Archives de catégorie : La rue grogne

[Poitiers] Les anti-IVG ne sont pas passés

Hier 16 novembre à 14h, devant le contre-rassemblement féministe, antisexiste et antifasciste de dizaines de personnes, quant à elles bien présentes et attendant les intégristes et fachos de pied ferme, l’association anti-IVG « SOS Tout-petits » a semble-t-il préféré annuler sa misérable « prière » de rue contre les droits des femmes. On n’a juste vu personne. Et tant mieux !

Dès 11h, un groupe d’autodéfense antisexiste avait en effet déployé des banderoles près de la place du marché, pour le droit à l’avortement et à la contraception libres et gratuit.e.s, en distribuant des tracts appelant à un contre-rassemblement à 14h, face aux remises en cause actuelles du droit à l’avortement et à la violence des discours sexistes dans l’espace public.

A 14h, étant présent.e.s au contre-rassemblement, nous n’avons vu pour notre part qu’un nationaliste isolé, grenouillant aux abords de la place et se tenant prudemment à l’écart.

Il y a quelque temps lors d’un contre-rassemblement antisexiste et antifasciste à Poitiers, les flics s’étaient illustrés en véritable service d’ordre des veilleurs homophobes, qui étaient accompagnés de fachos. Sous les applaudissements des intégristes et des nervis d’extrême-droite, les gardiens de l’ordre patriarcal et bourgeois n’avaient pas hésité à procéder à l’arrestation de neuf personnes, blessant une camarade et proférant des insultes contre un autre. Cette fois-ci, devant le nombre, les flics ont préféré la prudence, renonçant à des arrestations sous le prétexte grossier de « manifestation illégale ». Ils ont sagement fini par vider les lieux eux aussi.

Une fois de plus, nous avons été présent-e-s pour montrer aux intégristes, aux fachos et à tous les fidèles serviteurs des dominants, que leurs fantasmes autoritaires et sexistes ne passeront pas. La lutte contre toutes les dominations passe par la lutte contre les attaques portées aux femmes, et par l’affirmation inébranlable que nos corps nous appartiennent.

Intégristes, fachos, flics : hors de nos villes, hors de nos vies !

Pavillon Noir, 17 novembre 2013

Tours est antifasciste et le restera !

Tours est antifasciste et le restera !

Retour sur la soirée du 11 novembre 2013 à Tours, et sur la mobilisation antifasciste initiée par le CAT contre la parade du groupe néofasciste Vox Populi. Score final en faveur des antifas : et 1, et 2, et 3 – zéro !

1ère mi-temps : Succès de la mobilisation antifasciste

Lundi 11 novembre, le Collectif Antifasciste Tourangeau (CAT) appelait à une manifestation antifasciste pour contrer la marche de la fierté tourangelle organisée par le groupe néofasciste Vox Populi dans les rues de Tours. Résultat : une vraie réussite du camp antifasciste, dont la manifestation a réuni environ 400 personnes, avant qu’une brigade des clowns ne parachève le travail en allant ridiculiser sur le trajet de leur parcours nos néonazes du terroir, qui de leur côté ont péniblement rassemblé 80 gugusses. La manifestation antifasciste, qui s’est tenue à l’appel du CAT – dont c’était la 1ère apparition publique – a été un franc succès. Succès, d’abord, par le nombre de participants : 400 personnes environ, alors que les années précédentes le contre-rassemblement antifasciste peinait à atteindre les 100 personnes. Succès aussi par la diversité des participants : au-delà des forces radicales habituées de ce type d’événement, étaient représentée la quasi-totalité des organisations de gauche locales : Alternative Libertaire, Jeunes Communistes, Nouveau Parti Anticapitaliste, Front de Gauche, quelques maoïstes, jusqu’à quelques membres du MJS, ainsi que la mouvance autonome. Les syndicats avaient eux aussi répondu présents, en particulier Solidaires, dont plusieurs syndicats participent au CAT, mais on remarquait aussi la présence de membres de la CGT, et même de la CFDT, venus soutenir l’initiative. Fédérer toutes ces organisations est déjà en soi un succès. Mais le plus remarquable était la forte présence d’individus non-encartés, de toutes origines et de tous âges, simplement venus dire leur ras-le-bol des discours xénophobes et autoritaires qui, à Tours comme ailleurs, s’incrustent dans le champ politique et médiatique. Autre motif de satisfaction, et pas le moindre : la présence très appréciée de camarades de collectifs antifascistes d’autres villes ou régions venus pour soutenir la lutte, qui illustre la reconstitution de réseaux de solidarité antifasciste au-delà de l’échelon purement local. Espérons que ces liens se développent et se renforcent à l’avenir !

