Archives de catégorie : Propagande marchande

La CGT aime tant le nucléaire (et le gaz de schiste)

La CGT aime tant le nucléaire (et le gaz de schiste)

Je rappelle, à toutes fins utiles, que Bernard Thibault est non seulement le secrétaire général de la CGT, mais aussi membre – longtemps très influent – du parti communiste depuis 1987. À ce titre, il fait également partie du Front de Gauche de M.Mélenchon. Lequel ne manquera pas de nous faire savoir ce que tout cela signifie. Mon point de vue est simple : l’imaginaire social de la gauche française est en fait le même que celui de la droite. De la croissance, des objets inutiles, des bagnoles pour aller perdre sa vie au boulot, des cancers made in France (ici).

Je crois qu’il faut retenir comme un emblème de cette gauche absurde, totalement dépassée par les événements la phrase de Thibault que vous trouverez ci-dessous : « [La fermeture de la centrale nucléaire de Fessenheim] ne sera acceptable que si elle est socialement  gérable ». Je rappelle, à toutes fins utiles, que la grande centrale ouvrière de M.Thibault – la CGT, donc – a siégé ès qualités au Comité permanent amiante (CPA), lobby créé par l’industrie pour tenter de fourguer encore quelques années de plus son produit massivement cancérigène. Grâce à quoi l’amiante n’a été interdit en France qu’en 1997. Au moins 3 000 personnes meurent chaque année d’avoir été exposées à cette fibre. Des dizaines de milliers vivent avec des plaques pleurales, des asbestoses, des cancers broncho-pulmonaires, etc. Jamais personne n’a seulement osé mettre en accusation la CGT pour avoir donné la main à un patronat criminel. Pourquoi se gênerait-elle, dites-moi, avec le nucléaire ou le gaz de schiste ?

Il y a une distance définitive entre le mouvement écologiste tel que je le défends et des organisations syndicales simplement incapables de défendre la vie de leurs mandants. Et la nôtre. Ne parlons pas des non-humains.

Planète sans visa, 16 septembre 2012

NdPN : l’article du Nouvel Obs, d’où sont tirés les propos de Thibault, est cité juste après.

Une nouvelle conférence environnementale bidon

Et une con-fait-rance environnementale, une !

La bouffonnerie est reine. Rions donc comme à Carnaval. Pleurons de même, puisque, de toute façon, notre impuissance est totale. Pour ce qui me concerne, je regarde avec stupéfaction la pantomime qui se prépare. Comment ? Vous n’êtes pas au courant ? Je résume pour les sourds et mal-entendants : M.Hollande réunit vendredi 14 et samedi 15 septembre, au palais d’Iéna de Paris, une Conférence environnementale. Sur le modèle, mais en parodie, du Grenelle de l’Environnement voulu par Sarkozy en septembre 2007. Je vous glisse sous forme de PDF deux documents que l’on a le droit de juger hilarants. Un sur le déroulement (organisation des débats.pdf), l’autre qui donne la liste des participants (invités.pdf).

Mon premier commentaire sera évident : le simple fait que se tienne pareil conclave marque une défaite du mouvement écologiste. En effet, le cadre imposé par les socialistes est digne de l’émission télévisée des années 70 qui s’appelait Chefs-d’œuvre en péril. On y considérait la France des villages et l’affreuse atteinte du temps sur les nobles monuments légués par l’Histoire. Il s’agissait de dépenser quelques picaillons pour sauvegarder un clocher ou l’aile d’un château. Ma foi, cela ne mangeait pas de pain. Refaire le coup près de cinquante ans plus tard n’est pas seulement ridicule : il s’agit d’une insulte jetée au visage des centaines de millions – qui seront bientôt des milliards – de victimes de la crise écologique planétaire.

