » à la prison tout autant que la droite. Il n’y a rien à attendre des promesses de gens dont le métier consiste à préserver la rareté et la privatisation des biens communs.

L’occupation, la réquisition et la réappropriation sociale ne sont pas seulement légitimes, elles sont une urgence révolutionnaire. La répression bourgeoise frappe les actes isolés de survie. Seule une convergence collective, réappropriatrice des biens communs existants, peut éviter l’extension des drames humains.

PS : pour rappel samedi 4 février, Poitiers, Salle Timbaud (maison du peuple), 15 h : Réunion publique pour la création du DAL86 avec Jean-Baptiste Eyraud, président du DAL national, le DAL17…

Juanito, groupe Pavillon Noir (Fédération Anarchiste 86), 30 janvier 2012

De quoi le sans-abri du parking est-il mort ?

 

Poitiers. Un sans-abri a été découvert sans vie, samedi matin, dans le parking Charles-de-Gaulle.

Ce recoin de parking servait d'abri pour la nuit. 

Ce recoin de parking servait d’abri pour la nuit.

Une enquête a été ouverte sur les circonstances de la mort d’un sans-abri, retrouvé sans vie, samedi matin, alors qu’il venait de passer la nuit dans un recoin du 1er sous-sol du parking Charles-de-Gaulle, à Poitiers (voir notre édition du dimanche). Le parquet a ordonné qu’un examen médico-légal du corps soit pratiqué afin de déterminer les causes du décès. L’enquête a d’ores et déjà rejeté l’hypothèse d’une mort causée par le froid. Ce sans domicile fixe d’une trentaine d’années avait contacté le Samu social vendredi soir pour une aide alimentaire. La Croix Rouge lui avait fourni nourriture, boissons chaudes et couverture et l’avait reconduit, à sa demande semble-t-il, au parking où il avait l’habitude de passer la nuit.

Nouvelle République, 30 janvier 2012

Vague de froid en Europe de l’Est: 22 morts

Une vague de froid qui sévit depuis quelques jours en Europe de l’Est a entrainé la mort de quelque 22 personnes, a-t-on appris lundi des autorités de ces pays où les basses températures devraient se maintenir dans les prochains jours.

En Pologne où il a fait jusqu’à moins 27 centigrades dans le sud-est du pays dix personnes sont mortes de froid au cours du weekend, a annoncé lundi la police polonaise.

Au total dans ce pays depuis le début de l’hiver, 46 personnes sont mortes de froid (22 en janvier, 19 en décembre et 7 en novembre). Mais ces chiffres selon une porte-parole de la police nationale, sont nettement moins élevés que les années précédentes, à cause d' »un hiver particulièrement doux à ses débuts ».

« Les victimes du froid sont souvent des personnes sans abri, celles ayant abusé d’alcool et des personnes âgées », a-t-elle ajouté.

En Bulgarie un froid sibérien s’est abattu sur le pays lundi, où les températures sont descendues jusqu’à -24 degrés Celsius et la presse a fait état de cinq morts dans les tempêtes de neige la semaine dernière.

Les températures les plus basses ont été relevées lundi matin à Tchirpan (sud) avec -24 degrés Celsius, et à Sevlievo (centre) avec -23,4 degrés Celsius, a annoncé le service météorologique, qui prévoit des températures encore plus basses dans les prochains jours.

En l’absence de bilan officiel, la presse faisait état lundi de cinq morts au total dans les tempêtes de neige de la semaine dernière. La plupart des victimes citées étaient des personnes âgées, perdues sur une route à proximité de leur village.

Les hospitalisations pour des fractures étaient en forte hausse et plus de 170 écoles ont été fermées.

Le vent qui souffle notamment dans la Plaine du Danube dans le Nord du pays, renforçait la sensation de froid. Le port de Varna (nord-est), sur la mer Noire, était fermé en raison d’un vent violent.

En Serbie trois personnes sont mortes samedi et dimanche dans l’ouest du pays en raison de fortes chutes de neige qui ont également perturbé le trafic routier dans le sud du pays, a rapporté lundi l’agence Tanjug.

Une femme de 49 ans a été retrouvée morte d’hypothermie dans la région de Valjevo, ville à 80 km au sud-ouest de Belgrade. Une homme de 52 ans a été retrouvé dimanche près de sa maison dans le village de Bobovo dans cette même région. Dans le village de Taor, un vieillard de 81 ans est mort de froid dans sa maison.

