Archives de catégorie : Éducation populaire

[Poitiers] Sur le « décrochage scolaire »

Rééducation réussie d'un élément en décrochage scolaire
Rééducation réussie d’un élément en décrochage scolaire

Aujourd’hui dans la NR, un article qui démontre à quel point l’école n’a plus pour ambition que de faire rentrer des individus dans le monde du travail aliéné, et qui ne déplore avec cynisme le « décrochage scolaire » que lorsqu’il conduit les individus concernés à ne pas s’insérer dans l’immonde du travail. Pas un mot sur l’émancipation personnelle, ni sur la culture comme processus collectif d’appropriation des savoir-faire et des connaissances.

Comment s’étonner après dudit « décrochage », malgré tous les « dispositifs » rassemblant leur cohorte de bureaucrates, de gratte-rapports bidons et de conseillers en management orientation ? Ce n’est pas en mettant toujours plus de pression et de quadrillage (jusque dans leur famille) à des enfants déjà mal à l’école, qu’on la leur fera aimer davantage !

Le problème de l’école du point de vue des enfants (bref du point de vue essentiel, qu’oublient si souvent les profs eux-mêmes, sans parler des technocrates de l’éducation nationale), c’est d’être enfermé-e-s huit heures par jours entre des murs, de subir un apprentissage pas toujours souhaité, sur des matières qui n’intéressent pas forcément, avec des évaluations qui hiérarchisent, dévalorisent, stigmatisent voire cassent à vie. C’est d’être transformé en pâte à modeler adaptable aux desiderata des adultes morts-vivants, produits d’un monde aliénant qu’on n’a pas choisi.

Si les individus pouvaient participer pleinement à l’apprentissage et à sa définition, selon leurs envies et leurs besoins individuellement et collectivement exprimés, on aurait sans doute moins de « décrochage ». L’histoire des écoles libertaires le démontre amplement… Mais pour cela, encore faudrait-il que l’école ne soit plus sous l’égide d’un Etat et d’un patronat tout-puissants, dont la seule ambition n’est que la sujétion et l’exploitation de tou-te-s !

Juanito, Pavillon Noir, 24 septembre 2013

Le cochon et le sanglier

Notes d’un naturaliste amateur : le cochon et le sanglier

Entre le cochon et le sanglier, il y a la différence, notamment, de l’état domestique à l’état sauvage.

Le cochon est un produit cultivé tandis que le sanglier pousse tout seul. Le cochon ne s’écarte guère de sa mangeoire, où il est assuré de trouver force bonnes épluchures, et le sanglier quête à travers les grands bois illuminés des couleurs automnales, car il est lyrique, les glands savoureux, les racines fraîches et les amanites sanglières qui sont, comme leur nom l’indique, un champignon réservé à son usage.

Le cochon a de la graisse, le sanglier du muscle. La peau du cochon est épaisse mais sensible; et celle du sanglier, hérissée de crins poussiéreux, certes, mais fort nobles, résiste à des horions extrêmement sévères, voire acérés si l’on ose dire.

Naturellement, le cochon mène une vie plus tranquille, dort sous un toit qui fuit le moins possible – car c’est un animal qui se vend régulièrement et une des nécessités du commerce est de présenter un produit de qualité constante, quasi normalisée – se lave parfois – il est moins sale qu’on veut le dire – et préside, lorsqu’il est vraiment devenu un très gros cochon, à des cérémonies païennes dénommées concours agricoles à l’issue desquelles après l’avoir embrassé, cajolé, décoré de la Légion d’honneur et proclamé très gros et très grand, on l’immole d’un tranchelard perfide et on te vous le débite au cours du jour.

Le sanglier finit parfois aussi misérablement sur un étal ; mais jusqu’à son heure ultime il résiste ; et il a souvent la joie posthume de se voir exposé, intact, avec tous ses poils, chez Chatriot ou en quelque autre lieu de luxe ; car le sanglier ne quitte guère l’empyrée. Jusqu’à son dernier jour, il lui reste la possibilité de se suicider en se lançant contre une automobile sur quelque autostrade et, si le coeur lui dit, il peut même choisir pour lieu de cette expérience un pont qui corsera son action sublime d’une belle noyade.

