Archives de catégorie : Éducation populaire

La NR fait un papier sur Victor Barrucand

NdPN : incroyable mais vrai : la NR fait un papier sur le célèbre libertaire poitevin ! Certes, il a cessé d’être actif depuis longtemps – il est mort il y a 80 ans.

Il s’agit de Victor Barrucand.

Pour plus d’infos sur le personnage, voir aussi l’article sur le site des éphémérides anarchistes. Et surtout l’excellent site de Celine Keller, avec de nombreuses rubriques détaillant l’engagement et la créativité de Barrucand.

Victor Barrucand, voyageur libertaire

Il est né un 7 octobre 1864, au numéro 27 de la rue des Cordeliers, au cœur d’un Poitiers bourgeois et commerçant. Ses parents tiennent une boutique de chaussures, toute proche, rue Gambetta. Toute sa vie, Victor Barrucand n’aura de cesse de s’en éloigner tout en conservant pour sa ville natale une belle tendresse. « Beau pays d’où partait mon désir d’univers… » écrit-il en 1909 dans un poème. A la fin du XIXe siècle, il est à Paris, où comme beaucoup de jeunes gens épris d’idéal, il fait des vers… Son idéal à lui, c’est aussi l’anarchie. Ce Victor, outre de la poésie, fait de la politique et modélise même, en 1896, la théorie du « pain gratuit ». Il défend de nombreuses causes, indigné par le sort qui est fait au capitaine Dreyfus…

La musique et l’Algérie

Quelques années plus tard, toujours en quête d’ailleurs, le Poitevin quitte la France. Direction l’Algérie où il devient rédacteur en chef du quotidien « Les Nouvelles ». Il rachète aussi « L’Akhbar », premier journal bilingue du pays, qu’il dirigera jusqu’à sa mort, en 1934. De ce côté-ci de la Méditerranée, Barrucand se mue en « indigénophile » et défend l’extension des droits politiques des musulmans. Curieux de tout, il se fait aussi découvreur de talents. Il s’attache les services d’une certaine Isabelle Eberhardt, dont la vie, les reportages et les nouvelles feront le tour du monde. Dans les années 1920, Victor Barrucand est un homme installé et respecté pour ses qualités de chroniqueur littéraire et musical. Soixante-dix ans après sa mort, notre homme connaît un regain d’intérêt. L’un de ses romans, « Avec le Feu », critique au vitriol de la Belle Epoque, a été réédité récemment par les éditions Phébus.

Jean-Michel Gouin, Nouvelle République, 14 août 2013

Pas demain, aujourd’hui ! – Les exigences d’un Albert Libertad

Pas demain, aujourd’hui ! – Les exigences d’un Albert Libertad

Pourquoi l’anarchiste Albert Libertad a-t-il toujours été traîné dans la boue, de son vivant comme par la suite ; pourquoi a-t-il attiré autant de haine et de mépris, y compris de la part de libertaires et d’autres révolutionnaires ? Pourquoi tant d’historiens du mouvement anarchiste ont-ils tenté de le virer de leurs récits, de le réduire à un agitateur pittoresque, voire à un provocateur, ne comprenant pas trop de quoi il parlait ? Les réponses à ces questions sont à la portée de quiconque veut prendre la peine de se plonger un peu dans sa vie, ses activités et ses écrits.

Libertad était de ces anarchistes qui n’économisaient pas leurs flèches. Il ne visait pas seulement les maîtres, mais pointait aussi la résignation des esclaves, la soumission du prolétariat, et les faux critiques qui prêchent la Révolution de demain en échange de l’attente et de l’acceptation de la misère d’aujourd’hui. Il était un caillou dans les chaussures des juges et des riches, contre lesquels il fulminait sans merci, mais aussi des foules qui ont une fâcheuse tendance à toujours suivre. Tirer sur les bergers ne l’empêchait pas de jeter à la face du troupeau la responsabilité de l’existence moutonnière.

Rien d’étonnant à ce que ce miteux vagabond de Libertad, arrivé à Paris sur ses béquilles, se fasse vite une réputation de chamailleur et de bagarreur, dont les mots étaient aussi craints que les cannes. Il saisissait chaque occasion pour affirmer ce qu’il avait à dire : au milieu d’une messe à la cathédrale, lors d’une réunion des socialistes, chez le boulanger, face à son propriétaire, dans la rue.

