Archives de catégorie : Répression

[Big Brother sur le web] Projet de Loi de programmation militaire : l’article 13 adopté par le Sénat

NdPN : Beaucoup de voix s’étaient levées pour dénoncer Prism et l’interception des communications téléphoniques et internet par la NSA, l’agence de renseignements américaine. Or la France vient d’exploser, d’un point de vue légal (ou a-légal) les dernières limites juridiques concernant la surveillance des données privées internet, avec l’adoption de l’article 13 du projet de LPM. Cet article, jugé comme gravissime voire dictatorial par d’innombrables collectifs de défense des libertés numériques, et qui avait été adopté par l’assemblée nationale, a finalement été adopté le 10 décembre par le sénat. Pour en savoir plus dans les détails, lire aussi cet article.

Données collectées en temps réel sans juge : tout savoir sur l’article 13

Ce mardi soir, sauf prise de conscience de dernière minute, le Sénat devrait adopter sans en modifier une virgule l’article 13 de la loi de programmation militaire, qui organise la possibilité d’une collecte de données en temps réel par l’Etat chez les FAI et les hébergeurs. Numerama fait le point sur le contenu de cet article très polémique, dont le seul garde-fou semble très insuffisant.

Mise à jour : le texte a été adopté par le Sénat.

Sauf improbable surprise, malgré l’opposition tardive mais massive à l’article 13 du projet de loi de programmation militaire (LPM), le Sénat devrait confirmer ce mardi soir l’adoption du dispositif de collecte en temps réel de données sur les réseaux des opérateurs télécoms, tel que l’a rédigé l’Assemblée Nationale. L’objectif est de voter le texte conforme pour éviter une seconde lecture, qui fragiliserait les chances d’adoption.

Très controversé, et pour cause, l’article 13 de la LPM soumis au Sénat donne à des agents de Bercy, du ministère de la Défense, et du ministère de l’Intérieur, le droit de procéder au « recueil, auprès des opérateurs de communications électroniques et des (hébergeurs et éditeurs), des informations ou documents traités ou conservés par leurs réseaux ou services de communications électroniques« . Il ajoute que ces données, qui ne sont pas définies limitativement, peuvent être « recueilli(e)s sur sollicitation du réseau et transmis(es) en temps réel par les opérateurs« , ce qui laisse ouverte la possibilité de l’installation de sondes sur les réseaux (questionné sur ce point à l’Assemblée Nationale, le Gouvernement n’avait pas voulu préciser ce qu’était la « sollicitation du réseau »).

Cette faculté est applicable dans le cadre des interceptions de sécurité, donc « à titre exceptionnel » (ce qui ne veut pas dire grand chose), lorsqu’il s’agit de rechercher « des renseignements intéressant la sécurité nationale, la sauvegarde des éléments essentiels du potentiel scientifique et économique de la France, ou la prévention du terrorisme, de la criminalité et de la délinquance organisées et de la reconstitution ou du maintien de groupements dissous ». Une liste sujette à interprétation, qui ne limite pas non plus la recherche à des personnes ciblées. Il peut s’agir de rechercher des personnes en surveillant massivement un type d’informations ou de communications.

C’est une « personnalité qualifiée » auprès du Premier ministre qui autorise au cas par cas ces collectes de données. En théorie, c’est la Commission Nationale de Contrôle des Interceptions de Sécurité (CNCIS) qui nomme cette personnalité. Mais elle la choisit parmi une liste de noms soumis… par le Premier ministre. De quoi éviter toute indépendance.

La CNCIS et ses trois membres, seul garants de la légalité

Lorsque les données sont collectées en temps réel, le Premier ministre doit signer son autorisation, pour une période de 30 jours renouvelable indéfiniment. Cette autorisation est transmise après coup (au maximum 48 heures après) au seul président de la CNCIS, qui doit juger souverainement de la légalité de la collecte. Avec quelle indépendance ? La loi affirme que la CNCIS est indépendante, mais elle ajoute immédiatement que son président est désigné par le Président de la République, sur propositions du Conseil d’Etat et de la Cour de Cassation. Sa composition est par ailleurs exclusivement politique, puisqu’outre le président, elle ne se compose que d’un député et d’un sénateur, désignés par les présidents des deux chambres.

