Manifestation anti-carcérale à Corbas : un rassemblement vibrant, une colère partagée avec les taulard-e-s

Manifestation anti-carcérale à Corbas : un rassemblement vibrant, une colère partagée avec les taulard-e-s 

Ce soir de 8 décembre a été l’occasion de mettre en lumière différemment la brutalité du système carcéral. Un moment de colère spontané, parfois offensif, partagée avec les prisonnier.es. Heureux hasard, un prisonnier échappera à la surveillance de ses matons et arrivera à se faire la malle ce soir-là ! Ambiance donc, des 2 côtés de cette saloperie de murs.

Petit à petit, une cin­quan­taine de per­son­nes se sont réu­nies Esplanade des Arts à St-Priest pour par­ti­ci­per à cette mani­fes­ta­tion pour dénon­cer le sys­tème car­cé­ral et le nombre impres­sion­nant de décès dans leur nou­velle prison modèle de Corbas (record de France du nombre de morts cette année…).

Les ban­de­ro­les accro­chées sur le camion de tête, sono en marche, le cor­tège entre dans une artère du centre ville de St-Priest. L’occa­sion de crier des slo­gans poli­ti­ques en ban­lieue est fina­le­ment trop rare, les habi­tants du quar­tier regar­dent les mani­fes­tant.es avec curio­sité. Les pre­miè­res tor­ches sont allu­mées pour mettre en évidence la manif, les pre­miers pétards explo­sent, quel­ques per­son­nes dis­tri­buent le 12 pages qui a été imprimé pour l’occa­sion par les dif­fé­rents col­lec­tifs anti-car­cé­raux et de sou­tien aux pri­son­niers ainsi qu’à leur pro­ches. Une infor­ma­tion cir­cule, un pri­son­nier vient de se faire la malle ! Les gens trou­vent ça super.

Bientôt la mani­fes­ta­tion emprunte la pas­se­relle SNCF (où visi­ble­ment des gens sont venu.es taguer pour la cir­cons­tance…) et de l’autre côté de la voie les attend… un héli­co­ptère ! Ambiance chasse à l’homme, ces fumiers éclairent le groupe, les mani­fes­tants leur répon­dent par des majeurs judi­cieu­se­ment tendus. Le cor­tège se marre, les flics ne doi­vent rien com­pren­dre, entre l’évasion et cette mani­fes­ta­tion. Une hypo­thèse com­mence à germer : et si ce soir les condés étaient bien trop occu­pés par autre chose que cette contes­ta­tion ?

Le cor­tège rentre sur le bou­le­vard des Nations et le mira­dor de la prison appa­raît. Le groupe hurle, la sono est pous­sée à bloc, les pre­miers slo­gans sont enton­nés. Pour mieux éclairer le groupe, une torche pro­fes­sion­nelle est « cra­quée ». La lumière rouge enva­hie la rue et les pri­son­niers (quar­tier des gar­çons) se logent der­rière leur bar­reaux. Les pri­son­niers et les mani­fes­tant.es se répon­dent dans un vacarme incroya­ble, toute la prison est au cou­rant. L’héli­co­ptère est main­te­nant au dessus de nous et des pro­jec­teurs balayent les fenê­tres de la prison et la rue où se trouve le cor­tège.
Soudain un feu d’arti­fice éclate, ce qui a pour effet de donner des idées aux pri­son­niers qui n’hési­te­ront pas à brûler du tissu aux fenê­tre pour nous répon­dre. Les vacar­mes s’enchaî­nent les uns aux autres et un stock impres­sion­nant de fusées est tiré à l’inté­rieur de l’enceinte.

L’envie démons­tra­tive d’en finir avec ces mou­roirs est trop forte et un groupe part à l’assaut des grilles qui déli­mi­tent l’enceinte de la prison. Iles com­men­cent à secouer l’ensem­ble et bien­tôt une bonne partie du reste de la manif’ les rejoint. Les tau­lards qui peu­vent nous voir sont visi­ble­ment heu­reux de cette ini­tia­tive, ils crient avec rage. En coor­don­nant leur force et le mou­ve­ment de balan­cier sur une lar­geur de 25 mètres, le grillage de 4 mètre de haut com­mence à sérieu­se­ment vaciller, les poteaux en vien­nent à se déter­rer légè­re­ment. Malheureusement, iles ne par­vien­dront pas à faire tomber le grillage. Les pre­miè­res voi­tu­res de gen­dar­me­rie se pla­cent à l’entrée de la prison.

Des bagno­les et des camions qui pas­sent dans cette zone indus­trielle klaxon­nent, cer­tains res­tent un peu pour voir ce qui se passe. Les mani­fes­tants se diri­gent vers l’entrée où les gen­dar­mes en pren­dront pour leur grade.
Ensuite ça cafouille un peu. Doit-on faire le tour de la prison ? Par où passer ? Le camion doit-il suivre ? Tous et toutes regret­tent de ne pas pou­voir être visi­bles par l’ensem­ble des détenu.es qui se trou­vent dans d’autres bâti­ments. Décision sera prise de ren­trer par le même chemin avant que les flics s’orga­ni­sent et vien­nent en nombre.

Une nou­velle torche est allu­mée, le 2e pas­sage devant les grilles sera plus rapide, une mous­ta­fette (esta­fette de gen­dar­mes mous­ta­chus ou pas) est posi­tion­née dans une des rues per­pen­di­cu­lai­res. Un inci­dent pyro­tech­ni­que fait peur à l’un des gen­dar­mes qui ordonne à son auteur.e de sortir de la manif. Les gens for­ment immé­dia­te­ment un bloc bar­rant la route du condé et lui expli­quent que per­sonne ne sor­tira du cor­tège, point à la ligne. L’arti­fi­cier se fond dans la masse et devant la réso­lu­tion des mani­fes­tants, les gen­dar­mes lâchent l’affaire. Joie.

A mesure que nous emprun­tons le chemin de retour, les pre­miers gardes mobi­les arri­vent, une dizaine pas plus. Une fois l’enceinte de la prison dépas­sée, le cor­tège rentre à pas pres­sés sur St-Priest. Au fur et à mesure des inter­sec­tions, la gen­dar­me­rie dis­pa­raît.
Sur le chemin du retour, nom­breu.ses sont ceu.lles qui pen­sent à la suite de ce ras­sem­ble­ment. Quel sens donner à la lutte anti-car­cé­rale, com­ment établir de nou­veaux liens avec les pri­son­niers, qu’est-ce que la peine, la puni­tion ? Autant de ques­tions sus­pen­dues le temps de cette mani­fes­ta­tion vibrante et colé­ri­que.

Rebellyon, 10 décembre 2011