Mais ne nous précipitons pas à travers sa vie, et prenons plutôt le temps d’une rencontre avec notre Libertad, par-delà les frontières du temps et de l’espace. Ne fût-ce que parce qu’il est des fils parcourant l’histoire qui nous donnent le sentiment de nous y reconnaître, qui renouent avec le passé, avec lesquels on peut dialoguer et, comme c’est sans aucun doute le cas avec Libertad, qui peuvent encore donner un beau coup de pied dans ce qui s’est encroûté ou pétrifié.

« Je ne veux pas échanger une partie d’aujourd’hui pour une partie fictive de demain, je ne veux rien lâcher du présent pour le vent du futur. »

La résignation va presque toujours de pair avec une sorte de promesse d’avenir. Demain ça ira mieux, demain quelque chose changera, demain sera différent. Entre temps, la machine continue de tourner, dévore la vie, et demain reste toujours demain. Chaque compromis au quotidien, chaque petite concession, chaque suicide partiel broie, comme le décrit Libertad, une partie de notre confiance en nous, de notre individualité, de notre volonté de vivre en cohérence avec nos idées. Libertad réduit en miettes tous ceux qui s’emploient à inventer des raisons pour justifier le sursis de la vie ; et il s’acharne plus durement encore contre ceux qui enrobent leur retraite de phrases révolutionnaires.

Le défi qu’il lance à la vie, son exigence, c’est celle de l’immédiat, du tout ici et maintenant. Et pas juste à propos de quelques aspects de la vie, mais bien de chaque expérience, de chaque sentiment, de toute joie et plaisir. Il ne s’agit pas de subsister en attendant le règne de l’abondance, mais de manger, ici et maintenant, manger ce qu’il y a de meilleur. Il ne s’agit pas de s’entasser dans un taudis, mais d’habiter dans une maison, et dans la plus belle qui soit. Il ne s’agit pas de refréner ses désirs sexuels et de les limiter au mariage ou à un seul partenaire pour toujours, mais d’engager, quitte à ce qu’elles se rompent, des relations amoureuses de réciprocité, non pas pour assouvir quelque besoin naturel, mais pour jouir abondamment de tout baiser, de toute caresse, de toute câlinerie.

Irréaliste ! Utopique ! Rêverie ! crie le troupeau en chœur. Certes. Exagérés, excessifs, exigeants, passionnels, voilà les désirs de Libertad. De là part sa révolte. Il ne se satisfait d’aucun placebo – quand la société d’aujourd’hui repose sur leur distribution –, et se confronte ainsi directement aux murs des institutions, aux chaînes de l’exploitation, à la résignation de ses semblables, aux habitudes et aux traditions. L’exigence de l’immédiat fait de chaque aspect de la vie un champ de bataille où il faut en découdre ; où seule la révolte permet d’ouvrir une brèche. Et qu’apporte une telle révolte, demanderont de manière accusatoire les réalistes ? « La joie du résultat est déjà dans la joie de l’effort. Celui qui fait les premiers pas dans un sens qu’il a toute raison de croire bon, arrive déjà au but, c’est-à-dire qu’il a la récompense immédiate de ce labeur. » Le but de la révolte n’est pas séparé des moyens qu’elle se donne, ils sont étroitement imbriqués.

Alors, quoi de surprenant à ce que la révolte de Libertad se serve de toutes les armes et jette par-dessus bord tout légalisme ? Quoi d’étonnant si ceux qui veulent manger ici et maintenant à leur goût, l’arrachent au commerçant qui en a fait une marchandise ? De même, la diffusion du journal l’anarchie, dont Libertad était une des forces motrices, allait de pair avec la diffusion de différents illégalismes (du vol à l’escroquerie en passant par le faux-monnayage) chez les anarchistes ; tandis que s’opérait d’autre part un rapprochement entre la canaille dont grouillait Paris et des cercles anarchistes. Après la mort de Libertad, ce sont de cercles autour de l’anarchie que surgiront « les illégalistes », qui se consacreront à aller piller, les armes à la main, les coffres-forts des banques.

« Qu’importent les gestes mauvais, les gestes inutiles, les gestes empoisonneurs ? Il faut vivre. Or travailler, c’est empoisonner, piller, voler, mentir aux autres hommes. Travailler, c’est mélanger de la fuscine aux boissons, fabriquer des canons, abattre et débiter en tranches de la viande empoisonnée. Travailler, c’est cela pour la viande veule qui nous entoure, cette viande qu’il faudrait abattre et pousser à l’égout. »

Combien de révolutionnaires n’ont-ils pas opposé à l’exploitation une exaltation du travail, dessinant un avenir qui ressemblait plutôt à un grand camp de travail volontaire ? Pas surprenant alors que le mouvement ouvrier -socialistes et syndicalistes inclus- en soit généralement resté à une remise en cause partielle de l’économie, à une critique de ses formes (les conditions de travail, le rapport entre travail et capital) plutôt que de son essence même. La critique du capitalisme doit s’accompagner de celle du travail, si elle veut toucher les fondations de cette société. Libertad ne fustige pas uniquement la propriété, mais aussi le travail en tant qu’activité nocive, non seulement pour soi, sa santé et son esprit, mais aussi pour les autres et l’environnement. Or de nos jours, sans doute encore plus qu’hier, l’économie produit surtout des objets inutiles et toxiques (des appareils cancérigènes à la nourriture industrielle,…).

