Archives de catégorie : Éducation populaire

Le Monde Libertaire Hors-série n°51 (septembre-octobre 2013)

NdPN : Le Monde libertaire Hors-série n°51, bimestriel de la Fédération anarchiste, adhérente à l’Internationale des fédérations anarchistes, sort en kiosques. 64 pages d’actualités en couleurs vues par les anarchistes pour 5 euros. Comme d’hab, un exemplaire sera laissé en libre consultation au biblio-café de Poitiers (rue de la Cathédrale). Vous pouvez aussi vous le procurer à prix libre en nous écrivant. Bonne lecture, et à bas le travail salarié !

Le Monde Libertaire Hors-série n°51 (septembre-octobre 2013)

Le Monde Libertaire Hors-série n°51

Sommaire

Dossier: le travail pour quoi faire ?

Le travail aujourd’hui: l’incertitude programmée, par Ramón Pino groupe Salvador Seguí, page 4

Le «fruit intégral de son travail», par Eric Vilain, page 10

«L’usine crève moi je suis en vie», propos recueillis par Fred groupe Saint-Ouen 93, page 16

Le rapport au travail dans l’Antiquité gréco-romaine, par Olivier Sartre CNT Vignoles, page 22

Vers l’abolition libérale du salariat, par Guillaume Goutte groupe Salvador Segui, page 26

Santé et travail, par Moriel, page 30

Le travail sur la bobine, page 32

Porfolio, page 36

Les maisons médicales belges autogérées, propos recueillis par Karine groupe Claaaaaash, page 42

Le mouvement Désobéissance, par Loran Groupe Béthune-Arras, page 47

Istanbul: en direct de la place Taksim, par Françoise et Joël, Maldoror, page 48

Lectures, page 50

Musiques: l’1consolable, propos recueillis par Karine groupe Claaaaaash, page 52

Programme de Radio Libertaire, page 60

Les 108 groupes et liaisons de la Fédération Anarchiste, page 61

Abonnements, page 64

Editorial du Monde Libertaire Hors-série n°51

C’est la rentrée. On reprend le boulot. On recommence à marner semaine après semaine pour gagner sa croûte, pour payer son toit, pour consommer. La rentrée, c’est aussi la rentrée sociale. Le sujet de cette rentrée sociale (comme des dernières) est la réforme des retraites. Sans entrer dans le détail, il va encore s’agir d’augmenter le temps de travail fourni au cours d’une vie. Fourni pour quoi ? Pour qui ? L’organisation du travail est constamment pensée et optimisée. Mais pas par ceux qui fournissent le travail ; et la variable qu’on cherche à optimiser n’est certainement pas l’émancipation du travailleur.

Les usines de construction automobile, dès les années 20, ont mis en application les théories sur la rationalisation du travail (Taylor, Ford). Taylor prônait de diviser le travail verticalement (les concepteurs en haut et les exécutants en bas) et horizontalement pour minimiser les doublons et les ambiguïtés. Ford a augmenté la division horizontale en parcellisant le travail. La productivité s’en est trouvée augmentée et les ouvriers un peu plus dépossédés de leur autonomie et de leur compétence. Le prix de revient, donc d’achat pour le consommateur, est amélioré au détriment de l’ouvrier.

Maintenant, dans tous les secteurs on déplore toujours plus les raisonnements gestionnaires menés par des décideurs qui ne connaissent pas le cœur de métier. L’individu est contrôlé à coup d’indicateurs, de mesures de performance. Les travailleurs sont pressurisés, sommés de cravacher mieux que le voisin, de turbiner plus rentable pour moins cher. Le travailleur est une ressource pillée comme les autres. Les travailleurs ne reconnaissent plus leur travail. En voyant les vagues de dépressions nerveuses voire de suicides au boulot, on se rappelle l’origine du mot « travail » (tripalium, un instrument de torture).

Encore cette année, un des orateurs de l’université d’été du MEDEF a été le commandant de la légion étrangère. Le discours des idéologues de l’entreprise ressasse un vocabulaire guerrier de conquête, de compétition. Et ils radotent que le coût du travail est trop élevé. Ils demandent toujours plus d’engagement de la part des salariés et revendiquent de pourvoir virer qui ils veulent sur un claquement de doigts, au nom de la compétitivité. Et ces parasites grignotent chaque année un peu plus ce qu’ils sont censés reverser à la collectivité. Et ceux qu’on désigne à longueur de bulletin d’information sont les chômeurs.