vidéo : Source : Nouvelle République

2e mi-temps : Vox Populi, la voie de l’échec

Cette présence antifasciste, beaucoup plus massive que par le passé à Tours, a permis à la manif de déambuler longuement dans les rues du centre ville, coupant à plusieurs reprises le trajet prévu par la parade nazillone – dont le départ a du coup été retardé de plus d’une heure. Celle-ci, de son côté, a rassemblé environ 80 personnes, nettement moins que l’année dernière, mais toujours avec le décorum nazillon désormais classique, à base de flambeaux et de marche en rangs paramilitaires. Il s’agit clairement d’un bide pour Vox Populi, après celui de leur rassemblement anti-gay pride de mai dernier, d’autant que les Loups Turons semblent avoir boudé l’événement cette année. La rue serait-elle devenue secondaire pour son leader PL. Mériguet, à l’heure où il négocie avec le FN sa place sur les listes électorales – tout comme d’ailleurs sa boutique, qui s’orne depuis quelques semaines d’une annonce de bail à céder ?
Peut-être… En tous cas, cet échec l’a passablement énervé ! Car le vernis de respectabilité qu’il s’échine à passer sur son mouvement a craqué en même temps que ses petits nerfs, révélant une réalité nettement moins séduisante, faite de violence et d’agressivité. En effet, il s’est trouvé confronté cette année à des réactions négatives des habitants – dont certains, semble-t-il, les auraient aspergés de confiture – tandis que les réactions aux terrasses des commerces étaient elles aussi franchement négatives. La goutte d’eau a été la présence de deux ou trois personnes venues tourner en dérision sa pitoyable parade, qu’elles suivaient en dansant au rythme de la chanson « Salut à Toi » des Bérus, histoire de témoigner que l’identité tourangelle est faite d’hospitalité bien plus que de xénophobie. Face à cette expression toute pacifique de leur désaccord, Mériguet n’a trouvé comme réponse que la violence physique la plus basique, commençant par une bousculade et culminant avec une agression à coups de chaise ! Agression freinée par l’intervention de la police, qui comme chaque année encadrait le défilé avec mission de protéger les nazillons, comme en témoigne le fait que les robocops surveillent toujours l’extérieur du cortège… et ont réagi en chargeant et dispersant manu militari les curieux rassemblés par l’altercation. Comme quoi les pouvoirs publics n’ont toujours pas compris de quel côté se trouve la violente !
Comme d’habitude, Mériguet s’est ensuite fendu d’un communiqué délirant et mythomaniaque, affabulant sur « les intentions violentes » de ses victimes et justifiant sa propre violence par sa « culture de la défense ». Qu’on se le dise : pour l’extrême droite, la violence, c’est de diffuser de la musique, pas de taper sur des gens… Et le même Mériguet de venir pleurnicher en se plaignant qu’on vienne l’importuner lui, le pauvre petit « militant politique engagé dans les élections municipales » ! Confirmation, donc : des tractations sont bien en cours entre le groupuscule néofasciste identitaire Vox populi et le soi-disant « respectable » Front national, qui n’assume plus d’être d’extrême droite, mais qui accepte très bien l’extrême droite dans ses rangs.
Quant à savoir si ces négociations vont aboutir, rien n’est encore certain, surtout après cette petite démonstration : interrogée sur le sujet par TV Tours, la secrétaire départementale du Front, Véronique Péan, est un peu embarrassée… et précise que c’est Marine elle-même qui décidera ! Cette fois, c’est sûr, les instances centrales sont au courant du rapprochement, et pour l’instant elles laissent faire : pour ceux qui en douteraient encore, une preuve de plus que le FN ne change pas, que le brun est toujours sa couleur de base, même s’il est moins apparent sous le maquillage à la truelle digne d’une voiture volée !