Enfin, le sanglier a une bonne réputation d’ours, c’est étrange mais c’est ainsi, et figure avantageusement au blason d’illustres familles, quand son reflet rose, le cochon, n’a guère le loisir que de décorer de son effigie la vitrine d’un charcutier aussi gras que lui-même.

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Boris Vian, Textes et chansons

Sur Bernard Friot

Faut-il frire Bernard Friot (et son salaire socialisé)?

A l’heure où le PS se propose de « réformer » les retraites, ou plutôt de les diminuer sous une forme ou une autre, plusieurs voix s’élèvent à gauche pour défendre « d’autres réformes, citoyennes, démocratique, etc. » L’une d’entre elle est celle de Bernard Friot. Un économiste et sociologue, enseignant à Paris X, proche du Front de Gauche. Mais que propose au juste cet universitaire altermondialiste ? Faut-il prendre pour argent comptant ce qu’il dit ? On va essayer de décrypter son projet de « salaire socialisé ».

Pourquoi parler de Friot en particulier ? A tantquil, on a rien de personnel contre lui. Mais il fallait bien commencer quelque part. Et puis les théorie loufoques de Friot sont bien significatives d’un argumentaire qui obtient aujourd’hui  de plus en plus d’échos dans l’extrême gauche, y compris libertaire :  une gestion alternative du capitalisme serait possible. Il suffirait ainsi de repeindre en rouge le salariat pour faire disparaitre l’exploitation qui va avec d’un bon coup de baguette magique (et citoyenne)… Allons donc voir ça de plus près.

 

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Tout commence bien : Friot fait une critique du discours patronal sur les retraites. Il explique que la hausse de la durée de travail et du départ à la retraite n’est pas inéluctable, ce avec quoi on ne peut qu’être d’accord…

Ensuite, il explique que les cotisations sociales font partie intégrante du salaire, ce qui est son point de départ.

Salaire indirect ou salaire socialisé ?

En effet, les cotisations salariales s’élèvent à 23% du salaire brut et alors que les cotisations patronales représentent environ 50% du salaire. Si elles ne vont pas directement dans la poche du salarié, elles font partie du salaire, elles financent indirectement une série de caisses. Si celles-ci n’existaient pas, ces dépenses coûteraient très cher au salarié : assurance maladie, chômage et retraites.

Par exemple, un smicard qui travaille à plein temps, va toucher 1 121,29€ net. Cela va représenter son salaire direct. Son patron va aussi payer 23% de cotisations salariales et entre 50% et 53% de cotisation patronales. En plus de son salaire direct de 1121,29€, il touche 257,80€ de cotisations salariales et 571,70€ de cotisations patronales, soit 829,60€ de salaire indirect. Il ne touchera pas cet argent directement, qui servira à payer des cotisations dans de diverses caisses d’assurances étatisées.

Ces cotisations payent l’assurance maladie, le chômage, et les retraites. Quand l’état ou le patronat réduisent le montant de ces allocations, de ces prestations ou augmentent la durée de cotisation, ils réduisent le salaire indirect ou salaire différé.

Là où on sera moins d’accord avec Friot est que celui-ci va parler de salaire « socialisé » pour qualifier ce système de cotisation. Socialisé voudrait dire, que ce salaire appartient à tous les salariés, et que tous décident démocratiquement de comment s’en servir.

Or, c’est loin d’être le cas. Le chômage, l’assurance maladie et surtout les retraites fonctionnent comme des caisses d’assurances. Une certaine cotisation (en trimestres, en heures de travail) ouvre droit à une indemnisation plus tard. Ces gigantesques caisses d’assurances sont gérées par l’état, les patrons et les syndicats représentatifs (qui n’ont qu’un tiers des voix), et si les partenaires ne tombent pas d’accord, c’est une loi qui tranche.

Ce mode de gestion est très loin d’être socialisé, mais plutôt étatisé. S’il suffisait à quelque chose d’être financé par des impôts et encadré par l’état pour être  « socialisé », les coups de matraques donnés par des flics à des ouvriers qui se font licencier seraient aussi du salaire « socialisé » redistribué généreusement par l’état.

 

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Une grande réforme magique

A partir de l’idée que les cotisations sociales représentent un salaire « socialisé », Friot développe un grand projet de réforme qui fusionnerait capitalisme et communisme, le tout sans violence.