Evidemment, le refus du travail ne signifie pas le refus de toute activité, comme ont essayé de nous le faire croire les marxistes et leurs cousins pendant plus de 150 ans. Ce refus signifie par contre le choix de l’activité qui a du sens, de l’activité qui satisfait, aussi bien nos besoins matériels que nos passions et désirs les plus fous. Voilà pourquoi Libertad parle tellement de joie et de plaisir. Face aux funèbres sirènes de l’usine, il joue la mélodie de la vie.

« Ce n’est pas avec la quantité de la foule qu’on fait un mouvement, c’est avec sa qualité. Et si c’est presque impossible d’avoir cette qualité de la foule, disons que ce sera avec la qualité de ceux qui jetteront les foules sur les voies de la révolte. »

Libertad ne s’est jamais efforcé de séduire ou de charmer les masses. Au contraire, il maniait le fouet pour fustiger leur résignation, leur collaboration avec la domination. On ne trouvera chez Libertad pas un mot en faveur de ce qui est ou veut faire « masse » : du « peuple » au « prolétariat », des partis aux syndicats. Il fulmine contre les foules qui vont à la caserne pour accomplir le service militaire, qui se traînent vers les usines pour aller se crever au travail, qui sont prêtes à lyncher quiconque offense leur morale (à base de monogamie, d’honneur, de patrie et de religion). Mais il ne voulait rien avoir à faire non plus avec les tours d’ivoire, ce mépris bourgeois pour la plèbe qui n’est pas alimenté par l’orgueil individuel, mais par le dégoût. Il savait saisir chaque occasion pour discuter et aussi éliminer les obstacles qui parsèment le chemin vers le libre développement de l’individualité. Quant à ceux qui n’en voulaient rien savoir, ils ont tâté de ses béquilles.

Le parcours de sa vie est traversé par le fil du quantitatif et du qualitatif. Loin de pousser des cris d’allégresse quand des milliers de gens descendent dans la rue, il dirige immédiatement son regard vers le contenu de cette protestation, vers les moyens dont elle ose se doter, au-delà de la légalité, vers les obstacles qu’une révolte arrive à détruire d’emblée. A plusieurs reprises, il suggérera qu’une œuvre de chirurgien est indispensable, affirmant en même temps la force « purificatrice » du feu anonyme qui consume les usines et les institutions. Selon Libertad, il ne faut pas chercher la qualité chez la masse amorphe, elle suivra toujours les bergers de service. La diffusion d’idées anarchistes ne sert pas à entraîner les gens dans un éternel combat pour quelque Paradis, mais doit les encourager à vivre ici et maintenant en hommes libres, débarrassés de tout préjugé moral et religieux. Libertad tenait beaucoup à cette diffusion, à cette propagande comme on l’appelait à l’époque. Il avait presque toujours des brochures et des journaux anarchistes dans sa poche ; il organisa inlassablement avec d’autres compagnons les fameuses Causeries Populaires, des soirées où étaient discutés tous les thèmes imaginables. Ces causeries avaient lieu toutes les semaine en divers endroits, dans les faubourgs de Paris comme dans d’autres villes, et connaissaient un grand succès. Elles attiraient tant de personnes et étaient si passionnées qu’elles se terminaient souvent en bagarre – contre les flics… ou entre soi.

« Pour entretenir le culte des morts, la somme d’efforts, la somme de matière que dépense l’humanité est inconcevable. Si l’on employait toutes ces forces à recevoir les enfants, on en préserverait de la maladie et de la mort des milliers et des milliers. Si cet imbécile respect des morts disparaissait pour faire place au respect des vivants, on augmenterait la vie humaine de bonheur et de santé dans des proportions inimaginables. »

Libertad n’était pas le premier à le dire, ni le dernier : cette société aime la mort et refoule la vie. Partout, ses habitudes et ses coutumes, son travail et ses structures, sa morale et ses valeurs sèment la mort, empoisonnent et écrasent. Et quand la mort n’est pas au rendez-vous, la vie elle-même est dénuée de sa plénitude, de sa multiplicité infinie d’expériences et de sentiments, pour se voir réduite à une espèce d’ersatz qui suffit pour tenir le coup, qui nous fait survivre. Et tandis qu’on rend hommage aux morts, tout en méprisant les vivants, on se suicide à petit feu, et jour après jour nous détruisons une partie de nous-mêmes.