Dénoncer cette dichotomie entres possédants et exploités ne suffit pas. Aucun ponte, aussi puissant soit-il, ne serait capable d’asservir toute la main d’œuvre qu’il emploie sans le concours de la hiérarchie d’intermédiaires, de chefaillons ni des flics qui tabassent les ouvriers qui osent se révolter. Comme à chaque rentrée sociale, on va voir des travailleurs défiler derrière la sono qui hurle que « c’est pas à l’Élysée ni à Matignon qu’on obtiendra satisfaction », dans des manifs décidées par les partenaires sociaux (partenaires qui vont à Matignon et à l’Élysée, eux). C’est à se demander si c’est utile de s’accrocher à une usine de merde ; s’il ne vaudrait pas mieux faire crever tous ces lieux d’asservissement tant qu’on est encore en vie, envoyer bouler cette hiérarchie syndicale et productiviste.

Il paraît que, dans les années 30, Keynes avait prédit qu’à la fin du XXème siècle, les technologies seraient suffisamment avancées pour qu’on envisage ne travailler que 15 heures par semaine. On en est loin. Et pourtant… est-ce qu’on n’arriverait pas à vivre beaucoup mieux en travaillant beaucoup moins ? Pour ce numéro de rentrée, le Monde Libertaire Hors-Série s’est penché, dans son dossier principal, sur le thème du travail.

[Poitiers] Comment une loi divise plus que jamais les étudiants du travail social

NdPN : Hier vendredi, étudiant-e-s et formateurs-trices se sont rassemblé-e-s devant l’IRTS pour protester contre une loi en apparence sociale (tou-te-s les stagiaires doivent être rémunéré-e-s durant leurs stages), mais discriminatoire au sens où, compte tenu de l’obligation d’effectuer un stage, nombre d’étudiant-e-s sont menacé-e-s de ne plus pouvoir obtenir la validation de leur année. Evidemment, les institutions de l’Etat prétendent n’avoir pas assez de sous pour prendre à sa charge cette fameuse rémunération. Contraindre sans budgéter, discriminer de fait au nom de l’égalité sociale : voilà une belle illustration de la gauche  au pouvoir.

Voici un tract issu du collectif étudiant concernant la gratification des stagiaires. Il est suivi d’un article rédigé pour ce blog par une étudiante.  Lutte à suivre !

Appel à la mobilisation 

Nous venons à vous suite à la loi 2013-660 du 22 juillet 2013 : celle-ci stipule que tous les stages de deux mois ou plus doivent être rémunérés pour les stagiaires qui sont gratifiables. Le problème réside dans le fait que les institutions n’ont pas de ligne budgétaire pour cela. Il en résulte qu’actuellement les structures annulent les stages prévus les uns après les autres, dès lors que le stagiaire est gratifiable.
Jusque-là, les collectivités territoriales et la fonction publique hospitalière n’étaient pas obligées de gratifier les stagiaires. Mais depuis juillet, elles y sont aussi soumises.

Actuellement, à l’I.R.T.S. du Poitou-Charentes, 33 % des étudiants en formation d’Éducateurs de Jeunes Enfants sont concernés, dont 67 % en 1ère année.

MAIS tous les étudiants sont concernés, quel que soit le secteur d’activité.

Tous ceux qui devraient finir leur cursus cette année risquent de ne pas pouvoir être diplômés, faute d’avoir validé leurs heures de stage. Les autres risquent une impossibilité de poursuivre leur formation, faute de lieux d’accueil.

N’hésitez pas à inviter vos collègues de formation, vos connaissances et toute personne susceptible d’être concernée.

Vous pouvez aussi rejoindre le groupe « Collectif étudiant concernant la gratification des stagiaires » sur Facebook.

Poitiers, le 14 septembre 2013

***

Comment une loi divise plus que jamais les étudiants du travail social

Je souhaite éclaircir la situation aberrante qui frappe nombre d’étudiants travailleurs sociaux, de la formation professionnelle et de l’université. Ma position est celle d’une étudiante éducatrice de jeunes enfants, de l’Institut Régional du Travail Social de Poitiers.

Formateurs et nous, étudiants, avons reçu un coup de massue cette semaine. En effet, un appel téléphonique du C.H.U. a mis le feu aux poudres en annonçant le blocage d’un stage d’une étudiante éducatrice de jeunes enfants, prévu fin septembre en pédiatrie.

