[Poitiers] Le 115 débordé

Aboubakar, sans-abri :  » Le froid est déjà rentré dans mon corps « 

Les températures négatives ont fait leur retour. Pour éviter de dormir dehors avec les risques inhérents, les sans-abri ont recours au 115 pour trouver un centre d’hébergement.

Avec le déclenchement du plan grand froid, la Croix-Rouge a de nouveau ouvert un centre d'hébergement d'urgence dans le gymnase des Écossais au centre-ville de Poitiers.

 

Avec le déclenchement du plan grand froid, la Croix-Rouge a de nouveau ouvert un centre d’hébergement d’urgence dans le gymnase des Écossais au centre-ville de Poitiers.

Sept. Ils sont sept sans-abri à avoir été aiguillés, samedi, par la Croix-Rouge vers le gymnase des Écossais près de la préfecture, à Poitiers, pour passer la nuit au chaud. Une salle ouverte au public en raison du déclenchement du plan grand froid pour que personne ne dorme à la rue.

«  Au Secours catholique, on ne juge pas les gens  »

« Nous n’avions plus de places dans le centre d’hébergement de Montbernage », précise une responsable en charge des appels au 115. Aboubakar fait partie de ceux qui ont trouvé refuge dans le gymnase. « Je me suis couché vers 21 heures mais je n’ai pas dormi avant 2 heures du matin », confie cet Ivoirien de 33 ans.
Quand il sort dehors dimanche matin, la température est glaciale. Quoi faire ? « Un ami savait que le Secours catholique était ouvert. Moi, je ne connaissais pas. J’y ai trouvé un peu de chaleur et on est vraiment bien accueilli. » Notamment par Yves. « En principe, les services du Secours catholique sont fermés le week-end, précise ce bénévole de longue date. Mais en cas de grand froid, nous sommes tenus par une convention d’ouvrir les week-ends et les jours fériés de 9 h à 18 h. »
L’hiver dernier, marqué par une vague de froid persistante, le local situé impasse de la Trinité avait fait le bonheur des sans-abri durant sept week-ends. « Nous sommes heureux de le faire, assure Yves. Nous ne jugeons pas les gens, c’est l’esprit d’ouverture qui prime. Nous sommes attentifs mais respectueux. »

«  En Italie, ma vie était en danger  »

Il y a encore quelques minutes, le hachis parmentier fumait sur la table autour de laquelle Aboubakar, son copain Abdallah et une poignée de bénévoles de l’association avaient pris place. En 2008, Aboubakar a fui la Côte d’Ivoire, « mon pays était en guerre », pour rallier l’Italie, « où je me suis rendu compte que ma vie était danger après avoir été agressé à plusieurs reprises. »
Il décide alors de rejoindre la France. Et Poitiers. Fait une demande d’asile. Mais n’a pas de logement. Et accumule les nuits à la belle étoile. « Le froid est déjà rentré dans mon corps, souffle Aboubakar, qui dit avoir beaucoup maigri. Et j’ai mal un peu partout. » Mais en France, il se sent « en liberté. » « J’ai envie de rester à Poitiers. Ailleurs, je ne connais personne. Mais j’ai besoin d’avoir un logement, c’est la première des choses. Et avoir un travail ensuite, je ne peux pas rester comme ça. »
Hier après-midi, Aboubakar a pris le bus pour aller aux Trois-Cités, « voir des amis guinéens. » Avant, plus tard, de refaire le 115.

Nouvelle République, Jean-François Rullier, 16 janvier 2012