Archives de catégorie : Éducation populaire

La joie de vivre – Albert Libertad

La joie de vivre

Devant la fatigue de la lutte, combien ferment les yeux, croisent les bras, s’arrêtent, impuissant et découragés. Combien, et des meilleurs, sont tant lassés qu’ils quittent la vie, ne la trouvant pas digne d’être vécue. Quelques théories à la mode et la neurasthénie aidant, des hommes considèrent la mort comme la suprême libération.

Contre ces hommes, la société sort des arguments clichés. On parle du but « moral » de la vie : on n’a pas le « droit » de se tuer, les douleurs « morales » doivent être supportées « courageusement », l’homme a des « devoirs », le suicide est une « lâcheté », le partant est un « égoïste », etc. – toutes phrases à tendances religieuses et qui n’ont aucune valeur dans nos discussions rationnelles.

Qu’est donc le suicide. Le suicide est l’acte final d’une série de gestes que nous faisons tous plus ou moins selon que nous réagissons contre le milieu ou que le milieu réagit contre nous.
Extrait de l’Anarchie, 25 avril 1907

Infokiosques, 29 février 2012

[86] Education en pièces : on réagit QUAND ?

Mise en réseau des lycées : une gestion des stocks ?

C’est l’impression de la FCPE face à cette nouvelle donne qui amènera à la rentrée, les lycéens à changer d’établissement au cours de leur cursus.

Les lycéens vont-ils devoir se balader d'un lycée à un autre au cours de leur cursus ?  Les lycéens vont-ils devoir se balader d’un lycée à un autre au cours de leur cursus ?

La DGH (dotation globale horaires) et sa répartition sont actuellement au cœur des discussions dans les conseils d’administration des établissements du second degré. Elle définit les moyens dont chaque lycée disposera pour assurer sa mission, à la rentrée prochaine. Et ils seront en baisse. Le second degré, perd dans l’académie 58 postes alors même que les effectifs sont stables (toutes filières confondues). Le département, voit la suppression de 25 postes. La mission va s’avérer délicate pour les chefs d’établissements d’autant qu’elle évolue encore cette année dans le cadre de la réforme du lycée avec, un dernier volet : la mise en réseau des établissements.

 «  Cette mise en réseau s’inscrit dans une logique comptable  »

L’objectif annoncé par l’Education Nationale est de favoriser la fluidité le parcours des élèves entre établissements d’une même ville. En clair, les élèves pourront changer d’établissement au cours de leur cursus au lycée. « Ce qui permettra de favoriser les échanges pédagogiques entre des établissements proches ou encore de constituer des réseaux « ressources humaines » dans les secteurs ruraux, avait indiqué, il y a un peu plus d’un mois, Martine Daoust, rectrice de l’académie de Poitiers, à l’occasion d’une présentation de la rentrée 2012.
Du côté de la FCPE, on ne voit évidemment pas les choses de la même façon. « Des motions, explique Isabelle Siroy, porte-parole de la FCPE, ont été déposées lors des conseils d’administration contre cette mise en réseau telle qu’elle est proposée. A Poitiers par exemple, elle va contraindre les élèves à changer d’établissement, pour certains d’entre eux ce sera chaque année, afin de pouvoir suivre le cursus qu’ils envisagent. Et, elle interdira aux élèves hors de ces secteurs l’accès à certains cursus. Pour nous cette mise en réseau s’inscrit dans une logique comptable. Elle permettra de regrouper deux groupes d’élèves de deux établissements différents, sur un seul site et de gagner ainsi un poste avec un effectif bien supérieur à 35 élèves ! Pour nous c’est du remplissage, de la gestion de stock. On a de quoi à être inquiet d’autant que nous n’avons obtenu aucune réponse à nos interrogations ; »
Contacté, le Rectorat indique « vouloir communiquer sur le sujet mais pas avant la fin du mois de mars.

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Quelles conséquences pour les ruraux ?

Cette nouvelle organisation ne manquera pas d’avoir des conséquences graves estime Isabelle Siroy. « Que va-t-il se passer sur le plan des dérogations, seront-elles toutes accordées. Si ça n’est pas le cas, les élèves n’auront pas les mêmes chances de faire ou de découvrir ce qu’ils souhaitent Nous redoutons aussi que les dérogations ne concernent que les élèves de Poitiers et que les lycéens des secteurs ruraux ne se contentent que de ce qu’ils ont. »
Déjà mobilisés, les parents d’élèves attendent maintenant la tenue du conseil académique de l’Education Nationale. Il aura lieu le 20 avril prochain.

Nouvelle République, Sylvaine Hausseguy, 1er mars 2012

« En suspens » : une brochure contre l’institution scolaire

ndPN : Dans le contexte de la grève étudiante à venir, la brochure « En suspens », contre l’institution scolaire, a été publiée sur le site québecois de La Mitrailleuse.

Elle est consultable en intégralité ici (en pdf).

Quelques morceaux choisis…

Bref historique de l’école

Dans les premières civilisations, l’école a été intentée pour les scribes et autres fonctionnaires qui s’occupaient des rôles administratifs et religieux. Chez les anciens Grecs, l’école avait comme but de former les futurs soldats, avant qu’elle se transforme vers un enseignement, dispensé par les sophistes, de la philosophie et de la rhétorique pour les riches qui n’auront jamais à travailler.

Lorsque l’Empire romain pris de l’extension, l’influence des Grecs s’est répandue dans celui-ci et les écoles ont eu comme objectif la formation des futurs fonctionnaires. Le christianisme s’est développé dans l’enceinte de la civilisation gréco-romaine et ses pratiques éducationnelles ont incorporé l’intellectualisme grec et la sévérité romaine, mettant au premier plan le principe occidental de l’homme qui se penche devant la loi et qui se sacrifie pour un idéal.

L’école monastique est apparue au quatrième siècle. Les écoles cathédrales ont été créées au 11e siècle et l’enrichissement de leur programme jusqu’au 16e siècle a marqué la naissance des universités. Les écoles primaires chrétiennes du 17e siècle ont été fondées principalement pour christianiser le peuple et combattre l’oisiveté des pauvres.

C’est avec les Lumières que la discipline s’est retrouvée encore plus au centre du projet éducatif et c’est au 18e siècle qu’on commença à évaluer systématiquement les élèves, à organiser l’espace physique en rangées, à classer les élèves en groupes d’âge et à organiser une série de sujets à enseigner selon un ordre de difficulté toujours croissant. L’école républicaine nationale a été mise en place pour créer une citoyenneté plus homogène. On enseigne aux élèves qu’ils n’appartiennent pas à eux-mêmes, mais qu’ils sont plutôt la propriété de la nation.

Les partisans de l’école publique (les humanistes) étaient principalement intéressés à intégrer les masses dans la nouvelle économie industrielle et à disséminer les tensions sociales créées par une inégalité grandissante. Les enfants des prolétaires devaient se faire éduquer efficacement à l’économie capitaliste industrielle naissante : centralisation des décisions, notation individuelle, standardisation du programme scolaire et tenue vestimentaire obligatoire. L’éducation acquérait ainsi son caractère institutionnel. Ce développement, qui a pavé la voie pour la bureaucratie du 20e siècle, était devenu essentiel à la reproduction du nouvel ordre industriel et des relations sociales capitalistes.