Réunis d’urgence le jeudi 12 septembre par l’équipe des formateurs, nous – étudiants de toutes les filières du social – avons appris les enjeux de la loi 2013-660 du 22 juillet 2013. Elle stipule que « lorsque la durée de stage au sein d’une même entreprise, administration publique, assemblée parlementaire, assemblée consultative, association ou au sein de tout autre organisme d’accueil est supérieure à deux mois consécutifs (…), le ou les stages font l’objet d’une gratification versée mensuellement 1»

À travers cet appel à la mobilisation, nous dénonçons cette loi « d’égalité des chances », aberrante dans son application. Elle oblige, à partir de janvier 2014, les structures publiques et privées à gratifier les étudiants stagiaires concernés (436,05 € par mois pour 35 heures hebdomadaires). Bien évidemment, les établissements n’ont pas le budget nécessaire.

Cette loi conduit donc à une discrimination entre les étudiants bénéficiant d’une rémunération de la part de Pôle Emploi ou de la région (les non-gratifiables),  et ceux qui n’y ont pas accès (les gratifiables). Ces derniers se voient déjà, comme en témoignent de nombreux étudiants à l’échelle nationale, renvoyés de leurs lieux de stages parce qu’ils sont gratifiables.

En tant que non-gratifiable, je me sens tout de même menacée par cette loi. Futurs travailleurs sociaux, nous connaissons déjà les contradictions entre les décisions institutionnelles et nos valeurs. Comment ne pas se sentir écartelés entre la volonté d’être solidaire avec nos camarades, et le désir de poursuivre coûte que coûte une formation dans laquelle nous avons investi une part considérable de nos temps, énergie et argent ? Comme le souligne Elsa Melon, présidente de l’Association Nationale des Assistants de Service Social : « la précarité des étudiants en travail social s’est déjà largement renforcée depuis ces dix dernières années. Inutile de rappeler que les formations se déroulent sur trois années complètes à temps plein (alternance de la formation pratique et théorique sur un total de 3530 heures), ce qui rend quasiment impossible le cumul d’une activité professionnelle complémentaire ».

Tenus en laisse par Pôle Emploi pour ainsi dire, nombre d’entre les non-gratifiables s’inquiètent sur l’impact d’une grève ou d’un blocage des stages. Pas de présence en formation, pas de rémunération. Et quelle rémunération ! Tout juste de quoi se nourrir, se loger et payer les frais de formation.

Nous nous sentons divisés face à une loi égalitariste qui met en péril nos formations. Inutile de préciser que les stages sont cruciaux dans la validation des diplômes d’état (éduc’ spécialisé, éduc’ de jeunes enfants, assistants de service social etc.).

Vendredi 13 septembre, une partie des étudiants de l’I.R.T.S. ont exprimé leur désarroi en cris, slogans et chants au sein de l’institut, réclamant ce en quoi la direction de l’I.R.T.S est responsable : l’accès aux stages pour chaque étudiant. Ce même jour, la direction de l’I.R.T.S. de Poitiers s’est engagée auprès de l’équipe des formateurs et des étudiants à informer tous les lieux de stage de la loi et ses effets. Elle s’est également engagée à interpeller la Direction Régionale de la Jeunesse, des Sports et de la Cohésion Sociale.

Sous le regard ébahi des formateurs et délégués des étudiants, la direction a annoncé avoir pris connaissance de cette loi en juin dernier. Les formateurs, chargés de la prospection des stages, ont été quant à eux informés fin août. Certains d’entre eux, comme dans d’autres régions, se sont positionnés pour un détournement de la loi. Autrement dit : ne pas informer le lieu de stage de son obligation de gratification. Or, une convention de stage peut être dénoncée et ne nous protège aucunement d’un renvoi pur et simple du stage.

À l’heure actuelle, nous nous mobilisons afin d’alerter le gouvernement sur cette situation qui met en péril l’avenir des professions du travail social. La responsable de la ludothèque des Couronneries nous a informés de la réunion d’urgence des responsables des lieux d’accueil Petite Enfance au Centre Communal d’Action Sociale de Poitiers, le lundi 16 septembre prochain. Nous attendons fébrilement la réaction de la D.R.J.S.C.S.

1Article L612-11 du Code de l’éducation, modifié par la loi n°2013-660 du 22 juillet 2013, article 27

[Notre histoire] Il y a 70 ans : Konstantinos Speras assassiné par des partisans communistes

Le 14 septembre 1943, assassinat de Konstantinos SPERAS par des partisans communistes.

Konstantinos Speras

Figure importante de l’anarcho-syndicalisme grec.

Fils d’un marin, il est né en 1893 sur l’île de Serifos. Orphelin il sera adopté par Theofilos Speras. A 14 ans    (1907) il est à Alexandrie (Egypte) et étudie à l’Ecole française des Frères. C’est en Egypte, où il commence à travailler dans le tabac qu’il entre en contact avec les anarchistes, principalement des immigrants italiens et grecs.