Les chutes de neige en Serbie durant le week-end ont également sérieusement perturbé le trafic routier et l’approvisionnement en électricité dans le sud du pays où un état d’alerte a été proclamé dans 14 municipalités.

Les chutes de neige ont cessé dimanche, mais le pays était en proie lundi matin à une vague de froid sibérien, les températures étant descendues jusqu’à -20 degrés celsius dans la nuit dans le centre de la Serbie.

En Lituanie, la police a annoncé la mort due au froid de trois personnes, dont une femme de 91 ans, et un homme âgé de 78 ans.

En République tchèque, un homme de 26 ans a été retrouvé mort dans un champ près de la ville d’Opava dans l’est du pays.

AFP, 30 janvier 2012

[Davos] 200 manifestant-e-s, 5.000 flics…

Quelque 200 manifestants à Davos prônent la résistance au capitalisme

Quelque 200 manifestants, cantonnés sur une petite place de la station alpine Suisse de Davos, loin du Centre de congrès où se déroule le Forum économique mondial (WEF), ont dénoncé samedi ce rendez-vous de la finance, prônant « la résistance à ceux qui veulent dominer Le Monde ».

« Ne les laissez pas décider pour vous ! », proclament les pancartes d’Occupy WEF dont les militants côtoient des syndicalistes, des écologistes, des membres d’associations altermondialistes et une poignée de jeunes radicaux masqués.

« Personne avec quatre as dans son jeu ne veut un changement », ironise Savino en ne croyant pas une seconde au slogan officiel du WEF, « The great transformation » (« Le grand changement »).

« Nous voulons un monde pour tous, un monde qui ne connaît pas la faim, où tout Le Monde bénéficie de la protection sociale », crie au micro Katharina Prelicz-Huber, présidente du Syndicat des services publics (SSP).

Des tracts circulent citant l’économiste Kenneth Boulding : « celui qui croit que la croissance exponentielle peut continuer pour toujours est soit un fou, soit un économiste ».

« Burn out WEF ! » (Brûlez le WEF), proclament ceux du Front révolutionnaire zurichois.

Un homme arborant un masque cadavérique aux dents bien aiguisés, couvert de dollars et portant une valise au nom d’une célèbre banque Suisse, jette parcimonieusement de la menue monnaie au public.

Le maire de Davos Hans-Pieter Michel est venu s’assurer que tout se passe dans le calme. Il n’hésite pas à faire reculer, tout seul au milieu de la rue, les jeunes gens masqués qui font mine de s’approcher des barrages de police solidement gardés bloquant l’avenue principale et paralysant la circulation des véhicules.

Le ministre australien du Commerce Craig Emerson, arrivé de ce fait en retard au Forum, aura ce commentaire : « Occupy WEF n’est pas encore totalement convaincu des bienfaits du libre-échange ».

Les manifestants n’ont pas été autorisés à se déplacer dans la station et resteront à plusieurs centaines de mètres du massif palais de béton brut qui abrite le Forum, dont l’enceinte est entièrement protégée par moult barrières, grillages et quelque 5.000 policiers ou militaires. Seuls les participants au Forum, dûment badgés, peuvent y pénétrer après les contrôles électroniques d’usage.

 

Le maire explique à l’AFP que depuis 2003, date de son élection, il autorise les manifestants venus pour la plupart de Zurich à atteindre la station. Auparavant, pendant le Forum, ils restaient bloqués dans la vallée et des incidents très violents éclataient au contact des forces de l’ordre.

Dans la manifestation, ce samedi, personne ne semble avoir entendu parler de l’arrestation dans la matinée de trois militantes du mouvement protestataire ukrainien Femen qui se sont partiellement dénudées tout près du Centre des congrès pour dénoncer les « gangsters » du Forum économique mondial.

AFP, 28 janvier 2012

[Notre-Dame des Landes] Visite chahutée du président du TGI

Aéroport de Notre-Dame-des-Landes : visite chahutée du président du TGI

 AFP, 24/01/2012

 La visite d’évaluation des parcelles expropriables du futur aéroport de Nantes par le président du tribunal de grande instance (TGI) de Nantes, Jean-Maurice Beaufrère, a été chahutée mardi 24 janvier 2012 par près d’une centaine d’opposants.

M. Beaufrère, nommé juge de l’expropriation pour ce projet qui touchera 1.600 hectares directement et indirectement, devait se rendre sur des parcelles susceptibles d’être expropriées pour évaluer leur valeur. Arrivé dans un convoi d’une dizaine de voitures de gendarmerie ainsi que quatre camions de transports de troupe et plusieurs 4×4, le juge a été accueilli par près d’une centaine de manifestants scandant : « non a l’aéroport ».