C’est également au cours du 19e siècle (en 1871 aux États-Unis) que l’école a commencé à être perçue comme un moyen efficace d’assimiler et d’acculturer les Amérindiens à la société dominante blanche. Les enfants étaient littéralement arrachés de leur famille et séparés pendant des années, punis s’ils parlaient leur langue et humiliés de leurs traits autochtones. Les parents ont tenté de résister aux enlèvements et des enfants ont fui par milliers afin de retrouver leur famille.

Pour s’assurer de la loyauté des classes populaires, on créa un système d’éducation obligatoire pour tous. En 1900, la majorité des États américains avaient leurs écoles publiques et en 1915, les corporations dépensaient plus d’argent dans le postsecondaire que les gouvernements. La gestion du programme scolaire se fonde alors sur la gestion scientifique développée par Frederick W. Taylor (gestion par tâches). Après la Deuxième guerre mondiale, les différents gouvernements à travers le monde adoptaient comme objectif principal l’éducation primaire universelle. Dans les sociétés industrielles, l’éducation postsecondaire prenait de plus en plus d’importance vue la complexification des technologies de contrôle social et de la division du travail.

L’école comme institution sociale

L’école est une institution sociale qui intervient directement dans le processus de socialisation des enfants. La socialisation est définie comme le processus au cours duquel un individu apprend et intériorise les normes et les valeurs de la société à laquelle il appartient afin qu’il adopte des comportements sociaux spécifiques. Ce processus est nécessaire à la reproduction de l’ordre social. Une société hiérarchisée a besoin de l’école pour enseigner aux enfants la renonciation à leurs désirs et la soumission, pour que les enfants adoptent des comportements soutenant l’ordre établi. La socialisation scolaire est ce qu’on appelle une socialisation primaire et principale, puisqu’elle commence à un jeune âge et elle devient la principale influence sur l’enfant, supplantant la famille. La socialisation institutionnalisée est surtout le résultat d’une contrainte imposée par ses agents. Les interactions entre l’individu et son environnement social sont possible, mais elles demeurent sous la surveillance et le contrôle de l’État et des corporations puisque les interactions sans surveillance risqueraient de produire une transformation sociale radicale de la société.

En résumé, l’école est comme une pilule qui aide les gens à s’adapter à la folie de la société moderne. On y apprend l’asservissement à l’autorité et elle nous empêche de déterminer nous-mêmes la manière dont nous allons vivre notre vie. On ne fait pas des travaux d’école parce que cette expérience est enrichissante en soi, on ne le fait pas selon nos propres termes et modalités, on le fait parce que c’est ce qu’on nous dit de faire.

Ensuite, l’école impose une cadence qui régie notre vie (8h à 16h), nécessaire au modelage de futurs travailleurs dociles. Les parents, occupés à travailler, n’ont pas le choix d’envoyer leurs enfants à l’école et se réconfortent en croyant qu’ils obtiendront une éducation appropriée. Au lieu de vivre au rythme de sa communauté, d’apprendre à travers les activités quotidiennes et de contribuer au bien-être du groupe, l’enfant est encadré par l’État qui le façonne. Pour répondre aux exigences de la production, les parents obligent leurs enfants à se lever tôt pour les envoyer à l’école tandis que l’école se charge d’établir une discipline d’exploités soumis: elle punit les enfants parce qu’ils ne sont pas assis correctement, parce qu’ils parlent à leurs camarades de classe, parce qu’ils n’écoutent pas, parce qu’ils dorment sur leur bureau, parce qu’ils n’ont tout simplement pas envie de faire cette activité là à ce moment là. Dès l’école primaire, on s’ennuie et on se fait donner des ordres. L’école, tout comme la religion, la télé et les jeux vidéo, finira par tuer l’enfant. Elle tue la créature qui exprime librement tous ses désirs et ses frustrations pour le transformer en un mort-vivant, un adulte, constamment en train de gérer son futur – son parcours académique, sa carrière professionnelle, son REER, sa retraite, ses funérailles – et de renier le moment présent.

De plus, l’école impose un apprentissage d’une conception du monde correspondant à l’organisation hiérarchique du social et une uniformisation des connaissances. On y apprend qu’il y a une seule bonne façon de parler et d’écrire, une seule version de l’histoire, une seule bonne façon de s’exprimer en groupe. L’école s’assure que le futur adulte sera fonctionnel dans notre société, qu’il sera capable de répondre de manière appropriée à son patron, d’apprécier la culture de masse, de croire aux paroles des technocrates concernant leur sécurité et aux promesses des scientifiques quant à leur capacité de régler des problèmes environnementaux. Avec la fin du secondaire arrive le stress de la planification de notre future carrière, cours d’orientation professionnelle et rencontres bidons avec l’orienteur. Sans t’en apercevoir, tu te fais convaincre d’aller dans tel ou tel domaine, selon le besoin du marché.

Au sujet du rôle de l’école dans la société, l’analyse de Daniel Quinn est très éclairante. Dans son texte Schooling : The Hidden Agenda, il note qu’« [a]u sein de la matrice culturelle qui est la nôtre, tous les médias nous disent que l’école existent pour préparer les enfants à la réussite et à l’accomplissement de leur vie dans notre civilisation (et elle échoue pourtant) ». Réformes par-dessus réformes, l’école échoue toujours. Quinn tourne alors la question de sens : « Supposons que l’école n’échoue pas? Supposons qu’elle fait exactement ce que nous voulons qu’elle fasse ». Quelles sont donc ces choses qu’elle fait superbement bien?

Tout d’abord, elle fait une excellente job à maintenir les jeunes hors du marché du travail et prévient ainsi d’inonder le pays de millions de jeunes chômeurs à cause du manque d’emploi. Au lieu de tomber sur le marché du travail à l’âge de 12 ans, ils deviennent des consommateurs actifs, consommant des milliards de dollars de marchandises grâce à l’argent que leurs parents gagnent.

Lors de l’industrialisation des sociétés occidentales, les travaux agricoles requérant de moins en moins de bras, les jeunes flânaient dans les rues et ruelles des nouvelles villes industrielles; afin de les éloigner de la rue, quoi de mieux de les obliger à fréquenter l’école? Selon Quinn, la solution fut alors d’insérer de nouveaux éléments dans le programme scolaire pour le rallonger. On n’a jamais demandé aux enfants si c’était ce qu’ils voulaient ou avaient besoin de savoir, ou auraient jamais besoin de savoir. Ça ne faisait rien qu’une fois appris, tout soit immédiatement oublié, cela faisait passer le temps.

Après le krach économique de 1929, il est devenu nécessaire de tenir les jeunes hors du marché du travail aussi longtemps que possible. À la fin de la Seconde Guerre mondiale, on commença à dire que l’éducation devrait comprendre un passage au collégial, puis à l’université. Il faut leur donner toujours plus de poèmes à analyser, plus de pages d’histoire et de littérature à lire, plus d’équations à résoudre. Cependant, les jeunes continuaient de sortir de l’école sans connaître grand-chose de plus qu’au primaire il y a un siècle et n’étaient guère employables.

« Mais maintenir les jeunes hors du marché du travail n’est que la moitié de ce que l’école réussit superbement. À l’âge de treize ou quatorze ans, les enfants des sociétés aborigènes – les sociétés tribales – ont terminé ce que nous, de notre point de vue, appellerions leur « éducation ». Ils sont prêts à recevoir leurs « diplômes » et à devenir adultes. Dans ces sociétés, cela signifie que leur taux de survie est de 100%. Tous leurs aînés pourraient disparaître du jour au lendemain, il n’y aurait ni chaos, ni anarchie, ni famine parmi ces nouveaux adultes. Ils seraient en mesure de poursuivre leur vie sans problème. Aucune des compétences et des technologies pratiquées par leurs parents ne serait perdue. S’ils le voulaient, ils pourraient vivre tout à fait indépendamment de la structure tribale dans laquelle ils ont été élevés.