3e mi-temps : Le ridicule

Après avoir rapidement achevé leur parade, les néo-fascistes ont décidé de retourner dans le centre-ville, mais se sont alors trouvés face à une brigade de clowns qui avait décidé de manifester eux aussi pour la défense et promotion de l’identité tourangelle, donc du poireau tourangeau. Pris de cours, ou peut-être réalisant enfin à leur plus grande honte à quel point leur cause est ridicule, les Vox Populi ont alors investi qui une pizzéria, qui un pub irlandais – tous deux typiques, comme chacun sait, de la gastronomie tourangelle… Les suivaient les robocops, qui craignant sans doute un assaut de bisous des clowns antifas, ont pris à nouveau position en protection des fachos, sous le regard vigilant des flics en civil – qui sentant le ridicule de la situation se tenaient eux plus en retrait. Si le ridicule ne tue pas (toujours), en tous cas il énerve, surtout lorsqu’on est un jeune néofasciste qui se prend au sérieux… Et le facho énervé est un facho encore plus dangereux ! On a pu le constater après le départ des différents clowns – les antifas et ceux en bleu : des groupes de fachos très remontés, gants aux poings, ont longtemps traînés par groupe de vingt (sérieux, dangereux, mais pas courageux !) dans les rues du Vieux Tours, à la recherche de quelque chose sur quoi passer leurs nerfs, furetant partout mais semblant bien perdus dans des rues qui, de toute évidence, n’étaient pas les leurs…

Car ce soir-là, comme toute l’année, Tours était, est, et reste antifasciste !

A Tours comme ailleurs,  Pas de fachos dans nos quartiers, pas de quartier pour les fachos !

Communiqué des clowns tourangeaux

La milice des clowns, à la reconquête de la fierté du poireau tourangeau. Le lundi 11 novembre 2013 à 18h37, place de la cathédrale à Tours. Nous, milice des clowns désobéissants tourangeaux, avons défilé dans les rues de notre Terre Promise, placée sous le signe de sainte Martine, illustre patronne des bars de la ville. Ceci dans le but de ne pas laisser nos camarades clowns imposteurs et ni-dentitaires de « Tox-Populli » s’approprier à eux seuls la fierté du poireau et des châteaux tourangeaux. Nous aussi, milice malicieuse clown tourangelle, enracinée et de passage, sommes fiers de bomber nos torses bien que poilus, de chanter nos chansons à tue-tête, et de porter haut et fort les couleurs vertes et bleues de notre poireau dans le ciel. Nous aussi, sommes fiers d’être singe, d’être guenon et de brandir nos bananes, de louer la terre de nos mères mais pas trop cher! Nous sommes fiers de distribuer de la joie, de l’espoir et de l’amour à tous les habitants de notre Tours Promise. Infos de dernière minute: Le clown Pierre-Louis Mériguet, dirigeant du groupe ni-dentitaire tourangeau Tox Populli, fracasse une chaise sur ses collègues en fin de cortège !!! Mais que font les clowns bleus ?! N’oublions pas que cet individu extrêmement gentil se présentera à Tours aux prochaines élections municipales sur la liste Rond Fational…

Le poireau vaincra!

Rions de Tours

Vu sur La Horde, 14 novembre 2013

[Poitiers] 16 novembre : Rassemblement pour la contraception & l’avortement libres & gratuit.e.s !

