» On est les indigènes de la ligne à grande vitesse «
A deux pas du chantier de la LGV, ils vivent un enfer depuis de longs mois. Témoignage à Saint-Gervais-les-Trois-Clochers.
Son statut d’ex-bras droit d’une personnalité politique paraît aujourd’hui bien dérisoire, ne l’autorisant sans doute « qu’à ouvrir (sa) gueule » un peu plus fort que les autres. Lui, l’ancien sherpa d’Édith Cresson, porte à 70 ans, un vrai fardeau. Gilbert Guérineau est une victime collatérale de la LGV.
Son pavillon cossu de Saint-Gervais-les-Trois-Clochers, située au Moulin du Maing, a une vue imprenable sur le chantier de la ligne grande vitesse… « On est à moins de 80 mètres du chantier. La LGV passera là, au bout, à 13 mètres de hauteur », montre-t-il en désignant la haie d’arbres qui clôture son jardin.
« La poussière le bruit les vibrations »
Dans ce qui était un paradis de verdure, l’ambiance est lourdement plombée. « Et encore, ce n’est rien à côté de cet été, on a vécu un véritable enfer, témoigne-t-il. La poussière, le bruit, les vibrations… » A tel point que le couple Guérineau a déménagé plusieurs semaines dans une résidence secondaire qu’il possède à Fouras. Leurs jeunes voisins n’ont pas eu cette chance. Annie Simon et Fabien Meissonnier, parents d’une fillette et d’un nourrisson, habitent une petite fermette rénovée, installée au « Bouchet », « à 50 mètres de la ligne, à 20 mètres du chantier ». « Cet été, les jours de forte chaleur, on était obligé de partir de la maison pour avoir un peu d’air et de calme. Les engins démarraient à 6 h pour finir à 22 h voire certains soirs 23 h », raconte la jeune femme, une enseignante. « On a acheté la maison en 2005 en connaissance de cause, explique Fabien Meissonnier. On savait qu’il allait y avoir la LGV. Non, nous, ce qu’on demande c’est juste un peu d’écoute et de respect. » « On n’a jamais vu personne, confirme Gilbert Guérineau. Si, une fois, des types ont débarqué dans mon jardin, comme ça. Ils avaient posé des jalons. Ils voulaient dévier la route chez moi ! Je les ai virés. »
Récupérer des clopinettes
Au-delà des seules nuisances, la question de l’indemnisation reste un vrai enjeu… « On n’y comprend rien, jure le résident du Maing, toujours lui. Il y a des gens qui sont plus loin qui ont été expulsés. Et d’autres plus près et qui ne le sont pas. L’enquête publique a duré deux mois. J’ai demandé l’expropriation. Moi, ma maison aujourd’hui, elle est invendable. Le fonds de solidarité ? C’est uniquement du pognon pour arroser les maires. » « Même si on voulait partir, de toute façon on récupérerait des clopinettes », clame Annie Simon, fataliste. Les engins de chantier ont baissé d’un ton en cette fin d’après-midi automnal. Pas de quoi calmer la colère. Guérineau : « On est les indigènes de la LGV. Juste bons à regarder passer le train. »
POITIERS-LIMOGES La LGV en service dès 2022 ?
Le président PS du conseil régional du Limousin affiche publiquement sa confiance. Dans un entretien récemment diffusé sur France 3 Limousin, Jean-Paul Denanot avance même une date de mise en service pour la LGV Poitiers-Limoges : 2022 ! « Le gouvernement devrait donner son accord pour une déclaration d’utilité publique d’ici un an, quinze mois maximum ; à partir de là, le système s’enclenche et les travaux peuvent commencer », explique le patron de la Région qui est allé à Paris, la semaine dernière, rencontrer le directeur de cabinet du Premier ministre et le ministre des Transports. Jean-Paul Denanot et Alain Rodet, le maire de Limoges, assurent avoir déjà réuni près d’un milliard d’euros auprès des collectivités locales pour financer ce projet estimé à 1,7 milliard. En juillet dernier, le Premier ministre avait pourtant annoncé son report à 2030-2050. L’enquête publique avait émis un avis favorable, en septembre dernier, sous réserve que le gouvernement s’engage à programmer les travaux « dans les délais prévus et non après 2030 ».
Franck Bastard, Nouvelle République, 12 novembre 2013
Patrick Lantrès : les riverains pourront faire jouer leur droit au départ après la mise en service «
Patrick Lantrès, de Jaunay-Clan, est président du Comité TGV Réaction Citoyenne.
Plus de 150 riverains se trouvent entre 25 et 150 mètres du chantier le long du tracé initial dans la Vienne. Comment vivent-ils la situation ? Il y a un ras-le-bol des désagréments de toutes sortes. Un truc tout bête : nos voitures sont toujours sales à cause de la boue. Ce n’est rien, mais tout mis bout à bout, avec les vibrations et le bruit, ça ne peut que procéder au rejet du projet. La mise en service prévue en 2017 est-elle attendue ou redoutée ? Disons qu’ils pourront faire jouer leur droit au départ acquis de haute lutte. Dans les trois ans qui suivront la mise en service, les propriétaires qui considéreront qu’ils sont gênés pourront vendre leur maison et ils toucheront une compensation financière s’ils la vendent à un prix inférieur à l’estimation réalisée par un expert indépendant sans les nuisances de la LGV. Qui paiera ? En principe, l’indemnisation sera prise en charge à 50-50 entre RFF et les collectivités locales, la commune et le conseil général. Au total, ça représentera des queues de cerises…
Recueilli par B. B., Nouvelle République, 12 novembre 2013