L’idée de base est simple, peut-être un peu trop simple. Tout le monde touche un salaire, qui est indépendant du travail, grâce à une taxe à 100% sur le chiffre d’affaire des entreprises. L’état redistribue cette taxe sous forme de salaire socialisé et tout le monde devient en quelque sorte fonctionnaire avec 4 grades de rémunération correspondant aux diplômes, comme les grades A, B, et C de la fonction publique.

Des mesures fantaisistes voire étranges…

Tout d’abord, son projet présente des réelles incohérences qui rendent ce système au mieux fantaisiste, au pire illusoire. Parmi les incohérences les plus flagrantes :

– Dans son projet, les retraites n’existent pas et les retraités continuent de travailler, mais selon des modalités assez vagues on ne sait pas s’ils travaillent moins, s’ils s’arrêtent de travailler ou s’ils travaillent jusqu’à leur mort.

– Les bourgeois ne sont pas expropriés, ils sont encore à la tête de leur entreprise mais on ne sait pas trop ce qu’ils en font, on les voit mal attendre à se tourner les pouces sans essayer de s’attaquer au salariés.

– Les salaires sont sur une grille de 4 niveaux de 1500 euros à 6000 euros. Ils sont liés au niveau de diplôme. En gros, un prolo niveau bac ou moins, touche 1500 euros, un ou une fonctionnaire à Bac +3 touche 3000 euros, une titulaire de master 2 est à 4500 euros et un docteur ou universitaire touche 6000 euros et comme par hasard Friot est prof de fac. Du coup, dans ce système, il suffit d’avoir des diplômes pour gagner 3 ou 4 fois plus qu’un prolo de base, et en général les plus diplômés ne sont pas les fils de cantonniers ou les filles de mineurs, mais plutôt issus des couches supérieures les plus riches et diplômées.

Socialiser le salariat ou l’abolir ?

C’est tellement simple que ces réformes ne sont pas très loin du grand coup de baguette magique.

Ce projet réformiste présente les mêmes tares que tous les autres projets réformistes: Les patrons vont –il l’accepter comme ça ? Quel va être le rapport de force pour l’imposer ? On voit mal des élections mettre en place le projet « Friotiste »… Et en cas de révolution, ça serait bête de s’arrêter là…

Et oui, si ce projet se propose de changer radicalement le capitalisme, pour gérer le salariat, il ne prend pas en compte la dynamique même qui pourrait amener à ce changement : la révolution sociale.

Or pour nous, l’abolition du salariat, ce n’est pas juste une belle idée : c’est une arme contre les capitalistes. Si, dans la révolution sociale, nous organisons la société en dehors des rapports capitalistes d’échanges et d’exploitation, à quoi leur servira leur capital, leur or, argent ? En somme, abolir le salaire, instaurer la gratuité c’est agir contre le pouvoir que procure l’argent.

L’utopie bancale de Friot est une resucée de veilles recettes réformistes qui est mêlé à des mesures fantaisistes et incohérentes : ce n’est ni réaliste d’un point de vue capitaliste, ni une arme pour nous, dans cette crise. Aussi, ce qui nous étonne le plus dans ce projet est son relatif succès sur Internet mais aussi au travers d’une série de conférences.

Ce succès est le symptôme du fait qu’il n’y a plus que très peu de critique radicale dans le domaine de l’économie politique, qui soit accessible et audible, ce qui laisse le champ libre pour des hurluberlus dans le genre de Bernard Friot. C’est à nous de faire en sorte que les révolutionnaires soient audibles.

Pour ceux qui veulent voir par eux même ce que dit Friot, quelques articles :

http://www.reseau-salariat.info/5abf1bfb96df1682c10a0539ebb8e8b0

« Les retraités, modèles d’une nouvelle production de valeur économique« 

http://www.reseau-salariat.info/d6a9997d6ee5288692bd6f2071e6313e

capitaine-Haddock

Vu sur tanquil.net

[Poitiers] Lycée Auguste-Perret : contrat aidé… par un licenciement

Solidaire de leur collègue au lycée A.-Perret

Des personnels du lycée Auguste-Perret se sont réunis, mardi, à la suite du licenciement «  sec  » d’une de leurs collègues. Ils avaient envoyé la veille une lettre au Recteur « restée sans réponse à ce jour ». Dans un communiqué de presse, ils apportent leur soutien à leur collègue, « qui a assuré 6 ans de service contractuel apprécié dont 4 ans en qualité de personnel de gestion auprès du chef des travaux de l’établissement ».

