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Lucy Parsons – « Aux vagabonds » (Traduction)

Lucy Parsons – Aux vagabonds

Traduction : Jean, groupe Pavillon Noir – Fédération Anarchiste 86

Aux vagabonds

Aux vagabonds, aux chômeurs, aux déshérités, et aux miséreux.

Aux trente-cinq milliers de personnes qui errent en ce moment même dans les rues de cette grande ville, les mains dans les poches, contemplant l’étalage de la richesse et du plaisir avec la résignation de ceux qui n’y prennent aucune part, à ceux n’ayant pas même assez pour se procurer de quoi apaiser les affres de la faim qui leur tenaille les entrailles. C’est à vous, et aux centaines de milliers de personnes partageant la même situation dans ce grand pays d’abondance, que je souhaite adresser ces mots.

N’avez-vous pas bossé dur toute votre vie, depuis que vous fûtes en âge d’être utilisés dans la production de la richesse ? N’avez-vous pas trimé longuement, durement et laborieusement en produisant toutes ces richesses ? Et pendant toutes ces années de corvées, ne savez-vous pas que vous avez produit des milliers et milliers de dollars de richesses, dont vous n’avez possédé, ne possédez et, à moins que vous n’AGISSIEZ, ne posséderez jamais la moindre part ? Ne savez-vous pas, lorsque vous étiez attelé à la machine, cette machine attelée à la vapeur, alors que vous trimiez vos dix, douze ou seize heures par jour, que pendant tout le temps de toutes ces années, vous n’avez juste reçu du produit de votre travail que de quoi vous procurer la plus humble et grossière pitance nécessaire à votre survie ? Et que, lorsque vous avez voulu vous procurer quelque chose pour vous-même et vos familles, cela n’a jamais été que de la qualité la plus basse ? Que si vous vouliez vous rendre où que ce soit, vous deviez attendre jusqu’au dimanche, en ne gagnant si peu de votre travail implacable que vous n’osiez réellement vous arrêter un seul instant ? Et ne savez-vous pas que, malgré tous vos renoncements, vos privations, vos économies, il ne vous a pourtant jamais été permis de vous éloigner, ne serait-ce que quelques jours, des hurlements de la misère ? Et qu’au final, quand par caprice votre employeur a jugé profitable de prononcer l’artificielle pénurie en limitant la production, que les feux des fourneaux furent éteints, que le cheval de fer auquel vous fûtes attelés se reposa, que la porte de l’usine fut verrouillée, vous fûtes jetés sur la route comme des clochards, la faim à l’estomac et les haillons au dos ?

Mais, votre employeur vous a dit que c’était la surproduction qui l’avait contraint à fermer. Qui s’est soucié des larmes amères et de la peine affreuse de votre épouse aimante et de vos enfants désarmés, lorsque vous leur avez adressé un pathétique : « Dieu vous bénisse », avant de vous jeter sur la route des vagabonds, partant en quête d’un emploi, loin ailleurs ? Je vous le demande, qui s’est préoccupé de ces peines et souffrances ? Vous avez n’étiez désormais qu’un clochard, proie de l’opprobre et des dénonciations, « va-nu-pieds et vagabond » pour toute cette classe même qui précisément s’était employée toutes ces années durant, à vous voler, vous et les vôtres. Alors, ne voyez-vous pas enfin que « bon patron » et « mauvais patron » ne signifient rien ? Que vous n’êtes que leur proie commune, et que leur tâche ne consiste purement et simplement qu’à vous voler ? Ne voyez-vous donc pas que c’est le SYSTEME INDUSTRIEL lui-même, et non le « patron » qui doit être changé ?