De plus, c’est seulement « si celui-ci (le président de la CNCIS) estime que la légalité de cette autorisation n’est pas certaine (qu’il) réunit la commission, qui statue dans les sept jours suivant la réception par son président de la communication mentionnée au deuxième alinéa« .

Au total, la collecte illégale peut donc se poursuivre jusqu’à 9 jours, sans que le texte impose de détruire les données illégalement collectées, et sans que quiconque vérifie le bienfondé des décisions prises par la CNCIS, qui ne font bien sûr pas l’objet de la moindre publication. Il est uniquement demandé qu’il soit « mis fin » à la collecte illicite, lorsque les trois membres de la CNCIS l’ordonnent.

Vu sur Numerama, 10 décembre 2013

Prostitution : un texte critique du projet de loi

Pénalisons les yeux fermés
In Le Monde libertaire # 1725 du 12 au 18 décembre 2013

SANS TROP DE SURPRISE, le 4 décembre, les députés ont adopté en première lecture le projet de loi visant à lutter contre la prostitution en France en pénalisant les clients. J’entends déjà la voix plaintive de certains lecteurs s’élever :

«Encore un article sur le sujet ! » Désolée si vous pensez que ceci ne vous intéresse pas mais les conséquences de cette loi vont toucher quelques centaines de milliers de personnes, principalement des femmes. En France, le nombre de prostituées est évalué entre 20000 et 40000 mais ce chiffre est contestable : en Allemagne il s’élève à 400000. Il est difficile d’imaginer un tel écart entre les deux pays. Les chiffres officiels français sont estimés à partir du nombre d’interpellations pour racolage et de victimes identifiées dans les affaires de proxénétisme. Ils intègrent une évaluation du nombre de prostituées passant leurs annonces sur Internet. Mais celle-ci est, de l’avis même des services de police, peu fiable, car cette activité, cachée et mobile, est très difficile à quantifier. Quelque 10000 annonces différentes ont été comptabilisées sur une journée.

La loi a été votée à l’Assemblée sans tenir compte des sonnettes d’alarme tirées par diverses associations de santé ou de terrain. Le vendredi 29 novembre, le jour où la loi a été débattue, l’hémicycle était presque désert.

Autant pour le débat. Plus de 200 signataires du manifeste contre la pénalisation ont été simplement ignorés, dont Médecins du monde, la Ligue des droits de l’homme ou encore le Planning familial. Pire, certains n’ont pas hésité à les taxer de prostitueurs, de proxénètes.

Quand certains députés, sceptiques, ont osé émettre des doutes sur l’intentionnalité de la loi et ses risques éventuels, on les a accusés de voter avec leur «calbute». Cette délicatesse vient du socialiste Jean-Marc Germain qui a sans honte fait un parallèle entre ses collègues non-abolitionnistes et les signataires du torchon Touche pas à ma pute, pétition signée par 343 salauds.

De nombreux députés étaient absents ou se sont abstenus. La mobilisation a été importante au groupe socialiste : 238 députés sur 292 ont soutenu le texte. En revanche, alors que le groupe avait dans un premier temps annoncé une abstention, l ’UMP a massivement voté contre avec 101 députés. Seuls dix députés UMP ont voté pour, dont l’un des principaux promoteurs du texte, Guy Geoffroy et la candidate à la mairie de Paris Nathalie Koscuisko-Morizet. Ce qui dérange les députés UMP, c’est avant tout l’abolition du délit de racolage institué par Nicolas Sarkozy ainsi que la proposition d’un titre de séjour temporaire de six mois pour les prostituées étrangères. L’UDI a aussi voté majoritairement contre, de même que les écologistes. La députée Europe Écologie-Les Verts Barbara Pompili s’est exprimée au moment du vote, déclarant qu’elle se refusait à soutenir ce texte d’une « logique répressive ». Avant d’entrer en vigueur, le texte devra être approuvé par le Sénat qui devrait l’examiner avant fin juin.

Il n’aura échappé à personne, que, là encore, les principales concernées par cette loi sont des femmes étrangères. Personne ne peut sérieusement penser que le gouvernement va régulariser quelque 20000 prostituées étrangères.

Que dire de cette phrase prononcée par Maud Olivier, nouvelle héroïne du féminisme :
« Je pense que notre future législation aidera à lutter contre l’immigration clandestine, dès lors qu’elle découragera les réseaux de traite aux fins d’exploitation sexuelle d’amener des jeunes femmes sur le territoire français. » Le féminisme institutionnel a donné toute sa place et, mieux, son soutien à une loi qui ne vise pas à protéger les prostituées mais masque en partie la politique en matière d’immigration du gouvernement français.