Mais la dernière chose que nous voulons pour nos enfants, c’est qu’ils soient capables de vivre de façon indépendante de notre société. Nous ne voulons pas que nos diplômés aient un taux de survie de 100%, parce que cela les rendraient libres de choisir l’option de sortir de notre système économique si soigneusement construit et de faire ce qui leur plaît. Nous ne voulons pas qu’ils fassent ce qui leur plaît, nous voulons qu’ils aient exactement deux choix (pour autant qu’ils ne soient pas déjà riche). Trouver un travail ou aller à l’université. (…) Pour cela, l’éducation nationale réussit cela sans faute. 99,9% de nos diplômés font un de ces deux choix. (…)

Donc, vous voyez qu’il n’y a pas d’échec de l’école, elle réussit juste d’une certaine façon que nous ne préférons pas voir. Produire des diplômés sans compétences, sans valeur de survie, et sans aucun autre choix que de travailler ou mourir de faim, ne sont pas les failles du système, ce sont les caractéristiques du système. Telles sont les choses que le système doit faire pour que les choses continuent telles qu’elles sont. »

Anarchisme et anti-impérialisme

Pour une histoire de l’anti-impérialisme anarchiste

La tradition de lutte contre l’impérialisme est ancienne parmi les anarchistes, elle remonte à l’aube du mouvement, dans les années 1860-1870, et se poursuit aujourd’hui encore. De Cuba à l’Égypte, à l’Irlande, de la Macédoine à la Corée, à l’Algérie et au Maroc, le mouvement anarchiste a payé de son sang son opposition à la domination et au contrôle colonial et impérialiste.

Des anar­chis­tes ont par­ti­cipé à des luttes de libé­ra­tion natio­nale, mais ils ont tou­jours affirmé que la des­truc­tion de l’oppres­sion natio­nale et de l’impé­ria­lisme doit inclure la des­truc­tion du capi­ta­lisme et du sys­tème étatique et mener à la créa­tion d’une com­mu­nauté humaine sur des bases com­mu­nis­tes ou col­lec­ti­vis­tes. Solidaires de toutes les luttes anti-impé­ria­lis­tes, les anar­chis­tes s’effor­cent d’en faire des luttes de libé­ra­tion sociale plutôt que natio­nale. Des socié­tés anti­ca­pi­ta­lis­tes et anti-impé­ria­lis­tes qui se fon­dent sur l’inter­na­tio­na­lisme et non sur un chau­vi­nisme étroit, où les luttes au centre des Empires soient liées étroitement aux luttes des régions colo­ni­sées ou oppri­mées, et où elles soient contrô­lées par les ouvriers et les pay­sans et reflè­tent leurs inté­rêts de classe.

En d’autres termes, nous sommes soli­dai­res des mou­ve­ments anti-impé­ria­lis­tes mais nous condam­nons ceux qui veu­lent ins­tru­men­ta­li­ser ces mou­ve­ments pour pro­pa­ger des valeurs réac­tion­nai­res (tout comme ceux qui s’oppo­sent à la lutte des femmes pour leurs droits au nom d’une pré­ten­due culture) et nous nous bat­tons contre toute ten­ta­tive de capi­ta­lis­tes ou de petits bour­geois locaux pour s’appro­prier ces mou­ve­ments. Nous dénon­çons la répres­sion des mou­ve­ments anti-impé­ria­lis­tes par les États, mais nous dénon­çons tout autant le droit des États de déci­der quel­les pro­tes­ta­tions et quel­les luttes sont légi­ti­mes. Il n’y a pas de libé­ra­tion si seuls chan­gent le lan­gage ou la cou­leur de la classe domi­nante.

Contre le natio­na­lisme

Voilà en quoi nous nous dis­tin­guons du cou­rant poli­ti­que qui domine les mou­ve­ments de libé­ra­tion natio­nale depuis la Deuxième Guerre mon­diale, l’idéo­lo­gie du natio­na­lisme.

Selon cette idéo­lo­gie, la tâche essen­tielle de la lutte anti-impé­ria­liste consiste à créer des États-nations indé­pen­dants : c’est par l’État que la nation en tant que telle pourra exer­cer sa volonté géné­rale. Kwame N’krumah, le fer de lance de l’indé­pen­dance du Ghana, disait : « « Recherchez pre­miè­re­ment le royaume poli­ti­que » est devenu le prin­ci­pal slogan du Convention People’s Party, car sans l’indé­pen­dance poli­ti­que, aucun de nos pro­jets de déve­lop­pe­ment social et économique ne pour­rait être appli­qué. » [1]

Pour attein­dre cet objec­tif, les natio­na­lis­tes pré­ten­dent qu’il faut unir toutes les clas­ses au sein de la nation oppri­mée contre l’oppres­seur impé­ria­liste. Ils affir­ment que l’expé­rience com­mune de l’oppres­sion natio­nale rend secondai­res les dif­fé­ren­ces de clas­ses, ou encore que la notion de classe est un concept importé qui ne s’appli­que pas dans leur cas.

Les inté­rêts de classe dis­si­mu­lés der­rière l’idéo­lo­gie natio­na­liste sont évidents. Historiquement, ce sont la bour­geoi­sie et la classe moyenne des nations oppri­mées qui ont inventé et pro­pagé le natio­na­lisme. C’est une forme d’anti-impé­ria­lisme qui sou­haite se défaire de l’impé­ria­lisme mais conser­ver le capi­ta­lisme, un anti-impé­ria­lisme bour­geois qui veut donner à la bour­geoi­sie locale une nou­velle place, la pos­si­bi­lité d’exploi­ter la classe ouvrière locale et de déve­lop­per un capi­ta­lisme local.

Notre rôle d’anar­chis­tes face aux natio­na­lis­tes est donc clair : nous pou­vons lutter à leurs côtés pour des réfor­mes et des vic­toi­res par­tiel­les contre l’impé­ria­lisme, mais nous lut­tons contre leur idéo­lo­gie étatiste et capi­ta­liste. Nous avons pour rôle de gagner le sou­tien des masses à notre cri­ti­que de toute domi­na­tion, d’éloigner les ouvriers et les pay­sans du natio­na­lisme et de les gagner à notre pro­gramme anar­chiste et inter­na­tio­na­liste de classe.

Bakounine et la Première Internationale

Le sou­tien aux mou­ve­ments de libé­ra­tion pro­cède direc­te­ment de l’oppo­si­tion des anar­chis­tes à toute struc­ture poli­ti­que hié­rar­chi­que et aux iné­ga­li­tés économiques, et de leur projet de confé­dé­ra­tion inter­na­tio­nale libre­ment cons­ti­tuée de com­mu­nes auto­no­mes et d’asso­cia­tions libres de pro­duc­teurs libres. Mais l’anar­chisme rejette néces­sai­re­ment les solu­tions étatiques à l’oppres­sion natio­nale.