Maintenant que toutes ces belles journées d’été et d’automne sont passées, que vous n’avez toujours pas d’emploi, et donc rien mis de côté ; maintenant que l’hiver souffle du nord et que toute la terre est ensevelie d’un linceul de glace ; n’écoutez pas la voix de l’hypocrite qui vous dira qu’il a été ordonné par Dieu qu’il « y aura toujours des pauvres au milieu de vous« , ou à l’arrogant voleur qui vous dira que « si vous n’avez rien maintenant, c’est que vous vous êtes saoûlés avec vos payes l’été dernier quand vous aviez du travail », que « le foyer ou le chantier est trop bon pour vous« , que « vous devriez être fusillé« . Et vous tirer dessus, ils le feront si vous vous plaignez avec trop de bruit. Alors non, ne les écoutez pas eux, mais écoutez ! L’hiver prochain, quand le vent glacial se glissera à travers les déchirures de tes haillons miteux, quand le givre vous mordra les pieds à travers les trous de vos souliers usés, quand tous les malheurs sembleront s’acharner sur vous et en vous, quand la misère vous aura marqués à jamais, que votre vie sera devenu un fardeau et l’existence une sinistre farce, lorsque vous aurez marché dans les rues jour après jour et dormi chaque nuit sur le dur, et que vous serez finalement déterminés à vous ôter la vie de vos propres mains – préférant rejoindre le néant que de supporter plus longtemps le fardeau d’une telle existence – si jamais vous vous résignez à vous jeter vous-même dans l’étreinte glaciale d’un lac plutôt que de souffrir plus longtemps : arrêtez-vous, avant de commettre le dernier acte tragique du drame de votre pauvre existence. Stop ! N’y a-t-il rien que vous puissiez faire pour préservez d’un tel sort ceux que vous vous apprêtez à rendre orphelins ? Les vagues ne vous frapperont que pour railler votre acte absurde ; mais promenez-vous dans les avenues des riches et regardez par les somptueuses fenêtres l’intérieur de leurs demeures voluptueuses, et vous y découvrirez très précisément les voleurs qui vous ont dépouillés, vous et les vôtres. Alors, traduisez votre tragédie en actes, sur le champ ! Réveillez-les de leur gaieté de vivre, à vos frais ! Envoyez-leur votre pétition et laissez-leur la lire à la rouge lumière de la destruction. Ainsi, lorsque vous lancerez « un dernier regard en arrière », vous pourrez être assuré que vous aurez parlé à ces voleurs le seul langage qu’ils aient jamais été capables de comprendre, car ils n’ont jamais daigné remarquer aucune pétition signée par leurs esclaves tant qu’ils n’ont été obligés de les lire à la lumière rouge du canon, ou tant qu’elles ne leur ont été tendues jusqu’à à eux à la pointe de l’épée. Vous n’aurez besoin d’aucune organisation lorsque vous vous déciderez à présenter ce genre de pétition. En fait, une organisation serait un préjudice pour vous ; car chacun d’entre vous, vagabonds affamés qui lisez ces lignes, pouvez faire vôtres ces petites méthodes artisanales de guerre que la Science a mis entre les mains des pauvres gens, et vous reprendrez alors le pouvoir, ici ou dans toute autre pays.

Apprenez l’utilisation des explosifs !

Dédié aux vagabonds par Lucy E. Parsons

Lucy E. Parsons, « To Tramps » Alarm, 4 Octobre 1884. Imprimé et distribué comme tract par l’International Working People’s Association. Traduction française : Jean (groupe Pavillon Noir, Fédération Anarchiste 86)

ndPN : voir le texte original ici

http://courses.washington.edu/spcmu/speeches/lucyparsons.htm

Un article est aussi paru dans le Monde Libertaire sur la vie de Lucy Parsons ( « Lucy Parsons, la révoltée » – Jean, groupe Pavillon Noir, FA 86), :

http://www.monde-libertaire.fr/portraits/13010-lucy-parsons-la-revoltee

Groupe Pavillon Noir, 30 décembre 2011

[Corée du Nord] Crevure 2 est mort, à bas Crevure 3

Après le règne de « Grand Leader Président Eternel » Kim Il-Sung, puis celui de « Cher Dirigeant Soleil De La Nation » Kim Jong-Il, voici venir le règne de « Brillant Camarade » Kim Jong-Eun…

Dictature népotiste du parti unique, culte de la personnalité, bourrage de crâne avec l’idéologie du « juche« , censure, corruption, interdiction de manifester, interdiction de circuler, camps de concentration condamnant 200.000 personnes au travail forcé, militarisme exacerbé, stérilisation des nains, fermeture des frontières, famines dévastatrices, nucléocratie, pollution massive et déforestation, persécutions religieuses, faible espérance de vie, voici le brillant tableau de l’Etat à la sauce nord-coréenne, dont le totalitarisme décérébrant n’a rien à envier aux autres systèmes autoritaires capitalistes.

La Corée demeure hélas sous le joug des dictatures les plus diverses. Après les horreurs de l’occupation japonaise (massacres et viols de masse), elle est aujourd’hui divisée entre la dictature pseudo-communiste du nord, soutenue par la Chine… et la pseudo-démocratie capitaliste au sud, soutenue par les Etats-Unis qui y ont toujours leurs bases militaires, et actuellement dirigée par les conservateurs libéraux menant une politique de rouleau-compresseur sur le plan social.