Rassemblement pour la contraception & l’avortement libres & gratuit.e.s !

affiche16nov

Voici une quarantaine d’années, le mouvement de libération des femmes s’est battu pour obtenir le droit à disposer librement de son corps, notamment en maîtrisant sa fécondité. Sous la pression de la rue, et malgré l’opposition d’une bonne partie de la classe politique et du corps médical, la contraception a ainsi été libéralisée et remboursée par la Sécurité sociale en 1974 ; et, l’année suivante, la loi Veil a dépénalisé l’interruption volontaire de grossesse (IVG). Mais depuis les conditions d’accès à l’avortement sont devenues de plus en plus difficiles, tant par le manque de centres d’IVG que par leur qualité et par les délais pratiqués.

  Le rapport rendu par le Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes, le 7 novembre dernier, sur l’accès à l’IVG met en évidence le parcours de la combattante par lequel les femmes doivent passer pour un avortement. Dans le Poitou-Charentes, un tiers seulement des établissements pratiquant l’IVG prennent en charge cette intervention sur une patiente entre la dixième et la douzième semaine de grossesse. Pourtant, selon le code de la santé publique, « les établissements publics […] qui disposent de lits ou de places autorisés en gynécologie-obstétrique ou en chirurgie ne peuvent refuser de pratiquer des interruptions volontaires de grossesse ».

Divers obstacles jalonnent le parcours de soins, causant parfois des situations dramatiques. Les chiffres (sous-estimés) montrent que, dans notre région, 86 IVG n’ont pas été prises en charge en 2012, obligeant les femmes concernées à s’orienter vers une autre région ou à renoncer à l’IVG. Comme le souligne le rapport du Haut Conseil, la loi n’est pas pleinement appliquée « compte tenu du refus de certains médecins et établissements de santé de pratiquer certaines IVG ». Des professionnel.le.s de santé n’hésitent en effet pas à remettre en cause la décision des femmes, à les culpabiliser, voire à refuser délibérément de les prendre en charge. Oubliant toute éthique, piétinant la santé, c’est-à-dire le bien-être et le respect de ces personnes.

  Face à la toute-puissance du corps médical, les gouvernements successifs ont laissé faire, et c’est ainsi que la situation s’est très rapidement détériorée. Même le Haut Conseil « s’étonne vivement que ce dysfonctionnement qui contrevient aux obligations légales fasse l’objet d’une tolérance » de la part des pouvoirs publics. À la vérité, le refus de pratiquer l’IVG est sans doute bien moins dû à la « liberté de conscience » derrière laquelle se retranchent nombre de chirurgiens, et les pouvoirs publics avec eux, qu’au faible intérêt financier représenté par une telle intervention. En avril 2013, son tarif a certes été revalorisé de 50 %, comme le demandaient depuis des années des associations de défense de l’avortement pour inciter les établissements de santé à le pratiquer – mais il est peu certain que cela suffise à inverser le cours des choses, « l’affaire » n’étant sûrement pas assez juteuse.

  De plus, dans le même temps, les centres de Planning familial luttent pour leur survie face à la suppression chronique des subventions de l’État, alors qu’il s’agirait d’assurer une meilleure information sur la sexualité des femmes et des hommes dès le plus jeune âge. Et, comme le soulignait déjà le MLAC (Mouvement pour la liberté de l’avortement et la contraception) dans les années 70, le seul moyen de faire disparaître les fortes inégalités existant entre les femmes sur la question de l’avortement consiste à pouvoir recourir à cet acte sans qu’il dépende de leurs revenus et de leur couverture sociale. Or, si les frais de soins, de surveillance et d’hospitalisation liés à une IVG sont enfin, depuis avril dernier, intégralement pris en charge par l’assurance maladie (ils ne l’étaient jusque-là qu’à 70 ou 80 % pour les assurées majeures), les femmes non couvertes par la Sécurité sociale ne peuvent en bénéficier… et de toute façon, en l’état actuel du dispositif de santé et face à l’incurie du secteur public, le recours aux cliniques privées ici comme ailleurs reste conditionné au règlement de dépassements d’honoraires et autres frais qui ne sont pas à la portée de toutes les bourses.

  La retombée du mouvement des femmes a de plus permis aux catholiques intégristes de reprendre du poil de la bête à travers des mouvements anti-IVG menés essentiellement par des hommes.