Hollande and co, qui se moquent tant de l’écologie qu’ils ne savent pas ce que c’est, prétendent donc, avec l’aval des écologistes officiels qui participent, incarner une vision nationale des écosystèmes. C’est baroque, inutile de s’appesantir, mais comme il faut entrer dans les détails, allons-y. La question de l’énergie ? Les pauvres âmes qui nous gouvernent ne pensent qu’à une chose : gagner un point de croissance pour éviter d’être jetés au prochain scrutin. Le dérèglement climatique ? Plus tard, un jour, peut-être. Je sais que Hollande a vu à plusieurs reprises Christophe de Margerie, patron de Total, par l’entremise de Jean-Pierre Jouyet, cousin de ce dernier et patron de la Caisse des dépôts et consignations (ici).

C’est on ne peut plus normal compte tenu de leurs rôles respectifs, mais que se sont-ils dit ? Selon ce que j’ai glané – je ne suis pas certain -, ils ont abordé la question des gaz et pétroles de schiste. Côté cour, Hollande et ses amis refusent toute exploitation en France, où la technique de fracturation hydraulique est interdite par une loi votée la gauche et la droite l’an passé. Côté jardin, les mêmes misent sur un retournement de l’opinion, qui sur fond d’augmentation continue du prix du gaz domestique, pourrait accepter des forages en France. À la condition, par exemple, que les pétroliers bidouillent une technique présentée comme différente de la fracturation hydraulique. En façade, donc, intransigeance gouvernementale face aux gaz de schiste. Et en privé, encouragements donnés à Total pour malaxer l’opinion publique. L’affaire Bezat montre que nous sommes face à un plan concerté. En deux mots, Jean-Michel Bezat, journaliste au Monde, y publie le 26 juillet un reportage réalisé aux États-Unis – 700 000 puits en activité, des régions entières transformées en Lune aride – sur les gaz de schiste. Surprise relative – Bezat est un grand admirateur de l’industrie -, ce reportage est très favorable au point de vue des pétroliers. Et puis plus rien.

Et puis on apprend que le voyage de Bezat a été payé par Total (ici). On, mais pas les lecteurs du si déontologique quotidien du soir, qui n’ont évidemment pas le droit de pénétrer dans l’arrière-boutique. En résumé : Total prépare le terrain, en accord avec Hollande, pour qui l’exploitation des gaz de schiste en France serait une bénédiction électorale. Et une violation grossière de la loi Énergie de juillet 2005, qui prévoit une division par quatre des émissions de gaz à effet de serre en France à l’horizon 2050. Mais que représente la loi au regard d’une possible réélection ?

Revenons à la Conférence qui commence demain. Si j’ai abordé en commençant le dossier des gaz de schiste, c’est parce qu’il est emblématique. Comme l’est le nucléaire, défendu sans état d’âme par ce gouvernement, ainsi que par le précédent. Reportez-vous plus haut au déroulement des festivités. La table-ronde numéro 1 s’appelle : « Préparer le débat national sur la transition énergétique ». On devrait mettre au centre de toute discussion la crise climatique et les extrêmes dangers d’une industrie sans contrôle, le nucléaire. Or non. On va comme à l’habitude blablater, de façon à « définir les enjeux du débat national », puis « définir les grandes règles du débat national ». En 2012, après tant de centaines de rapports, tant d’alertes et de mises en garde, d’engagements passés – le référendum sur le nucléaire promis par Mitterrand en janvier 1981 -, nous en sommes encore au point mort.

Et nous le resterons, je vous en fiche mon billet. Deux ministres en exercice participent à cette table-ronde truquée : Delphine Batho, ministre de l’écologie, et Arnaud Montebourg, ministre du redressement productif. Les deux sont en faveur du nucléaire. Le second clairement en faveur de l’exploitation des gaz de schiste. Et de même madame Batho, qui, en hypocrite accomplie, fait semblant de croire que le dossier ne bouge pas. La fracturation hydraulique n’est-elle pas interdite par la loi ? À côté des deux ministres, une « facilitatrice » du nom de Laurence Tubiana. J’ai écrit sur elle en 2008, si cela vous intéresse : c’est ici.