De retour en Grèce, il commence à militer, et est en mars 1910 un des fondateurs du « Centre des travailleurs d’Athènes », il est ensuite menbre du « Centre Socialiste d’Athènes ». En mars 1914, à Kavala, il prend part à la grève des travailleurs du tabac, durant laquelle il est arrêté et emprisonné. En 1916 de retour à Serifos, il y crée  un Syndicat  des mineurs dont il prend la tête. Devant l’intransigeance patronale face aux revendications des mineurs une  grève éclate en août 1916, mais celle-ci est réprimée dans le sang. Le 21 août, les affrontements entre mineurs et la troupe feront huit morts (dont quatre mineurs) et une douzaine de blessés. Speras est arrêté et emprisonné avec d’autres  grévistes. Durant son séjour à la prison de Syros, puis en Crète (où il est transféré en 1917), il fera un récit de ces événements qui sera publié en 1919 : « La Grève de Serifos ».

En août 1918, à Ermoupoli, sur l’île de Syros, il prendra part à la création de la « Société du Travail Educatif »   qui publiera le journal « Ergatis » (Travailleur) organe du Centre ouvrier des Cyclades.

Il participe,  en tant que membre du Comité de supervision, à la création de la « Confédération Générale du Travail Grec » (GSEE)     qui tient son 1er Congrès les 21-28 octobre 1918.  Représentant la tendance anarcho-syndicaliste et antiparlementariste, il va rapidement se heurter à la tendance socialiste réformiste et politicienne du Parti socialiste (SEKE) qui est créée un mois plus tard, et dont il fera parti, avec les autres anarcho-syndicalistes,  avant d’en être  expulsé en avril 1920.

Le 17 mai 1920, Speras   est de nouveau arrêté et emprisonné.

Début octobre 1920, il assiste au 2ème Congrès syndical de la « GSEE », Il s’y  prononce   contre l’adhésion à la 3ème Internationale (ce que les communistes ne lui pardonneront pas) et pour plus de démocratie directe. En 1921, il est élu secrétaire de la Fédération des Travailleurs du Tabac, il crée également le groupe « Nea Zoi » (Nouvelle Vie) qui publiera à partir de mars 1921 un journal du même nom et qui donnera naissance durant l’hiver 1922 à un parti d’extrême-gauche « Le Parti Indépendant des Travailleurs »(AEK).

En novembre 1921, suite à la grève des travailleurs du Tramway, Speras est encore emprisonné.

Le 28 mars 1926, lors du 3ème Congrès de la GSEE,  sous la pression des communistes (qui se déchaînent contre lui jusqu’à l’empêcher de trouver du travail), Speras est exclu du syndicat.  Il travaillera à partir de 1930  dans la compagnie des chemins de fer d’Athènes, où  il prendra  part à des mouvements de grèves.

Il sera emprisonné ou exilé plus d’une centaine de fois durant sa vie : la dernière fois dans la prison de l’île de Skopelos, durant de la dictature Metaxás (1936-1941),   où  il échappera de peu à la mort. Durant l’occupation  de la Grèce, il vivait avec sa famille à Metaxourgio. Le 14 septembre 1943, des partisans de la guerilla   communiste viendront l’arrêter. Ils le décapiteront peu après  et feront disparaître son corps.

Vu sur Ephémérides Anarchistes

Le Monde Libertaire n° 1714 (du 12 au 18 septembre 2013)

NdPN : c’est la rentrée du Monde Libertaire hebdomadaire, disponible dès aujourd’hui dans tous les bons kiosques. Nous en déposerons bientôt un exemplaire en libre consultation au Biblio-café (rue de la Cathédrale à Poitiers). Et pour ne pas déroger aux bonnes habitudes, trois articles sont d’ores et déjà disponibles, en lecture libre, sur le site du ML (voir les liens directs ci-dessous). Bonne lecture.

Le Monde Libertaire n° 1714 (du 12 au 18 septembre 2013)

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«Il n’y a pas de honte à préférer le bonheur.» – Albert Camus