Le misérabilisme régnant dans les cercles révolutionnaires est une vraie plaie. Non seulement l’attitude qui consiste à attendre tel ou tel moment conduit souvent à l’abandon et à la dépression, mais elle nous bouffe aussi peu à peu la vie. En attendant des temps meilleurs, on se contente de nourriture insipide, de logements insalubres, on se perd en petits compromis avec des propriétaires, des fonctionnaires, des patrons. Et au fur et à mesure, ces petits compromis en deviennent des grands, une espèce d’attitude face à la vie. On s’efforce de se convaincre que les « années folles de notre jeunesse » étaient une rébellion sans contenu ; on s’adapte ; la pression du milieu est trop grande et la révolte paraît trop exigeante. Les désirs indomptables, la joie de la révolte laisse la place à la logique de gains et de pertes, de résultats et de rapports de force réalistes, de calculs. Les idées se transforment en politique ; les désirs deviennent des analyses et, pas à pas, on oublie que la joie est dans l’agir même, dans le fait même de parcourir notre propre chemin. Que la subversion commence dans nos propres vies, en ce moment même – et qu’aucun mirage, pas plus qu’un quelconque réalisme, ne nous fera renoncer à la joie que nous procure notre œuvre destructive.

Libertad aspire sans trêve à la vie pleine, il refuse toute séparation entre ses différents aspects. Sa révolte est indivisible, ne supporte pas d’ajournement et s’exprime à tous les moments – opportuns ou pas, souhaités ou pas, petits ou grands. Pour lui, pas de fossé entre les grandes batailles et les petits combats, il entremêle tout à tort et à travers, parce que partout c’est son individualité, c’est lui qui est en jeu et se met en jeu.

[Traduit du néerlandais. Paru comme introduction dans Albert Libertad, Niet morgen, vandaag !, Tumult Editions, Bruxelles, avril 2011.]

Des textes de Libertad.

Vu sur Non Fides, 8 août 2013

[« Qu’est-ce que tu fais pour les vacances ?… »] [Poitiers] Illes la mettent en veilleuse… Et ben c’est pas dommage !

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« Faut pas rester là madame, on va fermer… »

Mais où sont donc passé-e-s nos vaillant-e-s veilleur-euses ? Sur les marches du palais de justice ce jeudi, illes n’étaient… qu’une. Maxence et Marie-Charlotte ont-illes emprunté la vieille Porsche de papa pour aller prendre un peu de bon temps dans leur résidence secondaire sur l’île de Ré ? Jean-Eudes est-il parti au camp identitaire ou chez les scouts ? Sixtine est-elle en pleine mission humanitaire dans le Tiers Monde avec son groupe de cathé’ ? N’a-t-elle toujours d’yeux que pour Jean-Eudes, qui lui a furtivement compté fleurette sur les marches du palais de justice, le soir du dernier grand rassemblement des veilleurs ?

Enfin bon quoi qu’il en soit, cette (quasi) absence nous réjouit. Puissiez-vous nous revenir avec d’autres aspirations, plus respectueuses, plus émancipatrices, … Ou bien ne pas revenir du tout ! Merci, bisous !

Pavillon Noir, 13 juillet 2013

Le Monde Libertaire n° 1713 (du 4 au 10 Juillet 2013)

NdPN : Le ML hebdo sort aujourd’hui en kiosques. Vous pouvez nous le demander à prix libre en nous écrivant. Un exemplaire sera aussi laissé au Biblio-Café (rue de la Cathédrale à Poitiers). Trois articles d’ores et déjà en ligne (voir sommaire ci-dessous)… ainsi que l’édito – auquel nous ajoutons que nous soutenons lesdits « agités », notamment celui qui passera devant le tribunal correctionnel en septembre prochain. Bonne lecture !