On ne peut certes pas accuser tous les défenseurs de ce texte de vouloir du mal aux prostituées mais, sous prétexte de faire une loi de principe, au nom de hautes et nobles valeurs, ils n’hésitent pas à sacrifier toute une frange de la population déjà faible et isolée.

Uniquement portée par une idéologie simpliste dictée parfois par une visée moraliste, cette loi est un net retour en arrière. « D’un côté, les femmes dignes et mariées et de l’autre les putes, êtres immondes privés de toute raison. Voilà une gauche moralisatrice qui, quand on remue leurs idées, se révèlent conservatrice et réactionnaire », note très justement le journaliste Robin Carel.

Outre l’incohérence manifeste de la loi, qui considère la prostitution comme une violence, comme un viol, mais qui ne punirait ce viol que d’une amende (?!?), elle laisse un goût amer aux putes qui, poussées vers la clandestinité, connaîtront des conditions d’exercice (encore plus) déplorables et dangereuses. Une amende pouvant aller jusqu’à 1500 euros sera infligée au client s’il est pris en flagrant délit.

La seule manière pour les prostituées de continuer leur activité sera donc de se cacher, aux dépends de leur sécurité. Plus que jamais isolées, les prostituées devront revoir à la baisse leurs prétentions sanitaires car, avec moins de clients, il leur sera difficile voire impossible de pouvoir faire le tri entre ceux-ci. De plus, les clients vont se faire tellement discrets qu’ils vont veiller à ne donner aucun nom, adresse ou numéro de téléphone. En cas de violences  ou de viol, les prostituées seront dans l’incapacité totale de porter plainte contre un agresseur non-identifié. Quant au montant de l’allocation de sortie de la prostitution, versée pendant quelques mois seulement, il est si ridiculement faible qu’il est insultant… Un climat plus putophobe que jamais et une position plus précaire et dangereuse, voici ce qui a été voté à l’Assemblée1. Nul doute pourtant que les associations féministes abolitionnistes sont en train de célébrer entre elles leur petite victoire de principe. Ces associations pourront se gargariser dans les séminaires et soliloquer que la France ne tolère plus la vente de sexe.

Associations et politiques ont fait ce qu’ils savent le mieux faire: expliquer à la place des concernées qu’elles ne savent pas vraiment ce qu’elles disent dans la mesure où les violences les ont rendus incapables de formuler un consentement éclairé. Le système patriarcal n’a jamais procédé autrement: affirmer que la parole des femmes doit être tenue comme négligeable car les femmes ne savent pas vraiment ce qu’elles disent.

Marie Joffrin Groupe Louise-Michel de la Fédération anarchiste

1. Voir l’article «Ne nous trompons pas de combat» de Marine, Le Monde libertaire n° 1721, pages 20-21.

Vu sur le forum anarchiste, 11 décembre 2013, et à paraître dans Le Monde Libertaire.

[Arabie Saoudite] Projet totalitaire de fichage génétique de la population

NdPN : Big Brother, petit joueur ! En collaboration avec des chercheurs américains, des chercheurs saoudiens, soutenus par leur Etat théocratique ultra-autoritaire, ont déclaré aujourd’hui lancer un programme de recherche génétique sur 5 ans, visant à trouver un « génome saoudien » [sic]. Et pourquoi pas bientôt le génome zimbabwéen, monégasque ou franchouillard ? Ce projet « scientifique », en réalité policier, aux relents de totalitarisme décomplexé, se donne le prétexte bidon de mieux étudier la santé des habitant.e.s du pays, pour comprendre les « maladies graves » qui les touchent parfois… alors que la maladie grave qui pend au nez des habitant.e.s, c’est plutôt cette nouvelle avancée du biopouvoir d’Etat, qui consistera sans doute en un fichage génétique généralisé de la population, à des fins de contrôle social et de répression. Exit donc, l’hypocrisie des questions de « sécurité » (prétexte pour les Etats dits « démocratiques » comme la France au fichage massif des « délinquants » présumés passant en garde à vue)… Plutôt que de cracher sur leurs cotons-tiges, crachons à la gueule de ces pouvoirs qui voudraient contrôler jusqu’à nos cellules et continuons à désobéir au fichage ADN !