Sommaire du Monde Libertaire n° 1714

Actualité

Retraites : pas de résignation, par Fabrice, page 3

Toujours tout pour le patronat, par Fédération anarchiste, page 4

La presse libre renaît à Cuba, par D. Pinos, page 5

Météo syndicale, par J.-P. Germain, page 6

Des boulots bidons, par D. Graeber, page 7

Arguments

Le pouvoir disciplinaire au travail, par S. Neumayer, page 9

Plantes GM : le piège à cons, par M. Silberstein, page 12

Histoire

Syndicalistes et libertaires, par H. Lenoir, page 15

À lire

Des pirates et des bûchers, par A. Bernard, page 16

Entretien

Les Éditions libertaires vous parlent, par T. Guilabert, page 17

À voir

Exposition Chaissac-Dubuffet, par P. Salcedo, page 19

Le mouvement

Colloque : liberté et anarchie, par Daniel, page 21

Illustrations

Aurelio, FYD, Kalem, Krokaga, Lardon, Rouliès, Valère

Editorial du Monde Libertaire n° 1714

La rentrée sera-t-elle chaude en France ? On est plutôt dans le tiède ; la même question ne se pose pas pour la Syrie. Là-bas, c’est brûlant. Tant qu’il n’était fait usage que d’armes conventionnelles, les consciences occidentales se sont accommodées de la situation, mais si l’emploi d’armes chimiques par le régime de Bachar al-Assad contre sa population s’avère exact (en ces temps de manipulation de l’image, le doute est toujours permis), le risque d’intervention militaire des Occidentaux va se préciser. Sans les Britanniques (pour leur parlement c’est « no » au Premier ministre, Cameron), probablement avec les États-Unis (quand leur congrès aura approuvé la décision du président, Obama) et sûrement avec la France de François Hollande, encore ébloui de ses succès militaires au Mali et promu provisoirement « gendarme du monde » avant l’entrée en action des forces étasuniennes. Et, une nouvelle fois (comme en Irak, Libye, Égypte), se pose le dilemme : aider à abattre un dictateur sanguinaire ou ne rien faire qui puisse favoriser l’arrivée au pouvoir d’une coalition dont une des composantes se réclame d’un islamisme radical ? Qui va-t-on aider réellement dans cette coalition des rebelles ? Dans quelle union sacrée veut-on encore nous entraîner ? Et si l’on se réjouira tous de ce que l’infâme Al-Assad dégage, il est probable que son remplaçant nous fasse rire jaune. Et, au milieu, c’est toujours le peuple syrien qui en prendra plein le buffet. Pendant ce temps, les images de combats inondent nos écrans TV occultant ainsi tous nos « petits » problèmes hexagonaux : chômage, précarité, remise en cause ininterrompue des acquis sociaux, du Code du travail, du système de  retraite… N’oublions pas : ici comme ailleurs, aujourd’hui comme de tout temps, les bruits de bottes ont toujours servi à escamoter le problème social.

Jean de La Fontaine – Le Loup et le Chien

Le Loup et le Chien

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Un Loup n’avait que les os et la peau,

Tant les chiens faisaient bonne garde.

Ce Loup rencontre un Dogue aussi puissant que beau,

Gras, poli, qui s’était fourvoyé par mégarde.

L’attaquer, le mettre en quartiers,

Sire Loup l’eût fait volontiers ;

Mais il fallait livrer bataille,

Et le Mâtin était de taille

A se défendre hardiment.

Le Loup donc l’aborde humblement,

Entre en propos, et lui fait compliment

Sur son embonpoint, qu’il admire.

 » Il ne tiendra qu’à vous beau sire,

D’être aussi gras que moi, lui repartit le Chien.

Quittez les bois, vous ferez bien :

Vos pareils y sont misérables,

Cancres, haires, et pauvres diables,

Dont la condition est de mourir de faim.

Car quoi ? rien d’assuré : point de franche lippée :

Tout à la pointe de l’épée.

Suivez-moi : vous aurez un bien meilleur destin.  »

Le Loup reprit : « Que me faudra-t-il faire ?

– Presque rien, dit le Chien, donner la chasse aux gens

Portants bâtons, et mendiants ;

Flatter ceux du logis, à son Maître complaire :

Moyennant quoi votre salaire

Sera force reliefs de toutes les façons :

Os de poulets, os de pigeons,

Sans parler de mainte caresse.  »

Le Loup déjà se forge une félicité

Qui le fait pleurer de tendresse.

Chemin faisant, il vit le col du Chien pelé.

 » Qu’est-ce là ? lui dit-il. – Rien. – Quoi ? rien ? – Peu de chose.

– Mais encor ? – Le collier dont je suis attaché

De ce que vous voyez est peut-être la cause.

– Attaché ? dit le Loup : vous ne courez donc pas

Où vous voulez ? – Pas toujours ; mais qu’importe ?

– Il importe si bien, que de tous vos repas

Je ne veux en aucune sorte,

Et ne voudrais pas même à ce prix un trésor.  »

Cela dit, maître Loup s’enfuit, et court encor.

Jean de La Fontaine, Les Fables, Livre I