Si on peut dési­gner un fon­da­teur de l’anar­chisme, c’est bien Michel Bakounine (1818-1876). Sa théo­rie poli­ti­que prend son ori­gine dans les mou­ve­ments de libé­ra­tion natio­nale des peu­ples slaves, et toute sa vie il milita pour ce qu’on appelle aujourd’hui la déco­lo­ni­sa­tion. Lorsqu’il évolua du natio­na­lisme pan­slave à l’anar­chisme, dans les années 1860-1870, suite au désas­tre de l’insur­rec­tion polo­naise de 1863, il conti­nua à mili­ter en faveur des luttes pour l’auto­dé­ter­mi­na­tion des peu­ples.

Bakounine ne pen­sait pas que l’Europe impé­ria­liste « puisse main­te­nir dans l’asser­vis­se­ment » les pays colo­ni­sés : « L’Orient, ces huit cents mil­lions d’hommes endor­mis et asser­vis qui cons­ti­tuent les deux tiers de l’huma­nité, sera bien forcé de se réveiller et de se mettre en mou­ve­ment. » Il pro­clame « hau­te­ment ses sym­pa­thies pour toute insur­rec­tion natio­nale contre toute oppres­sion » : chaque peuple « a le droit d’être lui-même et per­sonne n’a celui de lui impo­ser son cos­tume, ses cou­tu­mes, ses opi­nions et ses lois ». Pour lui, la libé­ra­tion doit s’accom­plir « dans l’inté­rêt tant poli­ti­que qu’économique des masses popu­lai­res » : si la lutte anti­co­lo­nia­liste se mène « avec l’inten­tion ambi­tieuse de fonder un puis­sant État » ou si elle se fait « en dehors du peuple et ne pou­vant, par consé­quent, triom­pher sans s’appuyer sur une classe pri­vi­lé­giée », elle sera for­cé­ment « un mou­ve­ment rétro­grade, funeste, contre-révo­lu­tion­naire ». [2]

« Toute révo­lu­tion exclu­si­ve­ment poli­ti­que, soit natio­nale et diri­gée exclu­si­ve­ment contre la domi­na­tion de l’étranger, soit cons­ti­tu­tion­nelle inté­rieure, lors même qu’elle aurait la répu­bli­que pour but ; n’ayant point pour objet prin­ci­pal l’émancipation immé­diate et réelle, poli­ti­que et économique du peuple, serait une révo­lu­tion illu­soire, men­son­gère, impos­si­ble, funeste, rétro­grade et contre-révo­lu­tion­naire. » [3] Si la libé­ra­tion natio­nale est enten­due comme autre chose que le simple rem­pla­ce­ment des oppres­seurs étrangers par des oppres­seurs locaux, le mou­ve­ment de libé­ra­tion doit donc fusion­ner avec le combat révo­lu­tion­naire de la classe ouvrière et de la pay­san­ne­rie contre le capi­ta­lisme et l’État. Sans objec­tifs révo­lu­tion­nai­res sociaux, la libé­ra­tion natio­nale ne sera qu’une révo­lu­tion bour­geoise.

L’Europe de l’est

La lutte de libé­ra­tion natio­nale des ouvriers et des pay­sans doit être réso­lu­ment antié­ta­ti­que, car l’État est for­cé­ment la chasse gardée d’une classe pri­vi­lé­giée et le sys­tème étatique ne ferait que recréer l’oppres­sion natio­nale : « Tout État qui veut être un État réel, sou­ve­rain, indé­pen­dant, doit être néces­sai­re­ment un État conqué­rant obligé de tenir en sujé­tion par la vio­lence beau­coup de mil­lions d’indi­vi­dus d’une nation étrangère. »

Cette lutte doit aussi revê­tir un carac­tère inter­na­tio­na­liste, rem­pla­çant l’obses­sion de la dif­fé­rence cultu­relle par l’idéal uni­ver­sel de la liberté humaine ; elle par­ti­cipe de la lutte des clas­ses inter­na­tio­nale pour « l’émancipation totale et défi­ni­tive du pro­lé­ta­riat de l’exploi­ta­tion économique et du joug de l’État » et des clas­ses qu’il repré­sente. « La révo­lu­tion sociale par nature est inter­na­tio­nale » et les peu­ples « qui aspi­rent à leur liberté doi­vent, au nom de celle-ci, lier leurs aspi­ra­tions et l’orga­ni­sa­tion de leurs forces natio­na­les aux aspi­ra­tions et à l’orga­ni­sa­tion des forces natio­na­les de tous les autres pays. » La voie « exclu­si­ve­ment étatique » est « fatale pour les masses popu­lai­res », alors que l’Association inter­na­tio­nale des tra­vailleurs « libère chacun de nous de la patrie et de l’État. Le temps vien­dra où sur les ruines des États poli­ti­ques sera fondée en toute liberté l’alliance libre et fra­ter­nelle, orga­ni­sée de bas en haut, des asso­cia­tions libres de pro­duc­tion, des com­mu­nes et des fédé­ra­tions régio­na­les englo­bant sans dis­tinc­tion, parce que libre­ment, les indi­vi­dus de toute langue et de toute natio­na­lité ». [4]

Ces idées ont été mises en pra­ti­que en Europe de l’est depuis les années 1870 : on rap­pel­lera le rôle actif joué par les anar­chis­tes dans les sou­lè­ve­ments de Bosnie-Herzégovine de 1873, contre l’impé­ria­lisme austro-hon­grois, ou dans le Mouvement natio­nal-révo­lu­tion­naire de Macédoine contre l’empire otto­man. Dans cette région-là, des dizai­nes de per­son­nes payè­rent leur mili­tan­tisme de leur vie, en par­ti­cu­lier lors de la grande révolte de 1903.

Quinze ans plus tard, la tra­di­tion anti-impé­ria­liste anar­chiste repre­nait en Ukraine, où le mou­ve­ment makh­no­viste orga­nisa une révolte pay­sanne gigan­tes­que qui chassa l’occu­pant alle­mand, tint en res­pect les armées rouges et blan­ches qui vou­laient enva­hir le pays, tout en redis­tri­buant les terres, en établissant dans cer­tai­nes régions l’auto­ges­tion ouvrière et pay­sanne et en créant une armée révo­lu­tion­naire insur­rec­tion­nelle contrô­lée par les pay­sans et les ouvriers. [5]

Égypte et Algérie

Dans les années 1870, des anar­chis­tes ita­liens com­men­cè­rent à orga­ni­ser des grou­pes en Égypte et y publiè­rent des jour­naux ; un groupe anar­chiste égyptien était repré­senté au congrès de 1877 de l’AIT antiau­to­ri­taire. Errico Malatesta repré­sen­tait une Fédération égyptienne (avec des grou­pes à Constantinople et à Alexandrie) au Congrès socia­liste révo­lu­tion­naire inter­na­tio­nal de 1881 à Londres. Malatesta, qui vécut en exil en Égypte, y prit part à la révolte d’Arabi Pacha de 1882, sus­ci­tée par la main­mise sur les finan­ces égyptienne par une com­mis­sion franco-anglaise repré­sen­tant les créan­ciers inter­na­tio­naux du pays. Il vou­lait y pour­sui­vre un projet révo­lu­tion­naire lié à la révolte des indi­gè­nes et lutta avec les Égyptiens contre les colo­nia­lis­tes bri­tan­ni­ques. [6]