Souhaitons aux Coréen-ne-s de se débarrasser un jour de tous leurs gouvernants, et de renouer avec leur histoire révolutionnaire anti-autoritaire !

Lire à ce sujet cet article : http://www.anarkismo.net/article/20947

자유 !

Jui Jyang-Ah, groupe Pavillon Noir (Fédération Anarchiste 86), 19 décembre 2011

Ca tourne pas rond

Une petite nouvelle pour égayer les « vacances »

Ca tourne pas rond

Mon cube radio-réveil s’enclenche. Ses lettres digitales, en carrés italiques, m’indiquent qu’il est sept heures et quart. Il me faut quitter les draps carrés de mon lit carré. Je sors de ma petite chambre cubique, appuie sur l’interrupteur carré du corridor, vais aux petits coins et m’essuie de quelques feuillets carrés (toujours pliés en deux, voire en quatre). J’ouvre la lucarne carrée de la cuisine, puis son volet carré. De gros nuages s’effilochent sur les tours modernes et carrées de mon quartier résidentiel. Je m’assieds à ma chaise à quatre pieds pour manger, sur ma table carrée, des toasts carrés et chauds, tout droit sortis du grille-pain carré. Je me désaltère d’un verre de lait frais, tout droit sorti de la brique laitière en provenance du cube réfrigérant. J’enduis la surface du toast de lamelles prélevées parallèles sur le beurrier.

 L’écran carré de ma boîte à images m’apprend que de nouvelles charrettes structurelles sont opérées. Que dans une boîte, quatre syndicats représentatifs ont négocié 400 licenciements au lieu des 500 prévus, mais que des brutes ont malgré cela séquestré leur patron entre les quatre murs de son bureau, toute la nuit – le pauvre. Qu’un virus se répand, qu’il vaudrait mieux mettre des masques, et rester dans son clapier (appartement, maison, tour HLM). Que le nouveau pape (paix à l’âme du précédent, dont le cercueil cubique a eu les honneurs d’un carré d’hommes d’Etat) a reçu le président de la République, qui à l’occasion a fait le signe de croix. Que les élections sont dans quatre jours et que c’est un devoir qu’y participe tout citoyen bien éduqué entre les quatre murs de l’école républicaine, sur les bancs en rangs et en colonnes face au tableau noir et carré du savoir. Il sera bientôt temps d’aller placer un bulletin carré dans une urne cubique. Il semblerait à ce propos que quatre partis fassent de nouveau cartel pour trouver un créneau politique. Je m’en fous, je vote à droite.

 A la prise carrée je branche mon rasoir électrique, qui vrombit pour débusquer les poils rétifs qui ça et là poussent, remettant jour après jour en cause mon visage d’homme civilisé. J’insiste bien sur le contour de mon menton carré et volontaire. Je suis plutôt beau gosse. Devant mon miroir carré, je brosse mes dents carrées, puis je vais à ma douche carrée m’asperger d’eau (l’eau ne ruisselle pas à l’extérieur, j’ai récemment installé une tringle à rideau à angle droit, avec le rideau carré qui va avec, très design avec ses motifs carrés). Je déplie une serviette carrée pour sécher mes épaules bien carrées – je fais quarante pompes tous les jours.

 Des tiroirs carrés de mon armoire carrée, je sors un boxer (un slip carré, c’est plus à la mode que les vieux kangourous), des chaussettes bien pliées, un t-shirt plié au carré. A la tringle, un pantalon avec la petite couture bien faite, et l’ourlet bien carré.

 Devant mon miroir… un coup de peigne – histoire de me remettre les cheveux bien droits. Je remets mon portefeuille carrée dans la pochette de ma veste, carre ma sacoche carrée sous le bras et hop, me voilà fin prêt pour me rendre à la boîte.

 Clac, je referme ma porte carrée, un coup de clé dans la serrure. La cage de l’ascenseur est encore en panne. En négociant l’un des angles droits de la cage d’escaliers, j’allume mon portable. L’écran carré me demande quatre chiffres. Un seul message – publicitaire – m’annonce que j’ai le droit à 4% de réduction à la FNAC sur tous les produits à condition que je m’y rende sous quatre jours. Ca tombe bien, mon chef m’a parlé du coffret de l’intégrale de Johnny Halliday, je passerai lui prendre. Tiens, des vandales ont encore pété le grand miroir carré de l’entrée. Quels petits cons, ce quartier devient infréquentable. Malgré les portes blindées et le code à quatre chiffres du digicode qui change tous les mois, ces drogués sont encore capables de venir foutre la merde. Bientôt il nous faudra un vigile pour remplacer la gardienne dans son local à l’entrée de la résidence, sinon ce sera l’anarchie !

