Parallèlement au désossement de la grève générale par les accords passés entre bureaucrates syndicaux et Etat, l’armée nigériane est intervenue pour réprimer les manifestants, puis s’est déployée pour briser toute velléité de reprise des manifestations. Les manifestants éventuels sont arrêtés et taxés de « trahison ».
Nigeria: critiques contre le déploiement de l’armée, retour à la normale
Les autorités nigérianes essuyaient mardi de virulentes critiques après l’intervention massive de l’armée contre des manifestations au terme d’une semaine de grève générale provoquée par la suppression d’une subvention sur les carburants.
Les syndicats ont mis fin lundi à la grève, quelques heures après que le président Goodluck Jonathan eut annoncé une concession permettant une baisse d’environ 30% du prix de l’essence.
Le gouverneur de l’Etat de Lagos, où est située la capitale économique éponyme, a dénoncé l’important déploiement lundi de soldats et de policiers qui ont tiré en l’air, fait usage de gaz lacrymogènes et intimidé les manifestants avec des véhicules blindés.
La presse locale citait mardi un communiqué de l’écrivain nigérian Wole Soyinka, prix Nobel de littérature, demandant « le retrait immédiat et inconditionnel de ces soldats ».
Mardi, une cinquantaine de soldats occupaient toujours le parc où s’étaient rassemblés des milliers de manifestants tous les jours la semaine dernière. Les points de contrôle sur les principaux axes routiers avaient cependant disparu.
Après une semaine de grève nationale, l’activité reprenait à Lagos. Bureaux et commerces avaient rouvert et la circulation était à nouveau dense.
Des journaux ont aussi dénoncé l’important dispositif de sécurité déployé la veille à Lagos mais aussi à Abuja, la capitale fédérale. Aucun blessé n’avait été rapporté suite à cette mesure.
Pour certains, « la vue de soldats armés sur tous les grands axes routiers de la ville Lagos) ne pouvait signifier qu’une chose: un coup », pouvait-on lire dans le quotidien Punch. « Ce que Lagos a connu, c’est une occupation militaire ordonnée par le président ».
La grève générale entamée le 9 janvier avait paralysé le pays le plus peuplé d’Afrique et premier producteur de pétrole du continent, tandis que des dizaines de milliers de personnes étaient sorties manifester leur colère après la brusque annoncé, le 1er janvier, de la fin des subventions sur les prix du carburant.
Dimanche soir, à l’issue de négociations avec le président, les syndicats avaient annoncé la poursuite de la grève mais la fin des manifestations, pour des raisons de sécurité. Lundi, des groupes politiques ou de la société civile avaient cependant décidé de poursuivre Les marches, et tenté de manifester en dépit de la présence de l’armée et de la police.
Lundi, Goodluck Jonathan a finalement annoncé à la télévision que « compte tenu des difficultés rencontrées par les Nigérians (…), le gouvernement a approuvé une baisse du prix du carburant à 97 nairas le litre ».
La suppression des subventions a entraîné le doublement du prix de l’essence à la pompe, passé de 65 nairas le litre (0,40 dollars, 0,30 euros) à 140 nairas ou plus, du jour au lendemain.
Lundi après-midi, le chef de la puissante centrale Nigeria Labour Congress, Abdulwahed Omar, a annoncé la fin de la grève. Les responsables syndicaux ont toutefois souligné ne pas être d’accord avec le nouveaux prix de l’essence et être prêts à poursuivre les négociations avec le gouvernement.
La police a averti quelques heures après la fin de la grève que tout manifestant sur la voie publique serait arrêté et ceux appelant à un « changement de régime » seraient poursuivis pour trahison.
Le gouvernement a justifié l’arrêt des subventions aux carburants, quelque 8 milliards de dollars en 2011, pour financer la modernisation des infrastructures du pays. Mais la hausse du prix de l’essence frappe durement une population de 160 millions d’habitants dont la majorité vit avec moins de deux dollars par jour.
Beaucoup estimaient que ces subventions étaient le seul bénéfice qu’ils tiraient à vivre dans une puissance pétrolière dont le développement est largement entravé par la corruption
AFP, 17 janvier 2012