Le Monde Libertaire n° 1713 (du 4 au 10 Juillet 2013)

Image

«Les faits divers font diversion.» – Pierre Bourdieu

Sommaire du Monde Libertaire n° 1713

Actualité

La SNCF en voie de démantèlement, par Voie libre, page 3

Nouvelles des fronts sociaux, par Hugues, page 4

Clément tué deux fois, par M. Sparagano, page 5

Météo syndicale, par J.-P. Germain, page 6

Le projet Sous-surveillance. net, par Arnaud, page 7

La Chronique néphrétique de Rodkol, page 8

L’ordre moral version ZéroMacho, par Marine, page 9

International

Où en est la révolte turque?, par la Fédération anarchiste, page 10

Arguments

L’extrême droite sur le devant de la scène, par R. Dufour, page 12

Histoire

Adresse aux peuple nord-africains, par M. Fayolle, page 15

À voir

Grand Central ou l’addition du nucléaire, par Mato-Topé, page 17

À lire

Itinéraires antifranquistes, par F. Mintz, page 19

Penser l’utopie dans l’action, par T. Bernard, page 20

Le mouvement

CR de la manif antifa du 23 juin, par P. Schindler, page 21

Illustrations

Aurelio, FYD, Kalem, Krokaga, Nemo, Valère

Editorial du Monde Libertaire n° 1713

Une fois de plus, nous avons pu constater quelles sont les priorités de nos grands médias. Après la mort de Clément Méric, la manifestation du 23 juin contre le fascisme n’a pas eut l’heur d’intéresser nos journalistes de choc : comptes rendus inexistants ou minimalistes dans la presse nationale. À peine une dizaine de lignes dans Le Monde (journal de tous les pouvoirs) et pas plus dans Libération (quotidien avant-gardiste autoproclamé). Et ne parlons pas de la TV : rien ou quarante secondes pour montrer, non pas les manifestants, mais quelques agités occupés à briser consciencieusement et méthodiquement tout ce qui ressemblait à une vitrine de banque ou un panneau publicitaire. Non, la grande presse a d’autres priorités : commenter le résultat de l’élection de Villeneuve-sur-Lot avec le score élevé du Front national ; en oubliant de rappeler que ses idées sont celles des groupuscules néonazis qui officient à côté du FN (mais pas trop loin quand même). Mais quid des conflits en cours ? PSA Aulnay, SNCF, Goodyear, Arcelor-Mittal, SNCM, Vortex, Air France, Université Paris XIII… Billevesées que tout cela, vous aurez du mal à avoir des détails sur l’évolution de ces luttes. Par contre, vous aurez droit quotidiennement aux explications de texte de François Hollande nous martelant que, oui, la courbe du chômage va s’inverser avant la fin de l’année. Faisons-lui confiance au moins sur ce point : la manipulation des chiffres et les tours de passe-passe style emplois d’avenir, voilà un domaine où les socialistes savent faire aussi bien que la droite. Mais rien n’y fait, le pays est malade et ce bon docteur Hollande ne nous prescrit que des saignées. Continuerons-nous à nous laisser sucer le sang par ces vampires, ou leur planterons-nous un pieu en plein cœur pour en finir définitivement avec eux ?

Les origines de la gay pride

Hier, des dizaines de milliers de manifestant-e-s défilaient pour la « marche des fiertés », anciennement appelée gay-pride. Elle a réuni comme chaque année des lesbiennes, gays, bis et trans qui ont montré que les manifs homophobes ne les avaient pas renvoyé-e-s au placard. Et de nombreuses personnes soutenant leurs revendications antipatriarcales. Les manifestant-e-s ont appelé à poursuivre la lutte contre les discriminations au quotidien et les violences homophobes, pour la PMA, pour la reconnaissance de la filiation dès la naissance, pour la reconnaissance des droits des trans, pour la facilitation du changement d’identité sexuelle et de genre. Pour ne plus raser les murs ! Une bande d’homophobes « hommen », déployant une banderole pathétique du haut d’un balcon, se sont faits huer et railler par la foule.

Occasion de rappeler les origines de cette marche annuelle : dans la nuit du 28 juin 1969, dans le quartier de Greenwich village à Stonewall Inn (New-York), des homosexuel-le-s, des bis et des trans répondent à un énième raid homophobe de la police, en résistant violemment aux flics. Malgré les arrestations et les tabassages, les LGBT tiennent le quartier, repoussant les assauts de la police anti-émeutes. Cet événement sera suivi de plusieurs jours d’émeutes, permettant aux LGBT d’unir leurs revendications et de s’organiser radicalement ; avec des endroits pour se rencontrer, des journaux et une militance liant les revendications LGBT à une lutte globale contre le patriarcat, le capitalisme et l’Etat. De ce mouvement essaimeront de nombreux autres (on peut citer le FHAR en France). Un an après, des manifs commémoratives de cette affirmation des fiertés avaient lieu aux Etats-Unis. La « gay-pride » était née.

Pavillon Noir, 30 juin 2013