  Ainsi, l’association SOS tout-petits qui, en 1986, « consciente du caractère sacré de la vie humaine de la conception à la mort naturelle », s’est donnée « pour but de la sauvegarder par la prière ». Il s’agit pour ces intégristes de « protéger la vie » par tous les moyens : prières anti-IVG devant les cliniques, actes d’intimidation et de culpabilisation envers les patientes du Planning familial, affiches de fœtus ensanglantés ou commandos anti-IVG dans des blocs opératoires. Depuis la loi de 1993 sur le délit d’entrave à l’IVG, ils ont dû revoir leurs méthodes à la baisse. En 2012, une patiente du Planning familial a par exemple reçu d’eux… une paire de chaussons en tricot avec une médaille représentant la Vierge Marie. Mais le ridicule de tels « cadeaux » ne saurait faire oublier la violence de ces mouvements, sur lesquels plane évidemment l’ombre du FN – qui considère le Planning familial comme une incitation à l’IVG et préconise le déremboursement de cet acte…

  Nous revendiquons le droit des femmes à choisir si elles veulent un enfant, et quand. Le droit d’être accompagnées dignement et gratuitement dans toutes leurs décisions, avec des moyens en réponse à leurs besoins, quels que soient leur âge et leur condition.

  Samedi 16 novembre 2013, nous nous rassemblerons à 11 heures devant l’église Notre-Dame, à Poitiers, pour réaffirmer notre volonté de choisir et de disposer librement de nos corps et de nos vies.

  Puis, à 14 heures, nous accueillerons comme il se doit les intégristes de SOS tout-petits et leurs sympathisant.e.s, toujours devant l’église Notre-Dame. Rejoignez-nous !

  Un groupe d’autodéfense antisexiste

  P.-S. : Nous profitons de l’occasion pour lancer un appel à témoignages auprès de toutes les femmes qui se sont fait avorter à Poitiers. Écrivez-nous à faispasgenre [arrobase] riseup [point] net

Vu sur Demosphere Poitiers, 13 novembre 2013

[Poitiers] Hôpital Henri Laborit : les salarié-e-s ne lâchent pas l’affaire

La grogne sociale persiste à l’hôpital Henri-Laborit

FO a rejoint ce matin la CGT dans la grève alors que le Comité d’hygiène de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) se réunit, autour du directeur de l’établissement Alain Haas, sur fond de revendications. Les personnels de l’hôpital Henri-Laborit demandent toujours l’ouverture de négociations sur les conditions de travail, le retrait définitif du nouveau planning et la réouverture des Centres médico-psychologiques ruraux (Chauvigny, Civray, Lusignan) fermés cet été.

Nouvelle République, 8 novembre 2013

Bretagne : L’incohérence est toujours source de violence

L’incohérence est toujours source de violence !