 Expropriation – Dans une cohue houleuse, il a d’abord rencontré les propriétaires concernés. Mais il n’a pu se rendre en voiture sur les premières parcelles, le convoi ayant été bloqué par un barrage de branches puis par des militants couchés sur la route. La visite s’est alors effectuée à pied, entourée d’un important service d’ordre, précédé et suivi de manifestants tentant de ralentir ou d’arrêter le progression du juge.

 Les mêmes scènes se sont répétées à plusieurs reprises, le juge ayant une dizaine de parcelles à visiter. Les gendarmes ont fait usage à une reprise des gazs lacrymogènes.

 Procédure – Une dizaine de transports de justice de ce type doivent avoir lieu d’ici l’été pour visiter les parcelles, a dit l’un des avocats de propriétaires sur place, Me Erwan Lemoigne. Selon la procédure, lorsqu’un propriétaire n’accepte pas l’offre à l’amiable de l’Etat, le juge de l’expropriation se rend sur place pour évaluer la parcelle avant que n’aie lieu l’audience d’expropriation à proprement parler. L’audience d’expropriation des parcelles visitées mardi aura lieu le 15 février. Une procédure similaire s’appliquera aux exploitants agricoles.

 Opposition hétérogène – Confiée par l’Etat au groupe Vinci, la construction de l’aéroport doit débuter en 2014 et se terminer en 2017. S’y opposent des agriculteurs locaux, les écologistes et des militants anarchistes ou alternatifs. L’un des dirigeants de l’ACIPA, principale organisation d’opposants, Dominique Fresneau a ainsi déclaré au juge Beaufrère que sa visite d’expropriation était « prématurée » car « l’aéroport ne se fera pas ».

 Le groupe Vinci a annoncé le 17 janvier que « les 3/4 de la superficie necessaire à la réalisation du futur aéroport (sont) acquises », que « 27 conventions (ont été) signées sur les 39 exploitations directement concernées ».

Vu sur Brèves du Désordre

[Dijon] Nouveau squat occupé par les migrant-e-s, le proprio est le ministère de la justice

Un nouveau lieu occupé par les migrant-es à Dijon

Soutien bienvenu à l’intersection du boulevard de la Marne et de l’avenue Arstide Brillant.

Depuis plusieurs mois déjà à Dijon, la situation critique des demandeurs et demandeuses d’asile est de plus en plus médiatisée. La régionalisation des demandes d’asile, contraignant les migrant-es à faire leur demande à la préfecture de région et donc à Dijon, a entraîné une hausse du nombre de migrant-es présents dans la ville. La fRance, signataire de la convention de Genève, s’est engagée à accueillir les demandeurs et demandeuses d’asile dans les meilleures conditions, notamment en leur proposant un hébergement décent et des possibilités de s’alimenter convenablement. La préfecture de Côte d’Or, comme bien d’autres en fRance, ne respecte pas ses obligations. C’est ainsi que depuis l’été dernier, plusieurs centaines de personnes en attente de papiers vivent à la rue à Dijon. La préfecture a accordé deux rendez-vous aux associations qui soutiennent juridiquement et matériellement les personnes migrantes. Ces associations demandaient à la préfecture d’opérer des réquisitions pour les accueillir, mais aucune mesure n’est prise pour les loger, la préfecture prétextant l’inexistence de lieux pouvant accueillir tant de personnes. Aucune réquisition ni mesure d’urgence ne sont envisagées. Dans ce contexte, deux lieux avaient déjà été ouverts et occupés par des demandeurs et demandeuses d’asile, venant essentiellement de pays d’Afrique de l’Est où la situation politique est plus que fragile (Somalie, Ethiopie, Erythrée notamment).

Ce désengagement de l’État et le nombre important de personnes concernées associés au fait que ces personnes arrivent de pays en guerre (et donc risquent réellement leur vie dans leur pays d’origine, plus que si illes étaient de « simples » réfugié-es économiques, aux dires des membres de certaines associations) ont fait fondre la frilosité à laquelle les associations « citoyennistes » nous avaient habitué-es face à la « réquisition » non-officielle de logements vides pour les migrant-es. C’est ainsi que ce jeudi 26 novembre a eu lieu l’ouverture publique d’un nouveau squat de demandeurs et demandeuses d’asile à Dijon, avec le soutien des membres de ces associations (voir le texte de l’appel à la manif ayant amené au squat).
Pour les militant-es squatteur-euses habitué-es à ce type d’évènement, cette expérience était à la fois nouvelle et enrichissante : une nouveauté dijonnaise que d’ouvrir ensemble, entre personnes de tous âges et tous horizons sociaux, un bâtiment permettant d’héberger des migrant-es au sein d’un endroit adapté, propre, avec chauffage, eau et électricité.
Ce bâtiment n’est par ailleurs pas anodin, symboliquement, puisqu’il s’agit de l’ancien internat de l’Ecole Nationale des Greffes, et qu’il appartient au Ministère de la Justice. Il est occupé depuis le mardi 24 novembre par une vingtaine de personnes..