 Dans le box qui m’est attribué par un panneau, mon 4×4 m’attend… Plus que quatre mois à rembourser. Un gros emprunt dont je viens à bout, mais il en valait bien le coup, quoique j’envisage sérieusement de prendre le modèle au-dessus. Je fais gronder son moteur à quatre cylindres. Le battant carré de la résidence s’ouvre en silence grâce au bouton supérieur droit de mon bip.

 La quatre-voies est quadrillée de véhicules… sauf la voie de bus, désespérément vide. Quelle connerie, tout ça pour quelques clampins qui attendent dans un abribus cubique au bout de la rue au carrefour ! Au final le bus qu’ils prennent va plus vite que mon 4×4. C’est le monde à l’envers…

 Vivement que je m’arrache de ce quartier de tours bétonnées… Des publicités sur grands panneaux carrés égaient un peu la morosité du paysage monolithique. L’une vante les mérites du dernier téléviseur à écran plat, disponible chez Carrefour – il faudra que j’y fasse un crochet l’un de ces quatre. L’autre l’abonnement à la quatrième chaîne (la boîte du décodeur est gratuite pendant les quatre semaines de l’offre). Ca je m’en fous, je l’ai déjà, et je vais sans doute le résilier : avec les quarante chaînes du câble c’est foot et porno tous les jours.

 J’arrive à la boîte, gare ma quatre roues motrices sur la grande place carrée qui lui est réservée. Je passe au carré détente, histoire de prendre un café à la machine cubique, et monte par l’ascenseur au quatrième étage, deuxième bureau à droite. Mon chef m’attend, son rubik’s cube à la main (à la boîte tout le monde appelle mon boss le Kube). Il me remet la chemise carrée du jour mais me demande d’attaquer les choses sous un autre angle pour ce client, avec un clin d’œil bien appuyé. On va pas couper les cheveux en quatre, message bien reçu ! En partant je lui annonce que j’ai fait deux minutes au rubik’s cube hier soir. Il salue l’effort, d’un sourire paternel, un peu condescendant. Mais il peut se le permettre, c’est un pro du cube, il le fait en quarante secondes – je l’ai déjà vu faire, il faut le voir pour y croire.

 Dans l’open space, je vais coincer la bise à mes collaboratrices, quatre jolies stagiaires qui se mettent en quatre pour moi. Je rejoins mon box et place le dossier dans mon étagère. J’ouvre ma boîte mail perso, j’ai deux options pour ce soir. Une cliente, la quarantaine jolie, me propose une soirée restau-ciné-boîte. Ca tombe bien, j’ai un certain carnet d’adresses et je sais comment parler aux femmes :

 dîner quatre étoiles en carré VIP ? j’ai ça en magasin

 Un collègue, la quarantaine bedaine, me propose aussi un tennis en salle ou un squash. Mon choix est déjà fait : une partie de boules vaudra toujours mieux que de taper une balle dans des petits carrés. Et puis à la réflexion, le collègue est peut-être un peu pédé. Oui, il a sans doute de mauvaises intentions derrière la tête… il s’imagine quoi, ce mec ?

 Cette conne de femme de ménage le fait exprès… la photo de ma gamine est encore posée à plat sur le bureau. Comme si c’était difficile de remettre droit un cadre photo après l’avoir dépoussiéré… Je le remets comme il faut à l’angle de mon bureau. Cette fainéante a aussi oublié de déposer mes enveloppes dans la boîte du courrier urgent du lendemain. Pourtant je les avais disposées, bien en évidence, en une pile carrée, bien nette. Elle n’y a pas touché. Ah ça, ça pousse des chariots mais quand il s’agit de mettre quelque chose dans une boîte aux lettres, y’a plus personne. On se demande à quoi on les paye, ces Africaines. Je me demande si elle a ses papiers d’ailleurs. J’en parlerai au Kube un de ces quatre, qu’il en touche deux mots à ses amis de la préfecture.

 Ma gamine elle, par contre, c’est une bosseuse. Hypokhâgne khâgne. Elle a même khubé. Puis droit des affaires. Mais pas qu’une lettreuse : c’est aussi une as en sudoku, comme son père. Le gamin de ma femme de ménage, lui c’est sûr, casse des miroirs dans les carrés résidentiels de braves gens qui travaillent, et vend du shit plutôt que de travailler dignement… pauvre hexagone. Allez, il est déjà et quart. Un rail, au travail.