En Algérie, le mou­ve­ment anar­chiste com­mença à pren­dre pied au début du XXe siècle, avec la cons­ti­tu­tion d’un sec­tion de la Confédération géné­rale du tra­vail. Mais c’est sur­tout dans les années 1930 que la CGT-SR (socia­liste révo­lu­tion­naire) s’opposa acti­ve­ment, tant en France qu’en Algérie, au colo­nia­lisme fran­çais. Lors du cen­te­naire de l’occu­pa­tion fran­çais en Algérie, en 1930, une décla­ra­tion com­mune de l’Union anar­chiste, de la CGT-SR et de l’Association des fédé­ra­lis­tes anar­chis­tes dénon­çait « le colo­nia­lisme assas­sin, la mas­ca­rade san­glante » : « La civi­li­sa­tion ? Progrès ? Nous disons, nous : assas­si­nat ! » [7]

Saïl Mohamed (1894-1953), un Algérien mili­tant dans le mou­ve­ment anar­chiste depuis sa jeu­nesse, fut un membre actif de la sec­tion algé­rienne de la CGT-SR ainsi que de l’Union anar­chiste et du Groupe anar­chiste des indi­gè­nes algé­riens, dont il fut un des fon­da­teurs. En 1929, il était secré­taire du Comité de défense des Algériens contre les pro­vo­ca­tions du Centenaire. Il rédi­geait l’édition nord-afri­caine du pério­di­que de l’Alliance libre des anar­chis­tes du Midi, Terre Libre, et écrivit régu­liè­re­ment sur la ques­tion algé­rienne dans la presse anar­chiste. [8]

Maroc, Espagne

Avant la Première Guerre mon­diale, l’oppo­si­tion à l’impé­ria­lisme était au cÏur des cam­pa­gnes anti­mi­li­ta­ris­tes anar­chis­tes en Europe, qui sou­li­gnaient que les guer­res colo­nia­les ne ser­vaient pas les inté­rêts des tra­vailleurs, mais bien les objec­tifs du capi­ta­lisme.

La CGT fran­çaise dénon­çait par exem­ple dans sa presse le rôle des colons capi­ta­lis­tes fran­çais en Afrique du Nord. Le pre­mier numéro de la Bataille Syndicaliste, publié le 27 avril 1911, citait le « Syndicat maro­cain », ces « hommes de l’ombre » qui dic­taient leur loi aux minis­tres et aux diplo­ma­tes et atten­daient qu’une guerre gonfle la demande d’armes, de terres et de che­mins de fer et per­mette d’intro­duire une taxe sur les indi­gè­nes. [9]

En Espagne, la « Semaine tra­gi­que » débuta le lundi 26 juillet 1909 lors­que le syn­di­cat Solidaridad Obrera, dirigé par un comité com­posé d’anar­chis­tes et de socia­lis­tes, appela à la grève géné­rale contre le rappel de réser­vis­tes, ouvriers pour la plu­part, pour la guerre colo­niale au Maroc. Le mardi, les ouvriers contrô­laient Barcelone, la « fière rose de l’anar­chisme », les convois mili­tai­res étaient stop­pés, les trams ren­ver­sés, les com­mu­ni­ca­tions cou­pées, les rues cou­pées par des bar­ri­ca­des. Le jeudi, les com­bats éclataient contre les forces gou­ver­ne­men­ta­les et plus de 150 ouvriers furent tués lors de com­bats de rue.

Les réser­vis­tes étaient rendus amers par les cam­pa­gnes colo­nia­les désas­treu­ses qui s’étaient dérou­lées peu avant aux Philippines et à Porto Rico. Mais la Semaine tra­gi­que doit être com­prise comme une insur­rec­tion anti-impé­ria­liste qui se situe dans la longue tra­di­tion de l’anti-impé­ria­lisme anar­chiste en Espagne. Le « refus des réser­vis­tes cata­lans de servir dans une guerre contre les mon­ta­gnards du Rif maro­cain », « un des événements les plus impor­tants » des temps moder­nes, reflète le sen­ti­ment géné­ral que la guerre était menée dans le seul inté­rêt des pro­prié­tai­res des mines du Rif et que la cons­crip­tion était « un acte déli­béré de guerre de classe et d’exploi­ta­tion par la puis­sance cen­trale ».

En 1911, la nais­sance de la Confederación Nacional del Trabajo (CNT, qui suc­cé­dait à Solidaridad Obrera) fut mar­quée par une grève géné­rale le 16 sep­tem­bre, en sou­tien avec les gré­vis­tes de Bilbao, et l’oppo­si­tion à la guerre au Maroc. En 1922, après une bataille désas­treuse en août contre les trou­pes d’Abd el-Krim, lors de laquelle au moins 10 000 sol­dats espa­gnols tom­bè­rent, « le peuple espa­gnol laissa explo­ser sont indi­gna­tion, exi­geant non seu­le­ment la fin la guerre, mais aussi le juge­ment sévère des res­pon­sa­bles du mas­sa­cre et des poli­ti­ciens favo­ra­bles aux opé­ra­tions en Afrique ». Leur colère prit la forme d’émeutes et de grèves dans les régions indus­triel­les. [10]

Cuba

Au cours de la guerre colo­niale à Cuba (1895-1904), les anar­chis­tes cubains et leurs syn­di­cats entrè­rent dans les forces armées sépa­ra­tis­tes et firent de la pro­pa­gande auprès des trou­pes espa­gno­les. Pour leur part, les anar­chis­tes espa­gnols fai­saient cam­pa­gne contre la guerre à Cuba auprès des pay­sans, des ouvriers et des sol­dats en Espagne. Tous les anar­chis­tes espa­gnols désap­prou­vaient la guerre et appe­lè­rent les ouvriers à déso­béir aux auto­ri­tés mili­tai­res et à refu­ser d’aller se battre à Cuba ; les muti­ne­ries parmi les recrues furent nom­breu­ses. Les anar­chis­tes cher­chè­rent aussi, dans leur oppo­si­tion au natio­na­lisme bour­geois, à donner un carac­tère de révo­lu­tion sociale à la révolte colo­niale. Lors de son congrès de 1892, l’Alliance ouvrière cubaine recom­manda aux ouvriers cubains de rejoin­dre les rangs du socia­lisme révo­lu­tion­naire, et de pren­dre le chemin de l’indé­pen­dance : « il serait absurde que ceux qui aspi­rent à la liberté indi­vi­duelle s’oppo­sent à la liberté col­lec­tive du peuple, même si la liberté à laquelle ce peuple aspire est la liberté rela­tive qui consiste à s’émanciper de la tutelle d’un autre peuple ». [11]

Lorsque l’anar­chiste Michele Angiolillo assas­sina le pré­si­dent espa­gnol Canovas en 1897, il déclara avoir agi tant pour venger la répres­sion contre les anar­chis­tes en Espagne que pour répli­quer aux atro­ci­tés com­mi­ses par l’Espagne dans les guer­res colo­nia­les.

Le mou­ve­ment ouvrier cubain, où les anar­chis­tes tenaient les devants, ne se borna pas à s’oppo­ser à la domi­na­tion colo­niale mais il joua un rôle impor­tant pour sur­mon­ter les divi­sions entre Cubains noirs, blancs, et ouvriers immi­grés. Les anar­chis­tes cubains « réus­si­rent à incor­po­rer au mou­ve­ment ouvrier un grand nombre de gens de cou­leur, et à mêler Cubains et EspagnolsÉ fai­sant ainsi avan­cer la cons­cience de classe et contri­buant à éradiquer les cli­va­ges de races ou d’eth­nies parmi les ouvriers ».