Ce jeudi 26, une manif organisée en soutien aux demandeurs et demandeuses d’asile s’est terminée sur les lieux occupés. Environ 150 personnes étaient présentes, migrant-es et soutiens confondus. À notre arrivée, l’occupation qui se déroulait clandestinement depuis 2 jours a été rendue publique, une banderole a été déployée sur la façade du bâtiment, clamant « Un toit pour tous et toutes. Solidarité avec les migrant-es ».
Le directeur de l’Ecole ne le prend pas sur le même ton enjoué, en voyant arriver une foule hétéroclite et ravie, qui, sur fond d’une sono poussive scandant des chants qui évoquent la situation des migrant-es en fRance (et ailleurs), visite et s’enthousiasme des capacités d’accueil du lieu. Les migrant-es téléphonent à leurs ami-es pour les inviter à les rejoindre. C’est l’effervescence à tous les étages, très vite les 50 chambres sont occupées.

Le directeur nous rencontre pour nous expliquer qu’une décision par rapport à cette occupation n’est pas de son ressort et qu’il va en informer sa hiérarchie, le ministère de la justice lui-même. C’est nous faire trop d’honneur. De notre côté, nous lui expliquons que les personnes occupant le lieu y étant depuis plus de 48 heures, ce lieu est devenu désormais leur domicile, qu’il ne peut donc plus agir autrement qu’avec une procédure au tribunal…
D’ici à ce qu’il reçoive ses ordres de sa hiérarchie, et pour être sûr que nous ne pénétrions pas plus avant dans l’enceinte de l’école, il fait venir une patrouille de flics, qui nous chaperonneront toute la nuit, allant jusqu’à interdire le passage aux stagiaires et autres personnels du ministère de la justice domicilié-es sur place et refusant de montrer leurs papiers pour rentrer chez elleux (ce qui fera repartir certains « fonctionnaire de justice » en criant « À bas l’État policier »…). Les flics continuent d’ailleurs leur manège le matin et refoulent les stagiaires qui amènent leurs enfants à la crèche interne voisine, obligés de passer par une autre entrée. En attendant, la nuit s’avance, une gamelle de pâtes apparaît miraculeusement, accompagnée de thermos de thé, de matelas et de couvertures. Les gens commencent à s’installer pour une nuit dont on espère qu’elle ne sera pas trop courte, et l’on aspire à ce que les pandores ne débarquent pas à six heures du matin pour expulser tout ce beau monde.

C’est la naissance d’un troisième lieu d’accueil pour les migrant-es à Dijon, qui s’ajoute à la Boucherie rue Bertillon et à une maison sur Chenôve, en attendant que les demandes de papiers prennent moins de temps et que chacun-e puisse vivre en fRance comme ille l’entend ; en attendant qu’il n’y ait plus ni frontières, ni papiers.

Brassicanigra, 27 janvier 2012

 

[Roissy] Résistance des passagers d’un vol à une expulsion

Une journée banale sous le ministère de Claude Guéant

Paris, aéroport Charles-de-Gaulle. Une « reconduite aux frontières » comme beaucoup d’autres. À l’arrière de l’avion, un homme menotté crie et se débat. Au silence et à la honte des passagers succède leur révolte. Résistance interdite, répliquent les CRS, qui traquent dans l’avion ceux qui ont osé se lever et prendre la parole. Derrière les chiffres proclamés par le ministère de l’Intérieur, la réalité.

Ce 20 janvier, le décollage est prévu à 10 h 30 depuis l’aéroport Charles-de-Gaulle. À l’embarquement, le personnel de bord est fort prévenant et ne signale aucune particularité sur le vol. À l’arrière de l’avion, pourtant, un homme hurle. « Laisse-moi, je veux descendre ! J’ai pas volé, j’ai pas tué, moi je suis pas esclave. » Il est entouré par quatre hommes et une femme, dont les brassards indiquent « police aux frontières ». « Je veux partir pour moi-même, je veux emmener le mot liberté avec moi. » En réponse à ses cris, il y a d’abord le silence des passagers. Et un terrible sentiment d’impuissance et de honte.