Ceux qui acceptent de siéger dans ces conditions sont des dupes ou des manipulateurs. Peut-être les deux. Il n’y a pas de débat sur l’énergie, car les décisions ont déjà été prises. Ce que le pouvoir veut, c’est une caution. Il l’aura. Les écologistes officiels qui ont servi la soupe à Sarkozy il y a cinq ans peuvent bien aujourd’hui feindre qu’on ne les y reprendra plus. Si, on les y reprendra, aussi longtemps que les structures dégénérées qu’ils conduisent existeront. Voulez-vous qu’on parle des autres tables-rondes ? Bon, soit. L’intitulé de la deuxième est saisissant. La biodiversité s’effondre partout, mais, cocorico, on va s’atteler à la mise en œuvre de « la stratégie nationale pour la biodiversité » de manière à « favoriser la prise de conscience citoyenne ». C’est tellement con que ce n’est même plus drôle. On trouve ceci sur le site de notre ministère de l’Agriculture : « Grâce à l’Outre-mer, avec 11 millions de km2 de zone économique exclusive (ZEE), la France dispose du deuxième espace maritime  mondial, après celui des USA. Dans l’Océan Indien, les zones sous  juridiction française s’étalent sur une surface huit fois plus grande  que celle de la métropole. Cet immense espace maritime, réparti dans tous les océans, dote la France d’une grande richesse en matière de biodiversité marine, ce qui constitue à la fois un atout et une responsabilité. »

Formidable, hein ? Alors que l’Europe, pour une fois inspirée, souhaite interdire progressivement le chalutage profond, notre France vertueuse s’y oppose. S’y oppose, à nouveau pour de sordides intérêts politiciens. Or le chalutage profond est une catastrophe écologique planétaire (ici). Autre menu exemple : le nickel est en train de tuer à jamais des espèces endémiques de Nouvelle-Calédonie, venues en droite ligne du  Gondwana, supercontinent créé il y a 600 millions d’années et dont la Nouvelle-Calédonie est l’un des ultimes morceaux, à la dérive depuis bien avant l’arrivée des hommes sur terre. Non, bien sûr que non, on ne parlera pas de biodiversité. Et pas même chez nous, dans notre vieille France où l’agriculture industrielle est reine. Le Foll, ministre de l’Agriculture, a dealé depuis des semaines avec la FNSEA, puissance dominante, au point de ne pas même inviter à la Conférence de demain la Confédération paysanne, pourtant proche de la gauche. Au point d’aller visiter le 3 septembre les industriels français des biocarburants, fiers défenseurs d’une filière criminelle (ici). Je dois bien reconnaître que ces gens me dégoûtent.

Le reste ? Quel reste ? Table-ronde 3 : « Prévenir les risques sanitaires environnementaux ». Ministre présente : Geneviève Fioraso, militante déchaînée du nucléaire, des nanotechnologies, de la biologie de synthèse (ici). Les deux dernières tables-rondes, chiantes comme la mort dès leur énoncé, devraient causer fiscalité et gouvernance. Tout cela est à chialer. Mais comme je n’écoute que mon grand cœur, je n’entends pas vous quitter sans positiver un peu. Attention ! ce qui suit est à prendre au premier degré, malgré ce qui précède. Un certain nombre d’écologistes officiels, qui se rendront demain au palais d’Iéna, gardent ma sympathie. Notamment ceux du tout nouveau Rassemblement pour la planète (ici), comme André Cicolella, Nadine Lauverjat, Franck Laval ou François Veillerette. Ils vont tenter d’arracher quelques mesures dans le domaine de la santé, et même si je crois qu’ils se trompent sur le fond, ils ont mon estime et mon affection. Ceux-là du moins pensent à l’avenir.