 Je suis expert fiscaliste. Je carre des chiffres dans des colonnes et des lignes en tapant sur les touches carrées de mon clavier. Sur mon écran carré, je fais en sorte que tous ces chiffres trouvent leur petite place. Et j’adore ça. Je remplis des déclarations fiscales en mettant ce qu’il faut dans des cases pour l’Etat, en remplissant d’autres cases pour que l’Etat déduise l’équivalent ; je place ce qu’il faut dans des niches. C’est un métier qui exige de la rigueur, un esprit carré. Tout le monde n’en est pas capable mais ça tombe bien, c’est mon profil et je suis l’un des meilleurs, dans le coin ; ça remplit le coffre de mon compte en banque et ça me fait des relations humaines, bien utiles pour ma carrière.

 Alors pourquoi ces crises d’angoisse ? J’ai beau gober mes quatre comprimés par tranche de vingt-quatre heures…

quelque chose ne tourne pas rond.

John Rackham, 2008

[Poitiers] CR du procès des 5 inculpé-e-s suite au squat contre Vinci

[Poitiers] CR du procès des 5 inculpé-e-s suite au squat contre Vinci

Aujourd’hui a eu lieu au tribunal correctionnel de Poitiers le procès des 5 personnes inculpées, suite à la plainte de la mairie PS, pour la tentative de squat contre Vinci. Des dizaines de personnes sont venues soutenir les inculpé-e-s, salle comble. De nombreux policiers aussi…

Le procureur relaie la version des policiers, parle de gens « vêtus de sombre », s’opposant aux forces de l’ordre par une « barricade » et une « opposition violente à coups de manches à balais, de pieds et de poings ». Parle de gardé-e-s à vue refusant de donner leur identité, parle d’antécédents pénaux pour les personnes finalement présentées au tribunal sur les 41 arrêtés (celles « n’en ayant pas » ayant été relâchées), et de leur « rôle actif ». Rappel de la loi Estrosi sur participation à un « attroupement temporaire en vue de commettre des dégradations et-ou des violences », selon lui applicable car les individus auraient une « unité de versions, de comportements et de vêtements », et donc se seraient « concertés ». Parle de « dégradations », de banderoles, d’une « opposition violente ». Et demande une sanction « proportionnelle » aux « faits » et aux « casiers » : 2 mois de taule avec sursis pour chaque personne, assortis pour quatre d’entre elles d’une mise à l’épreuve de deux ans avec obligation de travailler en vue d’indemniser les « dégradations »… Rien que ça !

Trois avocats démontent alors l’accusation : comment évoquer le casier des 5 personnes alors que les autres déclarations des 20 personnes relâchées, dont l’identité n’a même pas pu être confirmée et qui ont été relâchées, ne figurent même pas au dossier ? Il s’agit d’une accusation « pour l’exemple » car le dossier est vide de faits imputables aux prévenu-e-s. Une avocate explique que le samedi, un policier lui a signifié qu’il n’y avait « aucun risque » de nouvelle audition car « pas d’éléments ». Or elle a été rappelée le dimanche, et le même policier piteux lui a répondu « c’est pas moi qui décide ». Il n’y a aucune infraction constituée consultable dans le dossier donné aux avocats. Si la justice retient la seule accusation « d’attroupement en vue de », c’est précisément parce qu’il n’y a rien d’imputable individuellement ! Rappel du conseil constitutionnel sur la loi Estrosi : il faut démontré que les individus ont participé sciemment, donc prouver d’une part cette intention préalable, et d’autre part qu’il y ait des éléments matériels et moraux prouvés et imputables individuellement (sans parler qu’il est inimaginable de s’appuyer sur les casiers antérieurs éventuels… pour affirmer une culpabilité dans une affaire). Or là il n’y a rien, sinon des actes seraient poursuivis… La barricade ? Des sacs de gravats laissés sur place par Vinci qui faisait des carottages dans la maison… Des portes dégradées ? Juste enlevées de leurs gonds et posées, rien de plus normal dans une maison qui selon le témoignage d’une voisine, était inoccupée depuis longtemps et régulièrement visitée avec le portillon ouvert… Les fameuses « armes » retrouvées et étalées sur un drap pour donner l’impression d’un petit arsenal ? Il s’agit en fait de matériel laissé sur place pour les travaux de Vinci, plus une petite visseuse (sans vis) retrouvée dans la poche d’un bricoleur, et un petit cutter retrouvé au fond d’un sac d’une autre personne… d’ailleurs même pas placé sous scellé ! Rien ne peut être imputée aux 41 personnes arrêtées, la porte était déjà fracturée et des travaux en cours… Les violences contre les policiers ? Il n’y en a eu aucune, car aucun policier n’a été blessé ni même n’a porté plainte… alors qu’en revanche, un inculpé, qui affirme qu’il était alors pacifique, a été tazé par un policier ! le « refus de sortir » aux injonctions de la police ? Comment faire autrement dans une maison encerclée, avec des occupant-e-s « pris-e-s de panique »… Les inculpé-e-s étaient simplement tou-te-s venu-e-s à une discussion sur l’urbanisme, dans un lieu ouvert, pour s’informer. Illeux se sont au final retrouvé-e-s encerclé-e-s par un dispositif policier énorme, moult battage médiatique à l’appui : toute la police de Poitiers, des renforts de Châtellerault, la gendarmerie, un policier tenant un flashball, et un grand spectacle télé et journal… pour rien.