Lancement d’un projet de génome saoudien

Des chercheurs saoudiens ont lancé, en collaboration avec un institut américain, un projet visant à séquencer le génome de la population saoudienne pour mieux identifier les causes de maladies graves répandues dans le royaume.

« Le programme vise à identifier les causes de maladies graves répandues en Arabie saoudite », a souligné le prince Moqran ben Abdel Aziz, deuxième vice-Premier ministre, en inaugurant dimanche le centre de recherches.

Ce centre est localisé à la Cité roi Abdel Aziz pour les sciences et la technologie (KACST) et le programme sera mené en collaboration avec Life Technologies Corporation, un institut américain.

Le programme consistera à établir en cinq ans la carte génétique des Saoudiens pour mieux identifier les gênes des maladies ordinaires et ceux associés à la population saoudienne.

« Nous pensons que le programme va aider à comprendre la santé et les maladies et marquera le début d’une ère de soins personnalisés dans le royaume d’Arabie saoudite », a souligné lors de l’inauguration Mohammed Souil, président de KACST.

Ce centre a annoncé dimanche avoir déchiffré, en collaboration avec des scientifiques chinois, le génome du palmier dattier, ce qui devrait permettre d’augmenter la production et de lutter contre des maladies frappant cet arbre très cultivé en Arabie saoudite.

En 2010, le même institut avait annoncé avoir réussi, déjà en collaboration avec des scientifiques chinois, à déchiffrer le génome du dromadaire.

En novembre 2012, des scientifiques australiens et saoudiens ont lancé un projet pour séquencer le génome de plusieurs espèces de corail dans le Pacifique et en mer Rouge dans l’espoir de déterminer comment remédier à leur extrême vulnérabilité au réchauffement climatique.

AFP, 9 décembre 2013

[Poitiers] 2 tagueurs arrêtés

NdPN : messages et images du pouvoir capitaliste et politicien prolifèrent à Poitiers comme ailleurs, sous la forme de publicités sous verre securit, d’enseignes ou de décos minables, dont il serait inutile de rappeler ici une liste exhaustive des postulats (représentativisme, « culture » aux ordres, sexisme, productivisme, consommation du néant, éloge de la misère psychique et sociale généralisée…). Par contre, les services de la mairie (qui ne permet même pas en centre-ville les fameux « panneaux d’affichage libre ») nettoient et karchérisent à tour de bras les tags, les autocollants et autres messages spontanés des habitant.e.s. Et les flics arrêtent les importuns qui poseraient leur prose sur des supports « interdits » (c’est-à-dire la totalité de l’espace, à l’exception de quelques rares murs bordant des voies automobiles censés montrer que la municipalité est quand même super branchée « street culture »). De social, l’espace doit devenir toujours plus « privé » (c’est-à-dire marchandisé), ou « public », c’est-à-dire sous contrôle d’autorités politiciennes représentatives qui ne représentent qu’elles-mêmes. Dans un tel contexte, tout ce qui déborde du cadre autoritaire-marchand doit être canalisé ou réprimé. Nouvelle illustration avec ces deux dernières arrestations de tagueurs. Continuons à lutter pour nous réapproprier l’espace et la liberté d’expression hors des clous étouffants du pouvoir et du fric !

Deux tagueurs interpellés par la police

Les patrouilles de police ont fait coup double à quelques heures d’intervalle en mettant la main sur les auteurs présumés de plusieurs centaines de tags et de graffs à Poitiers. La première interpellation a eu lieu vendredi, vers 20 h 30, à l’occasion d’un simple contrôle. Le tagueur, âgé de 18 ans, était occupé à dessiner sur un mur autorisé mais l’attention des policiers a été attirée par la signature de l’artiste, Zoo. Une signature bien connue, puisqu’on l’a retrouvée sur plus de 200 tags illégaux cette fois, ces mois derniers. Placé en garde à vue, le jeune homme a été remis en liberté dans l’attente de son procès. Les policiers vont désormais s’attacher à identifier et prévenir ses victimes.
Hier matin, à 6 h 40, une autre patrouille a surpris en flagrant délit, au niveau du Pont Neuf, un autre jeune tagueur connu sous la signature de Rack. Placé en garde à vue, il a reconnu être l’auteur de plusieurs tags sur des murs interdits.

Nouvelle République, 8 décembre 2013