Planète sans visa (blog de Fabrice Nicolino), 13 septembre 2012

URGENT : tracteur et moutons de NDDL à Paris

une vingtaine de militant.e.s contre l’aéroport de Notre Dame des Landes (ACIPA & occupant.e.s de la ZAD) viennent d’arriver sur la Champs de Mars à la veille de la Conférence environnementale.

- La Conférence environnementale des 14 et 15 septembre a censuré les sujets tabous, dont le projet de Notre Dame des Landes.

Bientôt expulsés, nous venons avec tracteur et animaux pour pâturer le Champs de Mars, le 13 septembre  à 16 h 00

Solidarité avec la lutte contre l’aéroport de NDDL et son monde !

Vu sur Indymedia Paris-IDF, 13 septembre 2012

[Poitiers] FO partenaire de Vinci pour la LGV

Après les tirades du député-maire Claeys et de la CFDT, c’est à FO de s’afficher en bon collaborateur de Vinci, dans le dossier de la ligne à grande vitesse (LGV) : Jean-Claude Mailly, entouré des représentants FO de la région, est ainsi invité mardi prochain à Poitiers-Biard, au siège de Cosea (filiale de Vinci).

Ce projet de LGV, aussi inutile que ruineux et nuisible, porté par une multinationale subventionnée à coups de milliards, est largement contesté depuis le début. On la croit enterrée ? Les « représentants » divers la déterrent à coups de forceps !

Au-delà du financement ruineux pour les contribuables d’un projet même pas rentable, cette LGV saccage littéralement l’environnement et les lieux de vie. Pourquoi donc, malgré la mobilisation et l’évidence des arguments contre la LGV, bureaucrates politiques et syndicaux s’accordent-ils à soutenir cette horreur ?

Au nom de L’EMPLOI, évidemment. L’emploi seul te sauvera, toi pauvre prolo. Car, comme tout bon citoyen le sait, emploi = pouvoir d’achat et croissance du capital = progrès ! Fin du débat, au turbin et vive le progrès ! Les paysans peuvent pleurer, les contribuables raquer jusqu’aux calendes grecques, les ouvriers suer sang et eau, la faune et la flore peuvent crever, les déchets radioactifs nous irradier pour des centaines de millénaires : on n’arrête pas le progrès (dire plutôt : développement durable).

Si les politiques voulaient vraiment le bien-être des populations, ils démissionneraient de leur fonction étatique consistant à s’arranger avec les exploiteurs pour se partager la plus-value extorquée sur les masses de prolos mis au turbin. Si les pontes syndicaux voulaient vraiment le bien-être des travailleurs, ils démissionneraient de leur fonction consistant à saper toute velléité d’indépendance des prolos dans leur lutte pour une société sans Etat et sans classes. La réalité de « l’emploi », c’est l’esclavage salarié, subi par des populations qui n’ont pas le choix, qui doivent obéir et trimer pour avoir droit de survivre au milieu des monceaux de richesses qu’elles produisent, et que d’autres s’accaparent au nom de  formules magiques nommées titres de propriété. Ce mot fumeux, « emploi », qu’on nous assène à longueur de JT, n’est que le cache-misère d’un processus de domination sociale et de destruction totale, le capitalisme, qui ne peut subsister qu’en extorquant toujours plus de plus-value sur les esclaves, qu’en rendant leur environnement toujours plus invivable. Doit-on attendre que la planète soit entièrement recouverte de talus et de rails, naviguant entre des océans de déchets ?

Il n’y a jamais eu de représentants du peuple ou des travailleurs. Il n’y a que des représentants de la domination sociale par l’esclavage salarial, que des cogestionnaires de la destruction sociale et environnementale.

Le carburant de ce rouleau-compresseur, c’est notre soumission. Nos révoltes seules l’arrêteront.