L’avocate de la mairie de Poitiers (propriétaire de la maison après avoir exproprié sa propriétaire pour permettre à Vinci d’y faire ses travaux pour que des bus passent), qui a fait une « leçon de morale » selon une avocate, aurait dû s’en abstenir car c’est bien à cause de la plainte de la mairie PS de Poitiers qu’une procédure pareille a pu être lancée pour justifier une telle opération policière et médiatique… Face à un réquisitoire demandant des peines « disproportionnées » de deux mois de prison avec deux ans de mise à l’épreuve, pour une maison occupée deux heures, même pas dégradée par les occupant-e-s, et qui va être… détruite !

Les avocats dévoilent au final leurs soupçons sur l’instrumentalisation de l’affaire : en fait, depuis le 10 octobre 2009, « on interpelle vite et fort » à Poitiers. Cette baudruche médiatique n’avait pour but que de montrer une police « efficace », mais il n’y a rien pour appuyer et justifier une telle opération judiciaire, à l’appui de cette communication-spectacle.

La relaxe est évidemment demandée.

Jugement rendu jeudi 12 janvier à 14h.

On retiendra de cette pitoyable séance le dégonflement de la baudruche de la version policière… face à une défense qui a implacablement démonté une accusation vide de tout élément matériel ou moral, et qui a dénoncé comme il se devait l’interprétation biaisée de la loi Estrosi par la police et le parquet, pour une fois de plus poursuivre et criminaliser des personnes… bien ciblées.

Pour l’anecdote et l’illustration de cet épilogue, revenons au début. En arrivant au tribunal une personne préposée à la sécurité, lorsque je lui ai demandé où se trouvait l’audience, m’a répondu « ah, c’est pour les anarchistes, là » ?

No comment.

Jeannette, groupe Pavillon Noir, FA 86, 8 décembre 2011

NB : action de soutien à Nantes, à lire sur Indymedia Nantes :

Solidarité avec les inculpées de Poitiers 

« Poitiers, Nantes, à bas leurs nécropoles »

Le 5 novembre à Poitiers, une maison est occupée pour lutter contre VInci et l’aménagement du « coeur d’agglo ». Cinq personnes sont ciblées parmi une cinquantaine arrêtées, et passent en procès aujourd’hui, après un mois de contrôle judiciaire.

En soutien, des banderoles ont été posées sur les ponts du périph de Nantes:
« Solidarité avec les inculpées de Poitiers »
« Poitiers, Nantes, à bas leurs nécropoles »
« Vinci dégage, résistance et sabotage »
« En Russie Vinci assassine »
« Au Niger, à Nantes… et partout Vinci détruit nos vies »
« Crève Vinci, PS et leur monde »
« stopvinci.noblogs.org »

La répression des luttes ne nous surprend pas, elle est l’arme de l’Etat: isoler quelques individus pour affaiblir des résistances collectives. Face à cela, au contraire, nous créons et renforçons des liens avec celleux qui s’opposent à ce monde de merde.
A Nantes jeudi dernier, comme à Toulouse le 15 novembre, les mercenaires de l’Etat sont venus en force arrêter des gens chex elleux, certaines sont enfermées depuis, d’autres attendent leur procès.
Que ce soit contre la PJJ qui gère les Etablissements Pénitentiaires pour Mineurs, ou contre VInci qui en construit (entre autres merdes), nous sommes et serons solidaires!

Indymedia Nantes, 8 décembre 2011

Tract Pavillon Noir – Désertons les urnes, occupons la rue – Abstention active aux élections !

DÉSERTONS LES URNES, OCCUPONS LA RUE !

Abstention active aux élections !