L’Alliance ouvrière par­vint à « éroder les bar­riè­res racia­les comme aucun syn­di­cat ne l’avait fait aupa­ra­vant », à mobi­li­ser « toutes les masses popu­lai­res dans le sou­tien aux grèves et aux mani­fes­ta­tions ». Non seu­le­ment les Noirs furent nom­breux à entrer dans l’orga­ni­sa­tion, mais celle-ci lutta aussi contre les dis­cri­mi­na­tions racia­les au tra­vail. La pre­mière grève, en 1889, récla­mait par exem­ple que « les per­son­nes de cou­leur puis­sent tra­vailler ici ». Cette reven­di­ca­tion réap­pa­rut les années sui­van­tes, de même que celle récla­mant que Noirs et Blancs aient le droit « d’être assis dans les mêmes cafés », expri­mée lors de la mani­fes­ta­tion du Premier Mai 1890 à la Havane.

Le jour­nal anar­chiste El Productor, fondé en 1887, dénon­çait « la dis­cri­mi­na­tion exer­cée contre les Afro-Cubains par les employeurs, les com­mer­çants et toute l’admi­nis­tra­tion ». Par leurs cam­pa­gnes et les grèves, les ouvriers anar­chis­tes cubains par­vin­rent à éliminer « la plu­part des métho­des dis­ci­pli­nai­res héri­tées de l’escla­vage », comme « la dis­cri­mi­na­tion raciale contre les non Blancs et le châ­ti­ment cor­po­rel des appren­tis et des depen­dien­tes ». [12]

Mexique, Nicaragua

Au Mexique, les sou­lè­ve­ments pay­sans indiens comme la révolte de Chavez Lopez en 1869 et celle de Francisco Zalacosta dans la décen­nie sui­vante furent d’ins­pi­ra­tion anar­chiste. Par la suite, les anar­chis­tes s’expri­mè­rent dans diver­ses orga­ni­sa­tions, le Parti libé­ral mexi­cain des frères Magón, la Casa del Obrero Mundial syn­di­ca­liste révo­lu­tion­naire, la sec­tion mexi­caine des Industrial Workers of the World (IWW). L’anar­chisme et le syn­di­ca­lisme révo­lu­tion­naire mexi­cains ne ces­sè­rent de résis­ter à la domi­na­tion poli­ti­que et économique des États-Unis et de s’oppo­ser à toute dis­cri­mi­na­tion raciale à l’égard des ouvriers mexi­cains d’entre­pri­ses étrangères, comme aux États-Unis. [13]

Depuis 1910, les IWW se concen­trè­rent sur des luttes maté­riel­les qu’ils com­bi­naient avec la pers­pec­tive du contrôle ouvrier ; les tra­vailleurs furent nom­breux à les suivre, aban­don­nant l’idée d’une révo­lu­tion natio­nale récla­mant la reprise par la nation du contrôle étranger sur les res­sour­ces natu­rel­les, la pro­duc­tion et les infra­struc­tu­res.

Au Nicaragua, Augustino Cesar Sandino (1895-1934), leader de la gué­rilla nica­ra­guayenne contre l’occu­pa­tion états-unienne de 1927 à 33, reste un mythe natio­nal. Le dra­peau noir et rouge de l’armée de Sandino « avait une ori­gine anar­cho-syn­di­ca­liste, car il avait été intro­duit au Mexique par des immi­grants espa­gnols ».

La poli­ti­que éclectique de Sandino était tein­tée d’anar­cho-com­mu­nisme, « assi­milé au Mexique au cours de la révo­lu­tion mexi­caine » où il fit ses clas­ses en syn­di­ca­lisme révo­lu­tion­naire. [14]

Malgré ses fai­bles­ses, le mou­ve­ment san­di­niste fut de plus en plus marqué à gauche, au fur et à mesure que Sandino réa­li­sait que « seuls les ouvriers et les pay­sans iront jusqu’au bout » du combat. Des coo­pé­ra­ti­ves pay­san­nes furent orga­ni­sées dans les ter­ri­toi­res libé­rés. Les forces amé­ri­cai­nes durent se reti­rer en 1933, et les sol­dats révo­lu­tion­nai­res furent peu à peu démo­bi­li­sés. Sandino fut assas­siné en 1934 et les col­lec­ti­vi­tés détrui­tes sur ordre du géné­ral Somoza, le nou­veau chef de gou­ver­ne­ment pro-amé­ri­cain.

Libye, Erythrée

Dans les années 1880 et 1890, « anar­chis­tes et ex-anar­chis­tesÉ furent parmi les oppo­sants les plus décla­rés contre les aven­tu­res mili­tai­res de l’Italie en Erythrée et en Abyssinie ». Le mou­ve­ment anar­chiste ita­lien pour­sui­vit cette lutte avec de gran­des cam­pa­gnes anti­mi­li­ta­ris­tes au début du XXe siècle, qui culmi­nè­rent lors de l’inva­sion ita­lienne en Libye le 19 sep­tem­bre 1911.

Augusto Masetti, un soldat anar­chiste qui tira sur un colo­nel s’adres­sant à ses trou­pes en par­tance pour la Libye, en criant : « A bas la guerre, vive l’anar­chie ! », devint le sym­bole de ces cam­pa­gnes. Le jour­nal L’Agitatore publia un numéro spé­cial en sa faveur, qui pro­cla­mait : « La révolte anar­chiste éclate dans la vio­lence de la guerre. » Cela pro­vo­qua des arres­ta­tions en masse. Dans leur majo­rité, les dépu­tés socia­lis­tes votè­rent en faveur de l’annexion, tandis que les anar­chis­tes orga­ni­saient des mani­fes­ta­tions contre la guerre et une grève géné­rale par­tielle, et essayaient de blo­quer les trains emme­nant les sol­dats des Marches et de Ligurie vers les ports.

La cam­pa­gne eut un énorme écho auprès des pay­sans et des ouvriers et en 1914 la coa­li­tion anti­mi­li­ta­riste, diri­gée par les anar­chis­tes mais ouverte à tous les révo­lu­tion­nai­res, comp­tait 20 000 mem­bres et tra­vaillait en étroite col­la­bo­ra­tion avec la Jeunesse socia­liste.

Lorsque le Premier minis­tre Antonio Salandra envoya ses trou­pes répri­mer les mani­fes­ta­tions lar­ge­ment anar­chis­tes contre le mili­ta­risme, contre les bataillons puni­tifs et pour la libé­ra­tion de Masetti, le 7 juin 1914, cette mesure marqua le déclen­che­ment de la Semaine Rouge de 1914, un sou­lè­ve­ment de masse qui sui­vait la grève géné­rale lancée par l’Unione sin­da­cale ita­liane (USI) anar­cho-syn­di­ca­liste. Ancona fut tenue pen­dant dix jours par les rebel­les, des bar­ri­ca­des furent érigées dans toutes les gran­des villes, de peti­tes villes des Marches décla­rè­rent leur auto­no­mie, et par­tout où pas­sait la révolte « les dra­peaux rouges étaient levés, les églises atta­quées, les voies de chemin de fer arra­chées, les villas mises à sac, les impôts abolis et les prix abais­sés ». Le mou­ve­ment s’éteignit quand les syn­di­cats socia­lis­tes appe­lè­rent à la fin de la grève, mais il fallut dix mille hommes de troupe pour repren­dre le contrôle d’Ancona. Après l’entrée en guerre de l’Italie, en mai 1915, l’USI et les grou­pes anar­chis­tes conti­nuè­rent de s’oppo­ser à la guerre et à l’impé­ria­lisme ; en 1920, ils lan­cè­rent une vaste cam­pa­gne contre l’inva­sion de l’Albanie par l’Italie et l’inter­ven­tion impé­ria­liste contre la Révolution russe. [15]

