Communiqué du groupe Pavillon Noir en solidarité avec les révolté.e.s de Taïwan
Ce samedi 22 mars à 14h, place de l’Hôtel de ville à Poitiers (comme dans plusieurs villes de France et d’ailleurs), des Taïwanais.es, pour la plupart étudiant.e.s, se sont retrouvé.e.s pour témoigner de leur solidarité vis-à-vis du grand mouvement de contestation qui agite Taïwan. Nous avons tenu à leur témoigner notre soutien, contre les tyrans gouvernementaux et capitalistes qui oppriment nos vies à toutes et à tous.
La grande majorité des Taïwanais.es se disent en effet révolté.e.s par un accord ultralibéral de « libre-échange », notamment en matière de services (secteur essentiel de l’économie taïwanaise), signé dans leurs dos par le gouvernement taïwanais (Kuomintang : droite nationaliste et conservatrice) avec le gouvernement chinois. Ces crapules en costume-cravate, de part et d’autre du détroit, livrent les travailleurs taïwanais, déjà fort malmenés par la bourgeoisie locale, aux appétits capitalistes et stratégiques des capitaux outre-détroit. Les prolétaires de Taïwan se retrouvent pris entre le marteau et l’enclume, pour suer toujours plus sang et larmes.
De fait, les quelques acquis sociaux issus des luttes des dernières décennies sont encore plus menacés, avec le risque à terme plus ou moins bref d’un monopole capitaliste chinois (peu réputé pour son respect des droits du travail) sur de nombreuses branches d’une économie locale fragile, encore structurée en de nombreuses petites et moyennes entreprises, souvent familiales.
Ce mouvement, porté notamment par les étudiant.e.s avec un courage et une détermination remarquables, sans avoir eu jusque là recours à la force, occupe pacifiquement l’Assemblée nationale (le yuan législatif), depuis près d’une semaine. Les occupant.e.s tiennent une sorte d’assemblée permanente, avec des débats fraternels dépassant bien souvent le cadre des revendications a minima (suspension et réexamen du traité point par point). De nombreux.euses Taïwanais.es s’inquiètent de voir leurs conditions de vie, déjà malmenées par une forte progression de la pauvreté sur l’île, encore dégradées par un capitalisme sauvage sans aucune entrave.
L’organisation spontanée fait chaud au coeur, avec le soutien logistique (livraison de nourriture, de matériel, nettoyage, chaîne humaine) de dizaines de milliers de personnes, aux abords du Parlement et ailleurs. Ils et elles démontrent ainsi que les prolétaires n’ont nul besoin de chefs pour s’organiser ! De fait, les manifestant.e.s tiennent à rappeler que leur mouvement est en-dehors des partis. Les efforts pitoyables de la « gauche » institutionnelle taïwanaise, complètement corrompue et discréditée, pour récupérer la contestation (et redorer à peu de frais son blason) ont jusque là échoué, car ils n’emportent guère l’adhésion de manifestant.e.s fier.e.s d’expérimenter l’autonomie. L’information circule rapidement, heure par heure, chez les Taïwanais.es du monde entier, malgré le silence assourdissant des médias sur l’ampleur de l’événement. On comprend bien que les médias capitalistes occidentaux, qui au passage informent si peu sur le traité transatlantique en train d’être élaboré sur le dos des prolétaires, n’aient visiblement pas envie de relayer l’information sur une résistance exemplaire aux magouilles capitalistes.
Ici même à Poitiers, de nombreux jeunes envoient à leurs proches des messages de soutien, tout en s’inquiétant d’une possible répression.
La répression, violente, et hélas prévisible, est arrivée hier (dimanche 23 mars), suite au discours, aussi attendu que consternant, d’un président Ma au sommet de son impopularité (à 9% dans les sondages : Hollande, encore un effort !). Visiblement aux abois, le chef du parti nationaliste s’est obstiné dans sa volonté implacable d’appliquer coûte que coûte cet accord. Des centaines de manifestant.e.s ont alors envahi un nouveau lieu de pouvoir : le siège du gouvernement (yuan exécutif). Le gouvernement Kuomintang n’a pas tardé à réagir. Avec l’occupation de l’Assemblée (dirigée par un président dont la place était déjà menacée, et qui s’est donc déclaré assez favorable aux manifestant.e.s, sans doute pour sauver ses fesses), le gouvernement était dans l’expectative quant à la stratégie à adopter pour étouffer le mouvement. Cette fois-ci, il a décidé de frapper fort et de tomber le masque.
Dans la nuit de dimanche à lundi, un millier de policiers qui assiégeaient les manifestant.e.s ont donc sorti leurs matraques, soutenus par deux canons à eau, pour déloger les révolté.e.s du siège du gouvernement. Il y aurait des dizaines d’arrestations et, selon une chaîne de télévision nationale, 120 blessés (dont 57 confirmés par l’hôpital le plus proche). Honte aux brutes en uniforme !
A Taïwan, comme en France, comme en Espagne où une manifestation de plus de deux millions de personnes vient d’avoir lieu, malgré la répression policière, contre le capitalisme sauvage qui met en pièces les droits sociaux, partout la résistance est solidaire ! Quelle que soit l’issue de cette lutte de grande ampleur à Taïwan, quelle que soit la violence de la répression, les manifestant.e.s de Taipei et d’ailleurs ont compris que la désobéissance, la solidarité et l’auto-organisation sont nos seules armes, et ne l’oublieront sans doute pas de sitôt contre les capitalistes et leurs alliés aux gouvernements, qui n’ont pour seule obsession que de nous maintenir dans la soumission.
Le groupe Pavillon Noir (Fédération Anarchiste de Poitiers) adresse modestement ses salutations fraternelles et son soutien indéfectible aux manifestant.e.s de Taïwan luttant pour leurs libertés, contre les gouvernements de Taïwan et de Chine et les appétits de leurs alliés capitalistes quels qu’ils soient.
Vive l’organisation autonome du prolétariat !
Groupe Pavillon Noir (Fédération Anarchiste de Poitiers), France, 24 mars 2014