LE SEXISME, L’ÉCOLE, L’ENTREPRISE, LES MÉDIAS ET LES POLITICIEN.NE.S nous moulent dans une vision résignée, hiérarchiste et autoritaire des rapports sociaux. Ils taisent, dénigrent, étouffent et répriment toutes tentatives de réinventer des rapports humains sans pouvoir, sans « spécialistes ». Les pouvoirs nous éduquent à la croyance qu’ils sont indispensables et perfectibles. Et malgré leur responsabilité fagrante dans le désastre social et écologique actuel, ce discours continue de nous être asséné par les partis politiques.

LE CIRQUE DES ÉLECTIONS de « représentant.e.s » nous est ainsi présenté comme un « droit » et même un « devoir civique ». Et pourtant, si l’on connaît un peu l’histoire, le droit de vote n’a été accordé que très progressivement. D’abord aux seuls riches et de sexe masculin. Il n’a été élargi qu’après des décennies de luttes sociales indépendantes des pouvoirs, et uniquement dans la mesure où la bourgeoisie et les gouvernements en place s’assuraient bien que ce droit de vote… ne remettrait pas en cause les fondements de leur domination : la propriété patronale et étatique des moyens de production. Qui excluent de fait les populations des décisions réelles sur la société dont elles veulent. Le parlementarisme est un simulacre de démocratie. Les élections vont de fait avec le capitalisme et l’État. Elles entérinent, en jouant avec l’accord des exploité.e.s elles.eux-mêmes, la dépossession globale de nos existences et l’accaparement des décisions réelles qui nous concernent par une « élite » de bourgeois.es et de bureaucrates. Cette domination ne repose pas que sur le « consentement » forcé des populations à obéir et à relayer les ordres, mais aussi sur l’abrutissement médiatique, le chantage généralisé à « l’emploi », la répression.

CERTAINS PARTIS (la « gauche », les « écologistes », les « antilibéraux ») prétendent qu’il est possible de « peser » sur les appareils au pouvoir pour « humaniser » leur fonctionnement. Mais comment humaniser un système fondé sur le déni des populations à décider par elles-mêmes ? Comment humaniser un système fondé sur la compétition agressive, la hiérarchie, l’asservissement et l’exploitation de la force de travail dans le seul but de l’accumulation de fric et de pouvoir ? L’organisation même de ce système réduit toujours les prétentions de « gauche » à une alliance objective avec les pouvoirs, dans une pathétique lutte des places. Quand bien même certain.e.s seraient sincères, il.le.s se retrouvent vite contraint.e.s, pour être élu.e.s, à accepter de telles compromissions qu’ils.elles ne peuvent qu’appliquer à la lettre les instructions données par les possédant.e.s. La gauche a ainsi promis de faire appliquer « l’austérité », les verts entérinent le nucléaire, et les « antilibéraux » ne proposent face au capital (c’est-à-dire la domination effective des populations), que la « taxation » ou la « régulation », c’est-à-dire la légitimation… au lieu de son abolition pure et simple.

LA DÉCISION RÉELLE sur les moyens matériels de production n’appartient, en système capitaliste, qu’aux détenteurs.trices de la propriété privée et étatiste. C’est un fait. Et c’est sur ce socle que vivent (grassement) et s’agitent les politicien.ne.s. Il.le.s ne font que gérer les conséquences négatives du capitalisme, tant bien que mal, avec leur baratin et leurs gesticulations dérisoires, et adapter la société à cette dépossession fondamentale et révoltante des populations. Avec des rustines, des boucs-émissaires, des soupapes, des divertissements et des diversions misérables – toujours les mêmes recettes. Quant à l’extrême-gauche « anticapitaliste », qui prétend n’avoir « aucune illusion sur les élections », et n’y participer que pour obtenir une « tribune » dénonçant le système, elle ne fait qu’accepter de jouer ce jeu pipé et en cautionner ainsi, hélas, la règle fondamentale : celle du maintien de cette pseudo-légitimité des élu.e.s de nous gouverner, à notre place.

NOS DROITS SOCIAUX, n’ont jamais été décrétés par le pouvoir, mais concédés par lui comme des miettes, pour sa survie, lors de mouvements sociaux le remettant en cause, lors de grèves, d’occupations, de réappropriations des usines et de la rue. Ces « droits sociaux » n’ont d’ailleurs été, si l’on y regarde bien, qu’une monopolisation par l’État de ce qui existait, déjà bel et bien, en termes de solidarité populaire concrète, d’alternatives constituées et autogérées : caisses ouvrières, éducation populaire… L’État n’a toujours été en réalité qu’une force armée, spoliatrice, centraliste, défendant ses intérêts et ceux des riches par des lois injustes, la conquête militaire et la répression violente. Son essence est la négation même de la capacité des populations à gérer leurs propres affaires, à créer leurs propres repères communs.