« Remplacée par une personne en « contrat aidé », notre collègue vit, en ce moment, la plus grande précarité et beaucoup de solitude », commentent les rédacteurs. « Outre son statut initial déjà trop précaire, nous déplorons cette mise en touche, (…) qui aggrave sa situation et laisse un goût amer de non-reconnaissance aux services rendus […]. » Ils en appellent à « une politique sociale et professionnelle non discriminatoire ».

Nouvelle République, 19 septembre 2013

Le Monde Libertaire n° 1715 (du 19 au 25 septembre 2013)

NdPN : le ML hebdo n° 1715 sort aujourd’hui dans tous les bons kiosques. Bonne nouvelle, il repasse à 2 euros au lieu de 2,50. Trois articles sont d’ores et déjà en ligne sur le site du Monde Libertaire (voir les liens ci-dessous). Nous en déposerons un exemplaire en libre consultation, toujours au biblio-café de Poitiers (rue de la cathédrale). Bonne lecture !

Le Monde Libertaire n° 1715 (du 19 au 25 septembre 2013)

ML1715recto

«Ne pesez pas plus qu’une flamme et tout ira bien.» – Henri Michaux

Sommaire du Monde Libertaire n° 1715

Actualité

La Syrie non violente, par P.Sommermeyer, page 3

Rentrée sociale tiède, par R. Pino, page 5

Météo syndicale, par J.-P. Germain, page 6

Papiers et logement pour tous, par Jean-Sébastien, page 7

Arguments

De la culture du viol, par M. Joffrin, page 9

International

Nationalisme et anarchisme en Palestine, par J. Stephens, page 12

Tunisie : entretien avec Feminism Attack, par Chris et Nat, page 14

À la recherche d’un vieil Antonio (1), par G. Goutte, page 16

Histoire

Sieyès et l’anarchisme, par Erwan, page 19

Le mouvement

François Béranger, un cri libertaire, par A. Pavlowsky, page 21

Illustrations

Aurelio, Kalem, Krokaga, Manolo Prolo, Milan, Valère

Editorial du Monde Libertaire n° 1715

Une fois n’est pas coutume, cet édito ne parlera pas de problèmes de société ni même de politique à proprement parler. Pour une fois, nous allons parler de nous, les anarchistes, de nos accès de mélancolie et de notre « drapeau noir en berne sur l’espoir ». Combien de fois dans une vie militante se dit-on : «À quoi bon ? » Combien de fois nous sentons-nous découragés face à l’ampleur de la tâche devant nous, devant ceux qui nous combattent comme devant ceux qui s’en foutent ? Dans ces moments-là, il est tentant de baisser les bras et de se décharger sur les copains. Se réfugier derrière « d’autres le feront » revient à souscrire à la vieille croyance capitaliste du « nous sommes tous remplaçables ». Eh bien, non. Les débats que nous n’organiserons pas ne seront pas organisés. Les tracts que nous ne distribuerons pas ne seront pas distribués. Les livres que nous n’écrirons pas ne seront ni écrits, ni publiés, ni lus. Assez de jérémiades sur ce pauvre monde qui crève, si éloigné de notre idéal libertaire, et sur nous-mêmes, nos défauts, nos faiblesses. Prenons quelques instants pour faire le constat de notre impuissance actuelle vis-à-vis de certains événements : Syrie, mouvements sociaux tièdes… Ce constat douloureux nous est nécessaire. Associé à un retour sur les apprentissages de l’action passé, il sera moteur de l’action future. Si « la plus petite fortune, le plus mince établissement, la mise en place de la plus chétive industrie, exige un concours de travaux et de talents si divers, que le même homme n’y suffirait pas » (Pierre-Joseph Proudhon), notre intelligence collective se doit de s’ouvrir sur des apports nouveaux et extérieurs, tant du point de vue de la théorie que de la pratique, pour ne pas se scléroser davantage.