Pavillon Noir, 2 septembre 2012

LGV TOURS-BORDEAUX FO sur le terrain avec Jean-Claude Mailly

Jean-Claude Mailly, secrétaire général de la confédération Force Ouvrière, sera accueilli le mardi 4 septembre par Alain Barreau, secrétaire général de FO Vienne, à Poitiers-Biard au siège, et à l’invitation de Coséa LGV. Jean-Claude Mailly était déjà dans la Vienne le 11 mai dernier afin de présider le 27e congrès de FO Vienne. Mardi, il sera entouré de la délégation FO régionale Poitou-Charentes ainsi que de Patrick Ardouin, délégué FO Eurovia PCL, représentant la Fédération FO des Travaux publics. Jean-Claude Mailly rencontrera les représentants Coséa LGV et visitera le chantier LGV, à la rencontre des salariés à Coulombiers.

Nouvelle République, 2 septembre 2012

L’antédémocrate

L’antédémocrate

«I am an antichrist, I am an anarchist.» — Johnny Rotten

«Je suis antédémocrate, je suis anarchiste.» — Anne Archet

Le Directeur des élections du Québec nous apprend dans une ses pubs semi-hipster que le taux de participation aux élections ne cesse de diminuer. Il tente aussi de nous terroriser en nous disant que «notre démocratie est en danger».

À cela, j’ai envie de répondre:

1. Ce n’est pas «notre» démocratie, mais la vôtre; moi, je n’ai rien à faire là dedans, sinon à mon corps défendant.

2. Qu’elle soit en danger ne fait pas frissonner mes ovaires une seule seconde. Qu’elle crève, cette charogne.

3. Cessez de me charrier, elle n’est même pas vraiment en danger, alors cessez de bouffer du temps d’antenne et repassez-moi la pub rigolote avec le gars qui veut mettre ses moules à muffins sales directement dans le lave-vaisselle.

Ceci étant dit, il est bon de se rappeler (encore et encore et encore) que la démocratie, contrairement à ce que le DGE raconte, ce n’est pas permettre aux gens d’exercer le pouvoir : ce n’est rien d’autre que choisir ses maîtres – et encore, bien indirectement, parce que dans notre système uninominal à un tour, le zigoto pour qui vous votez, celui qui est élu dans votre comté et celui qui exercera le pouvoir à la fin de l’exercice sont la plupart du temps trois individus différents. Mais même si notre système devient parfaitement proportionnel (ce qui n’arrivera pas) la démocratie se résumera toujours à choisir ceux qui vont exercer le pouvoir de l’État en votre nom et pour l’essentiel contre vous. Je peux comprendre que la plupart de mes contemporains aiment avoir des maîtres. Je peux comprendre qu’ils se sentiraient désemparés sans patron, sans dirigeant, sans agent de police, sans curé, sans publicitaire, sans épigone du très saint René Lévesque pour leur dire quoi faire, quoi penser, quoi consommer et à quelle heure se laisser mourir. Ce que je comprends moins, c’est l’attitude de mes supposés camarades anarchistes (vous savez, les grands méchants loups dont votre mère, Jean Charest et Mathieu Bock Côté vous parlaient pour vous effrayer et ainsi que vous restiez tranquilles et finissiez votre soupe) qui ne cessent de se dire en faveur de la démocratie – pas celle qui existe en ce moment, non, mais la vraie de vraie, la directe, celles qu’ils et elles assimilent à l’anarchie. Quelle triste rigolade.

Je suis désolée d’avoir à leur apprendre, mais l’anarchie est radicalement antidémocratique. L’anarchie est la situation crée par la mise en marche et la confrontation active du désir, alors que la démocratie – quelque soit sa forme – est en est l’étouffement et la canalisation répressive dans le but de faciliter les activités du capitalisme et de la société industrialisée. Un aspect fondamental de la démocratie est d’empêcher les minorités de s’exprimer et d’agir à leur gré (c’est-à-dire, sans entraves, spontanément, sauvagement et immédiatement) en les confinant dans la position médiocre et inoffensive de «loyale opposition de sa majesté». Pour cette raison, la démocratie est un obstacle à l’émancipation du désir; elle agit comme une puissante idéologie de récupération et de contrôle, en plus d’être un excellent moyen de justifier et même de glorifier la répression des individus.