NOUS REFUSONS cette pseudo-« démocratie », représentative et centralisée, donnant carte blanche à des politicien.ne.s pour gérer la bonne marche du capitalisme, pour une période fxée, sans aucune autre possibilité de contrôle accordée aux électeurs que celle de la couleur qui habillera leur sombre esclavage. Une fois élu.e.s, les politicien.ne.s n’ont de compte à rendre à personne : les promesses n’engagent que ceux.celles qui y croient. Nous n’avons pas besoin de politicien.ne.s : si les gens ne sont pas capables de se gouverner elles.eux-mêmes, comment sauraient-il.le.s quel candidat.e choisir ? S’il.le.s sont capables, au contraire, d’élaborer les solutions répondant à leurs besoins… alors il.le.s peuvent évidemment s’administrer elles.eux-mêmes !

NOUS PRÔNONS une responsabilisation individuelle et collective, la « démocratie directe ». Des assemblées populaires sur le lieu de production, le quartier, la commune. Où la parole circule librement et également entre les participant.e.s. Les capacités, besoins, désirs et projets, l’élaboration de repères communs, les décisions à prendre le cas échéant, s’y expriment et s’y organisent. Les mandaté.e.s, individuel.le.s (ou collectifs, par exemple en commissions) ne sont désigné.e.s que sur leurs compétences et leurs envies. Il.le.s n’ont pas pouvoir de décider ou de contraindre : il.le.s se contentent d’appliquer les décisions prises en assemblées, concernant les individus qui les ont choisies. Ce contrôle des élu.e.s s’appelle le mandat impératif, combattu depuis toujours par la bourgeoisie (et donc interdit par la « constitution », à l’article 27). Les mandaté.e.s rendent compte aux assemblées et sont révocables par elles. Les mandats s’élaborent librement, et tournent avec une formation assurée pour tout.e.s celles et ceux qui se proposent de participer à la vie commune.

NOUS DÉFENDONS le fédéralisme libertaire. Les communes sont autonomes pour le règlement des questions qui les concernent. Elles sont librement fédérées, ce qui permet des projets communs, leur coordination, leur solidarité, la diffusion des informations, des savoirs et des idées. Les besoins, les capacités et les décisions locales ou sectorielles sont remonté.e.s en assemblée de commune et en assemblées fédérales, par des porte-paroles n’ayant pour toute fonction que la coordination et la circulation des informations, des besoins exprimés. La majorité n’impose pas aux minorités, ni l’inverse, car nul.le n’est tenu.e de participer à tel ou tel projet. Ainsi, chacun.e exprime librement ses capacités, ses besoins et ses désirs, sans hiérarchie : « L’égalité n’est pas l’uniformité » (Bakounine). Et sans liberté réelle de décider ensemble, aucune égalité n’est possible.

CETTE PROPOSITION N’EST PAS « UTOPIQUE » : elle a toujours été le mode de fonctionnement des comités de luttes indépendants des pouvoirs. Comités de sans-culottes, commune de Paris, révolution espagnole, ukrainienne, autogestion en Argentine, comités de bon gouvernement au Mexique, comme tant d’autres expériences d’hier et d’aujourd’hui (ainsi, les assemblées populaires qui essaiment). Ces faits historiques ne sont évidemment relayés ni par les manuels offciels d’histoire ni par les médias, car ils démontrent qu’une auto-organisation efficace est évidemment possible, et que les gouvernements de droite et de gauche n’ont jamais hésité, pour écraser ces velléités d’autonomie, à leur appliquer une répression brutale.

L’ABSTENTION MASSIVE PEUT DEVENIR UNE ABSTENTION ACTIVE. Il n’y a aucun espoir à tirer de la « gauche » ou de la « droite » au pouvoir ; les solutions à nos problèmes ne se trouvent qu’en nous-mêmes et dans nos solidarités. En notre capacité à nous organiser selon des moyens adéquats à nos fns, c’est-à-dire par nous-mêmes, sans domination, sans médiation, sans privilèges ni exploitation d’individus par d’autres. Il est urgent de nous réapproprier nos vies, de rejoindre dès à présent les luttes et assemblées, les expériences autogestionnaires qui se tissent.

DÉSERTONS LES URNES, OCCUPONS LA RUE !

Groupe Pavillon Noir, Fédération Anarchiste 86

pavillon-noir [gare aux bases] federation-anarchiste.org

http://fa86.noblogs.org/

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