L’Irlande et James Connolly

En Irlande, pour pren­dre un autre exem­ple, les syn­di­ca­lis­tes révo­lu­tion­nai­res James Connolly et Jim Larkin s’effor­cè­rent dans les années 1910 de réu­ni­fier les tra­vailleurs par delà les divi­sions reli­gieu­ses sec­tai­res et de trans­for­mer le grand syn­di­cat qu’ils diri­geaient, Irish Transport and General Workers’ Union, en une orga­ni­sa­tion syn­di­ca­liste révo­lu­tion­naire, One Big Union. [16] Selon eux, le socia­lisme serait amené par la grève géné­rale révo­lu­tion­naire : « Ceux qui met­tent en place des orga­ni­sa­tions syn­di­ca­les pour répon­dre aux besoins actuels pré­pa­rent en même temps la société de l’ave­nirÉ le prin­cipe du contrôle démo­cra­ti­que fonc­tion­nera grâce aux ouvriers orga­ni­sés dans des fédé­ra­tions d’indus­trieÉ et l’État poli­ti­que et ter­ri­to­rial du capi­ta­lisme n’aura plus ni place ni fonc­tion ». [17]

Connolly, en anti-impé­ria­liste cohé­rent, s’oppo­sait à la ligne natio­na­liste selon laquelle « les tra­vailleurs doi­vent atten­dre » et l’Irlande indé­pen­dante être capi­ta­liste. Quelle dif­fé­rence, écrivait-il, si les chô­meurs étaient réunis au son de l’hymne natio­nal irlan­dais, que les huis­siers por­tent un uni­forme vert frappé de la harpe cel­ti­que au lieu de la cou­ronne d’Angleterre, et que les man­dats d’arrêt soient aux armes de la République d’Irlande ? En fait, « la ques­tion irlan­daise est une ques­tion sociale, et toute la longue lutte des Irlandais contre leurs oppres­seurs se résout en der­nière ana­lyse en une lutte pour la maî­trise des moyens de pro­duc­tion et de vie en Irlande ». [18]

Connolly ne se fiait pas aux capa­ci­tés de la bour­geoi­sie natio­nale de lutter vrai­ment contre l’impé­ria­lisme, car il la consi­dé­rait comme un bloc sen­ti­men­tal, lâche et anti-ouvrier, et il s’oppo­sait à toute alliance avec la classe moyenne naguère radi­cale qui « s’est age­nouillée devant Baal et que des mil­liers de liens économiques lient au capi­ta­lisme anglais, tandis que seuls des liens sen­ti­men­taux ou his­to­ri­ques en font des patrio­tes irlan­dais », de sorte que « seule la classe ouvrière irlan­daise est l’héri­tière incor­rup­ti­ble des luttes pour la liberté en Irlande ». Connolly fut exé­cuté en 1916, après avoir tenté un sou­lè­ve­ment qui échoua mais qui fut le véri­ta­ble déclen­cheur de la guerre d’indé­pen­dance de l’Irlande de 1919-1922, une des pre­miè­res séces­sions de l’Empire bri­tan­ni­que à avoir réussi.

Une révo­lu­tion anar­chiste en Corée

Un der­nier exem­ple. En Asie orien­tale, le mou­ve­ment anar­chiste appa­raît au début du XXe siècle et exerce une cer­taine influence en Chine, au Japon et en Corée. Lorsque le Japon annexe la Corée en 1910, des oppo­si­tions se font jour dans les deux pays et jusqu’en Chine. L’exé­cu­tion de Kotoku Shusui et de ses com­pa­gnons au Japon, en juillet 1910, fut notam­ment jus­ti­fiée par la cam­pa­gne qu’ils menaient contre l’expan­sion­nisme japo­nais. [19]

Pour les anar­chis­tes coréens, la lutte contre le colo­nia­lisme a été une acti­vité cen­trale : ils jouè­rent un rôle clef dans le sou­lè­ve­ment de 1919 contre l’occu­pa­tion japo­naise, et for­mè­rent en 1924 la Fédération anar­chiste coréenne dont le Manifeste décla­rait que « la poli­ti­que de bri­gand du Japon met en danger l’exis­tence de notre nation, et c’est notre droit le plus strict de ren­ver­ser le Japon impé­ria­liste par des moyens révo­lu­tion­nai­res ».

Selon le Manifeste, la ques­tion ne se résou­drait pas par la créa­tion d’un État natio­nal sou­ve­rain, mais seu­le­ment par une révo­lu­tion sociale des pay­sans et des pau­vres, tant contre le gou­ver­ne­ment colo­nial que contre la bour­geoi­sie locale.

La Fédération anar­chiste coréenne donna aussi une dimen­sion inter­na­tio­nale à la lutte, en créant en 1928 une Fédération anar­chiste d’Orient s’étendant à la Chine, au Japon, à Taiwan, au Vietnam et à d’autres pays. Elle appe­lait « le pro­lé­ta­riat du monde entier, en par­ti­cu­lier celui des colo­nies d’Asie », à s’unir contre « l’impé­ria­lisme capi­ta­liste inter­na­tio­nal ». En Corée même, les anar­chis­tes s’orga­ni­sè­rent dans la clan­des­ti­nité pour mener une lutte de gué­rilla, des acti­vi­tés de pro­pa­gande et d’orga­ni­sa­tion syn­di­cale.

En 1929, les anar­chis­tes coréens for­mè­rent une zone libé­rée armée en Mandchourie, où deux mil­lions de pay­sans et de gué­rille­ros vivaient en coo­pé­ra­ti­ves pay­san­nes libre­ment asso­ciées. La Korean People’s Association in Manchuria résista pen­dant plu­sieurs années aux atta­ques des forces armées japo­nai­ses et des sta­li­niens coréens sou­te­nus par l’Union sovié­ti­que, avant d’être réduite à la clan­des­ti­nité. Mais la résis­tance se pour­sui­vit malgré l’inten­si­fi­ca­tion de la répres­sion, et plu­sieurs opé­ra­tions armées furent orga­ni­sées après l’inva­sion de la Chine par le Japon en 1937.

L’abo­li­tion de l’impé­ria­lisme

Les anar­chis­tes ne peu­vent par rester « neu­tres » dans les luttes anti-impé­ria­lis­tes. Qu’il s’agisse des luttes contre l’endet­te­ment du tiers monde, contre l’occu­pa­tion israé­lienne en Palestine, de l’oppo­si­tion aux inter­ven­tions mili­tai­res amé­ri­cai­nes au Moyen Orient, nous ne sommes pas neu­tres, nous ne pou­vons pas être neu­tres si nous sommes contre l’impé­ria­lisme.

Mais nous ne sommes pas natio­na­lis­tes. Nous reconnais­sons que l’impé­ria­lisme tire son ori­gine du capi­ta­lisme, et que rem­pla­cer des élites étrangères par des élites loca­les ne ser­vira en rien les inté­rêts de la classe ouvrière et pay­sanne.

La créa­tion de nou­veaux États-nations revient à créer de nou­veaux États capi­ta­lis­tes au ser­vice des élites loca­les, aux dépens de la classe ouvrière et pay­sanne. La plu­part des mou­ve­ments natio­na­lis­tes qui ont « réussi » se sont tour­nés contre les ouvriers ; une fois qu’ils ont accédé au pou­voir, ils ont réprimé vio­lem­ment la gauche et les syn­di­cats. En d’autres termes, l’oppres­sion se pour­suit sous d’autres formes à l’inté­rieur du pays.