« Je n’aime pas non plus assister à ça, dit un steward. Mais on n’a pas le droit de s’en mêler. Mieux vaut peut-être pour lui qu’il soit là que dans un charter. Ici, au moins, on est là, on voit leurs pratiques, et on est avec lui. » Prière donc aux passagers de se montrer sourds, muets et consentants. Mais l’avion a du retard, et l’homme, malgré le tranquillisant injecté dans son bras, se débat toujours autant. Dans sa bouche, les mêmes mots reviennent en boucle. « Ne vous inquiétez pas, ça va finir par se calmer », assure le steward. En fond sonore, la voix du personnel : « Nous sommes heureux de vous accueillir sur ce vol Air France à destination de Conakry. »

L’heure tourne, les visages se crispent, l’indignation marque les regards. Soudain, un homme se lève : « Je n’ai aucune envie de voyager dans ces conditions-là. » Malgré l’appel au calme immédiat lancé par le personnel de bord, d’autres passagers se lèvent à leur tour. « C’est vrai, on ne peut pas accepter ça, c’est pas normal. » La peur recule à mesure que de plus en plus de passagers se lèvent et appellent à rester debout. « Si cet avion partait pour les États-Unis, vous imposeriez ça aux passagers ?, s’insurge un autre homme. C’est parce que l’on part en Afrique ? » « Pourquoi l’attacher comme un chien ? Qu’est-ce qu’il a fait ? »

« Entrave à la circulation d’un aéronef et rébellion »

L’homme menotté, voyant les gens se lever, se met à taper encore plus fort avec ses pieds. La panique gagne à bord. L’avion, lui, commence à partir. « Arrêtez l’avion », hurlent les gens. Les enfants pleurent, des passagers cognent contre les coffres à bagages. « Je vous garantis qu’il va se calmer », répond l’agent de la PAF. En fond sonore, la voix du commandant de bord : « C’est la dernière chance que je vous donne pour que l’avion puisse partir, restez tranquilles à vos sièges. » Agents de police et passagers filment tour à tour la scène. Des passagers exigent de parler au commandant de bord, la sécurité à bord n’étant pas respectée. La sanction tombe finalement à 12 h 30, deux heures après l’embarquement : « À cause du comportement de la majorité des personnes qui sont à bord, le vol est annulé. »

« Ça veut dire qu’il n’y a personne qui va partir, vous êtes contents ? », lâche le gars de la PAF. « Et vous, là, vous allez descendre avec nous », en pointant ceux qui ont désapprouvé haut et fort la scène dont ils étaient témoins. L’appareil est renvoyé au parking. En bas de l’avion, une fourgonnette arrive dont descendent une quinzaine de CRS. Une fois l’expulsé débarqué, la stratégie d’intimidation se met en place. Un homme de la PAF passe dans les rangées, pointe par les numéros de siège les personnes qui ont exprimé verbalement leur indignation. « Nous avons le n° 38. Madame, prenez vos affaires et descendez s’il vous plaît. » Les gens cachent leur visage par peur d’être reconnus, certains revêtent leurs lunettes de soleil. « On vous cherchait monsieur, vous vous cachiez ou quoi ? » Et l’inspection se poursuit.

Avec ceux qui refusent de descendre, la seule méthode employée est celle de la violence. Dans les travées de l’avion surgissent des CRS casqués, matraque et bouclier à la main, défilant en file indienne. Ils viennent chercher un passager de force, accroché à son siège. Au total, huit passagers sont débarqués, poursuivis pour entrave à la circulation d’un aéronef et rébellion. Le personnel est sollicité par la police pour connaître les noms de ceux qui ont été débarqués. Ils seront finalement relâchés trois heures plus tard, sans avoir écopé d’amende. En attendant les bus ramenant les passagers au terminal, un homme témoigne : « Ces expulsions sont monnaie courante sur les vols en direction de l’Afrique. Ce qui a fait réagir les gens, c’est lorsque l’homme a parlé d’esclavage. Voir quatre type blancs menotter un gars dans l’avion et l’expulser, ça évoque tout de suite la traite négrière. On n’a pas oublié le discours de Dakar de monsieur Sarkozy. »

Basta mag, Sophie Chapelle, 27 janvier 2012