La démocratie carbure aux abstractions. La plus utilisée dernièrement est la fameuse «majorité silencieuse». À cela, il faut ajouter en vrac le «peuple», les «contribuables», les «citoyens honnêtes et respectueux des lois» et les «gens ordinaires qui se lèvent le matin et travaillent fort». Les indépendantistes aiment bien ajouter la «nation québécoise» à leurs envolées lyriques, les marxistes ne sortent jamais sans leur «prolétariat». Même les anars s’y mettent en lançant le «99%» à chaque détour de phrase. Toutes ces abstractions sont des agents de la répression, car ils établissent des critères d’inclusion et d’exclusion. Ceux qui ne sont pas inclus dans la catégorie, les exclus, les révoltés, les barbares, sont assimilés à des criminels, des asociaux indécents. C’est au nom de ces abstractions qu’est exercée «le gouvernement du peuple», qui n’est fondamentalement qu’une tyrannie violente et brutale de ceux qui se définissent comme l’incarnation du peuple authentique sur ceux qui en sont exclus.

Si la démocratie permet à la majorité de réprimer la minorité, qui fait partie de la majorité? La réponse est simple : personne.

La démocratie est un exercice visant à créer des minorités qui sont réduites au silence au nom de la volonté de la majorité. Or, ce n’est pas pour rien que la majorité est silencieuse, car est est constituée non pas d’individus, mais de normes. Majorité et normalité sont des phénomènes intimement liés. Selon Deleuze et Guattari, la majorité désigne un certain agencement de pouvoir qui sélectionne un étalon et dégage des constantes à partir de devenirs préexistants. Dans les faits, cet étalon est vide et que « la majorité, c’est toujours personne », puisqu’il s’agit d’un modèle abstrait, comme par exemple le fameux « homme-mâle-adulte-blanc-citadin-francophone-catholique-hétérosexuel-issu de la classe moyenne-qui aime les sapins de Noël ». Personne ne correspond jamais strictement à ce modèle; chacun dévie sur un point ou sur un autre — « un grain de beauté, une excroissance peuvent suffire » pour en diverger, comme le disaient non sans humour nos deux compères. C’est pourquoi Deleuze opposait « le fait majoritaire de personne» au « devenir-minoritaire de tout le monde ». Gouverner en s’appuyant sur la majorité ne correspond à rien d’autre que d’exercer le pouvoir à l’encontre de tous au nom d’une catégorie qui ne peut être que vide.

La démocratie est aussi (et surtout, puisque c’est ce qui fait son originalité par rapport aux autres modes de gestion de l’État) un mécanisme qui permet l’intériorisation par l’individu de la norme – l’intériorisation du contrôle et de la répression sans lesquels le capitalisme et l’industrialisme ne sauraient exister. Le peuple aime ses chaînes, s’identifie au système qui l’opprime et adhère à sa domination; ce n’est en soi guère surprenant puisque le «peuple» ne peut être défini indépendamment de cette société, mais est plutôt construit par elle. En intériorisant les normes de comportement promues par le système (celles de la majorité, qui je le répète est constituée non pas d’individus, mais de normes), l’individu accpete la répression de son propre désir (une opération nécessaire si on veut se plier à la volonté majoritaire et démocratique) en la transformant en une hostilité envers l’expression des désir des autres. Quand la psychologie du plus grand nombre porte ce caractère, la démocratie n’est rien d’autre que la dictature des aigres, des bigots, des rancuniers, des peureux et des mesquins – bref, des faibles dans le sens nietzschéen du terme, des êtres du ressentiment. Le jour, s’il arrive, où ça ne sera plus le cas, la démocratie devient instable, minée par les désirs qu’elle n’arrive plus à contenir, elle implosera littéralement et perdra son utilité pour le capitalisme

Sans un rejet des abstractions, des identités et des catégories sociales qui sont au cœur du concept de majorité démocratique et qui agissent comme des flics dans notre tête, il ne peut y avoir de destruction de l’État. Il ne peut y avoir au mieux que sa transformation, sa fragmentation et éventuellement sa renaissance dans une nouvelle – et possiblement plus puissante – forme. Et ça, c’est par définition le contraire absolu de l’anarchie.