Et cela ne détruit pas l’impé­ria­lisme. Les États indé­pen­dants font partie du sys­tème inter­na­tio­nal des États et du sys­tème capi­ta­liste inter­na­tio­nal, où ce sont les États impé­ria­lis­tes qui ont le pou­voir d’impo­ser les règles du jeu. En d’autres termes, l’oppres­sion exté­rieure se pour­suit sous d’autres formes.

Cela signi­fie que tous les États et les capi­ta­lis­tes qui les contrô­lent sont bien inca­pa­bles de remet­tre en ques­tion sérieu­se­ment le contrôle impé­ria­liste, qu’ils cher­chent plutôt à faire pro­gres­ser leurs inté­rêts dans le cadre géné­ral de l’impé­ria­lisme. Les nou­veaux États conser­vent des liens économiques étroits avec les pays occi­den­taux du Centre, tout en uti­li­sant leur pou­voir d’État pour cons­truire une force à eux, dans l’espoir d’accé­der eux-mêmes au statut d’États impé­ria­lis­tes. La manière la plus effi­cace pour la classe domi­nante locale de déve­lop­per le capi­ta­lisme local, c’est de briser les mou­ve­ments des ouvriers et des petits pay­sans pour pou­voir vendre bon marché les matiè­res pre­miè­res et des pro­duits manu­fac­tu­rés sur le marché mon­dial.

Ce n’est évidemment pas une solu­tion. Il faut abolir l’impé­ria­lisme pour créer les condi­tions de l’auto­ges­tion de tous les gens dans le monde entier. Mais cela exige la des­truc­tion du sys­tème capi­ta­liste et du sys­tème étatique. En même temps, notre lutte est une lutte contre les clas­ses diri­gean­tes du tiers monde : l’oppres­sion locale n’est pas non plus une solu­tion. Les élites indi­gè­nes sont nos enne­mis tant au sein des mou­ve­ments de libé­ra­tion natio­nale qu’après la for­ma­tion de nou­veaux États-nations. Seule la classe ouvrière et pay­sanne peut détruite l’impé­ria­lisme et le capi­ta­lisme, et rem­pla­cer la domi­na­tion par les élites loca­les et étrangères par l’auto­ges­tion, l’égalité économique et sociale.

Voilà pour­quoi nous sommes favo­ra­bles à l’auto­no­mie de la classe ouvrière, à l’unité et à la soli­da­rité inter­na­tio­na­les, entre les pays et les conti­nents, et pour la créa­tion d’un sys­tème inter­na­tio­nal anar­cho-com­mu­niste par l’acti­vité auto­nome de tous les ouvriers et pay­sans.

Comme le disait Sandino, « dans cette lutte, seuls les ouvriers et les pay­sans iront jusqu’au bout. »

Notes

[1] N’krumah, Kwame, L’Afrique doit s’unir, Paris 1964.

[2] Cité par Daniel Guérin, L’Anarchisme, Paris, 1965, p. 81-82.

[3] Michel Bakounine [1866], « Points essentiels des catéchismes nationaux », in Guérin, D., éd., Ni Dieu ni maître, Paris 1969 p. 202.

[4] M. Bakounine [1873], Étatisme et anarchie, Leiden 1967, p. 235, 240, 242, 274.

[5] Voir Alexandre Skirda, Nestor Makhno, le cosaque libertaire, Paris 1999.

[6] G. Woodcock, Anarchism : a History of Libertarian Ideas and Movements. Penguin 1975, pp. 236-8. H. Oliver, The International Anarchist Movement in Late Victorian London, London 1983, p. 15. V. Richards, Malatesta : Life and Ideas, London, p. 229. P. Marshall, Demanding the Impossible : a history of anarchism, Fontana 1994, p. 347. D. Poole, « Appendix : About Malatesta », in E. Malatesta, Fra Contadini : a Dialogue on Anarchy, London, 1981, p. 42

[7] Saïl Mohamed, Appel aux travailleurs algériens (textes réunis et présentés par Sylvain Boulouque), Volonté anarchiste, 1994.

[8] Sylvain Boulouque, « Saïl Mohamed, ou la vie et la révolte d’un anarchiste algérien », in Mohamed, op cit.

[9] F.D., « Le Syndicat Marocain, » in La Bataille Syndicaliste, n° 1, 27 avril 1911.

[10] R. Kedward, Les Anarchistes, Lausanne 1970. P. Trewhela, « George Padmore : a critique », in Searchlight South Africa, vol 1, n° 1,1988, p. 50. M. Bookchin, 1977, The Spanish Anarchists : the heroic years 1868-1936, New York, London, 1977, p. 163. A. Paz, Un anarchiste espagnol, Durruti, Paris 1993 p. 46.

[11] Frank Fernandez, El Anarquismo en Cuba, Madrid 2000, p. 36.

[12] J. Casanovas, Labour and Colonialism in Cuba in the Second Half of the Nineteenth Century, Ph.D. thesis, State University of New York 1994 ; et « Slavery, the Labour Movement and Spanish Colonialism in Cuba, 1850-1890 », International Review of Social History, 40, 1995, pp. 381-2.

[13] Voir N. Caulfield, « Wobblies and Mexican Workers in Petroleum, 1905-1924 », International Review of Social History, 40, 1995, p. 52, et du même, « Syndicalism and the Trade Union Culture of Mexico » (paper presented at Syndicalism : Swedish and International Historical Experiences, Stockholm University : March 13-14, 1998) ; J. Hart, Anarchism and the Mexican Working Class, 1860-1931, Texas University Press 1978.

[14] D.C. Hodges, The Intellectual Foundations of the Nicaraguan Revolution, cited in The Anarchist FAQ, http://flag.blackened.net/i. Navarro-Genie, Sin Sandino No Hay Sandinismo : lo que Bendana pretende (ms : n.d.). A. Bendana, A Sandinista Commemoration of the Sandino Centennial (speech given on the 61 anniversary of the death of General Sandino, Managua, 1995).

[15] Carl Levy, « Italian Anarchism, 1870-1926 », in D. Goodway (ed), For Anarchism : history, theory and practice, London 1989, p. 56. G. Williams, A Proletarian Order : Antonio Gramsci, factory councils and the origins of Italian communism 1911-21, London 1975, pp. 36-7

[16] Sur Connolly et Larkin, voir E. O’Connor, Syndicalism in Ireland, 1917-23, Cork University Press, 1988. Sans entrer dans un débat sur Connolly, je signalerai juste que les tentatives récurrentes de faire de lui un stalinien, un trotskiste ou autre marxiste, ou encore un nationaliste irlandais pro-catholique, ne tiennent pas au regard des positions propres de Connolly sur le syndicalisme révolutionnaire après 1904 : voir notamment les textes réunis par O. B. Edwards et B. Ransom, James Connolly : selected political writings, London 1973

[17] J. Connolly [1909], « Socialism Made Easy, » Edwards et Ransom, op cit., pp. 271, 274, 262.

[18] J. Connolly, Labour in Irish History (Corpus of Electronic Texts : University College, Cork, Ireland [1903-1910]), p. 183, 25.

[19] Ha Ki-Rak, A History of Korean Anarchist Movement, Daegu (Korea) 1986.

Rebellyon, 24 février 2012