La Bretagne s’enflamme, les rumeurs de « désobéissance à l’impôt », de jacqueries, de poujadisme se propagent. On oppose aux manifestants la sacro-sainte égalité devant l’impôt, on en profite pour déplorer la faiblesse du gouvernement. L’opposition oublie que c’est elle qui a créé cet impôt (avec le Grenelle sous Sarkozy et sur une idée de Borloo). La majorité se perd dans des explications douteuses sur la nécessité de cette taxe, sur les contraintes budgétaires et les directives européennes qui limitent drastiquement les marges de manœuvre. Les médias nous promènent à l’envi avec ce débat, écran de fumée cachant un autre débat bien plus fondamental, bien plus complexe. Il serait donc bon de faire trois pas en arrière pour comprendre la montée en puissance de la révolte bretonne. Depuis juin 2012, 3 000 emplois ont disparu. Aujourd’hui, le secteur rural fournit 11 % des emplois en Bretagne (5,3 % pour l’agriculture, 5,7 % pour l’agroalimentaire). En 1968, le pourcentage était de 38,8 % (35,3 % pour l’agriculture et 3,5 % pour l’agroalimentaire), selon les sources Insee. Ces chiffres montrent clairement qu’entre 1968 et 2008 l’agroalimentaire a été largement favorisé par rapport à l’agriculture classique, ce qui n’a pu se faire sans une franche volonté politique, sans le soutien de grandes entreprises industrielles et sans l’agrément des paysans et de leurs organisations professionnelles (essentiellement la FNSEA). Les suppressions d’emploi déjà effectuées et celles annoncées concernent presque uniquement le secteur agroalimentaire, ce qui remet en cause les choix faits par les trois niveaux d’acteurs cités, les politiques, les industriels, les paysans. On peut ajouter un quatrième volet, celui des experts (Inra, Commission européenne, etc.) qui ont fortement contribué à promouvoir un type d’agriculture concentrée, polluante, mondialisée, celle-là même qui induit l’écotaxe, les délocalisations du poulet en batterie vers l’Argentine, du porc charcutier vers la Roumanie, le dumping social ayant été érigé en loi de la modernité. L’écotaxe arrive juste au moment où les entreprises voient leurs charges augmenter et leurs prix de vente chuter. C’est donc un pas de plus vers l’effondrement du secteur, un peu d’huile sur le feu qui couve. La grogne des exploitants de porcs et de poulets qui sont contraints au transport de quantités énormes d’intrants s’ajoute certainement au sentiment légitime d’avoir été roulés dans la farine, d’avoir été poussés vers un mode d’élevage non « durable » comme l’on dit aujourd’hui. Après avoir vanté la modernité et le sens entrepreneurial des paysans bretons, après avoir flatté leur ardeur au travail pour qu’ils investissent des sommes considérables en infrastructures, voilà qu’on leur annonce qu’ils ne vont plus dans le sens de l’histoire, que les pays émergents sont plus compétitifs qu’eux, qu’ils doivent se recycler ! On pourrait être en colère pour moins que cela. La véritable question qui se pose n’est donc pas pour ou contre une écotaxe, mais comment sortir d’une erreur stratégique, d’une vision économique, écologique, politique qui arrive au bout de sa logique. Défendre l’écotaxe, n’en déplaise à José Bové qui la trouve plutôt positive, c’est donner aux plus riches un permis de pollution et étrangler le producteur de porcs breton qui a le malheur d’être juste à la limite de la rentabilité. S’opposer à l’écotaxe au nom de la survie des emplois, c’est de fait cautionner l’assassinat des producteurs de poulets africains par l’exportation des produits congelés bretons. C’est accepter que l’industrialisation de l’élevage pollue durablement les sols, les nappes phréatiques, les côtes bretonnes. C’est accepter que la protection sociale s’aligne sur les moins-disant argentins ou roumains. C’est accepter que l’on produise de la viande de qualité douteuse au nom de la croissance. Alors, devons-nous renvoyer dos à dos les manifestants qui brûlent les portiques de l’écotaxe et le gouvernement qui cherche, avec l’énergie du désespoir, à combler un déficit abyssal ? Non ! Les vrais responsables ne sont pas ceux qui se sont fait rouler dans la farine, même s’ils peinent à reconnaître leur naïveté. Ce sont les enfarineurs : les politiques, les banques, les experts… Ce que je reprocherais alors aux manifestants bretons, c’est uniquement de se tromper de cible. Ce ne sont pas les portiques de l’écotaxe qui devraient brûler, ce sont les bureaux de la Commission européenne, ceux de la FNSEA, ceux du Crédit agricole. Ces gens-là auraient dû savoir. Ils auraient pu prévoir à long terme. Ils auraient pu oublier les intérêts particuliers pour entendre ceux qui visaient l’intérêt général. Ils en avaient les moyens, les capacités intellectuelles, les outils d’expertises nécessaires. Ils veulent aujourd’hui cacher leur incohérence en stigmatisant la violence des Bretons, comme si ce n’était pas l’incohérence même du système agroalimentaire qui crée cette violence…

Jean-Pierre Aupetitgendre, Le Monde Libertaire (du 7 au 13 novembre 2013)