Il faut refuser le chantage puéril de ceux qui déclarent que la seule alternative à la démocratie est le despotisme. Il s’agit d’un sophisme qui est inlassablement répété par les socialistes de tout poil, les libéraux, les conservateurs – bref, l’ensemble de tous les politiciens et de tous les militants. Il ne s’agit que d’une autre de ces propositions binaires, qu’un des multiples «faux choix» de la société du spectacle qui servent à maintenir le système en place. Jamais l’anarchie fera partie des choix offerts, jamais aurez-vous la possibilité de cocher une case pour la faire advenir, car l’anarchie est un refus de se faire gouverner tant par la majorité que par la minorité; c’est un refus de se faire gouverner, point barre. Il faut aussi refuser cette blague éculée que la démocratie permet, à défaut de nous permettre de nous réapproprier pleinement notre vie, de réaliser des progrès en ce sens. Ce n’est pas en étant de mieux en mieux domestiqués et en intériorisant de mieux en mieux notre oppression qu’on finira un jour, miraculeusement, par vivre en accord avec nos désirs.

Au lieu d’aller voter, au lieu de vous soumettre à la volonté démocratique qui par définition ne sera jamais la vôtre, au lieu d’attendre un éventuel messie qui se chargera de régler tous vos problèmes, pourquoi ne pas commencer à affirmer vos propres désirs? Se réapproprier sa vie, se laisser traverser par le désir et affirmer la souveraineté de sa volonté n’implique pas nécessairement la réduction des autres en esclavage. Il est possible de concevoir des espaces et des moments où se nouent et se dénouent des relations intersubjectives dénuées de répression. Il est possible de concevoir et surtout de vivre immédiatement, activement, dans le réel, des arrangements collectifs, des assemblages dans lesquels le désir s’articule pour fuir sans discontinuer d’un individu à l’autre et devient ainsi magnifié, productif, transfiguré. La démocratie ne permet, ni n’encourage la création d’espaces où ce genre de relations non-oppressives peuvent advenir et se multiplier. Elle ne s’intéresse qu’à créer des minorités exclues qu’elle soumettra à la volonté fictive d’une majorité constituée de personne. Mais vous, vous avez déjà fait l’expérience de cet état collectif à quelques reprises dans votre vie, envers et malgré le gouvernement, la police, le marché, la morale et le civisme, alors ne venez pas me dire que c’est impossible; ce fut bref, fugace, mais vous l’avez bel et bien vécu, ne serait-ce qu’une seule fois dans votre vie. Imaginez le bonheur, l’extase, même, de vivre perpétuellement dans cet état. Imaginez ce que ce serait de pouvoir vous réapproprier votre vie.

Si vous êtes capable de le faire, c’est que vous commencez déjà à devenir anarchiste, parce que ce que vous désirez, c’est l’anarchie.

Anne Archet sur son Blog flegmatique, le 24 août 2012

NdPN : sur le lien, un certain nombre de commentaires critiques intéressants pour le débat !

[Anti-LGV] Pique-nique contre la LGV à Marigny-Brizay

Mercredi 15 août, balade pique-nique (8 km) contre la LGV Tours-Bordeaux à Marigny-Brizay, organisée par le comité du Parti de gauche Nord-Vienne Châtellerault. Rendez-vous mercredi 15 août à 10 h, place centrale derrière l’église de Marigny-Brizay. Pique-nique partagé, verre de l’amitié offert. Covoiturage possible. Renseignements 06.65.28.62.79.

Presse aménageuse (La Nouvelle République), 13 août 2012

l’affiche de la balade