Bordeaux. Un étranger maintenu illégalement en détention

Les syndicats de la magistrature réclament l’ouverture d’une enquête après « la grave atteinte aux libertés publiques dont s’est rendue responsable l’administration ».

Tollé des syndicats de la magistrature contre le Tribunal de Grande instance de Bordeaux (TGI) après une révélation de la Cimade relayée par la presse quotidienne régionale. Selon le Syndicat des avocats de France (Saf), ce TGI vient d’être « le théâtre de faits extrêmement graves et pénalement répressibles ». En conséquence, le Syndicat de la magistrature a décidé de saisir le procureur de Bordeaux afin qu’il ouvre « une enquête pénale » pour déterminer qui a pu se livrer à de tels actes et pourquoi. De quoi s’agit-il ?

Monsieur Ghotra Bhupinder Singh, ressortissant indien vivant en Italie, a été interpellée en situation irrégulière à la gare de Bordeaux Saint-Jean alors qu’il s’apprêtait à prendre un train pour rentrer dans son pays de résidence. Il est alors placé en garde à vue puis en centre de rétention le 29 juillet dernier.

« Définitive et exécutoire »

Mais le juge des libertés et de la détention (JLD) ordonnait sa remise en liberté dès le lendemain 18h invoquant l’impossibilité depuis le 28 avril 2011 de placer en garde quelqu’un seulement soupçonné d’être en situation irrégulière. Une décision notifiée au Procureur de la République dont ni le parquet ni la préfecture n’ont fait appel comme ils en ont la possibilité. La décision du juge est de ce fait « définitive et exécutoire ».

Monsieur S. aurait donc dû pouvoir rentrer chez lui. Il n’en est rien. Les services préfectoraux, malgré la décision du JLD, le maintiennent en détention avant son éloignement forcé vers l’Italie le 1er août à 4h du matin.

Atteinte à la séparation des pouvoirs

Pour les magistrats, il s’agit là du non-respect délibéré d’une décision judiciaire. « L’Etat français par l’intermédiaire de son représentant en Gironde avec assistance de la police de l’Air et des Frontières » vient de violer les fondements de l’Etat de droit que sont la séparation des pouvoirs », dénonce le Saf dans un communiqué.

De son côté, l’avocat de Ghotra Bhupinder Singh a annoncé son intention de porter plainte à l’encontre de la préfecture de la Gironde pour séquestration arbitraire.

Selon l’article 432-4 du Code Pénal, « le fait, pour une personne dépositaire de l’autorité publique ou chargée d’une mission de service public, agissant dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de ses fonctions ou de sa mission, d’ordonner ou d’accomplir arbitrairement un acte attentatoire à la liberté individuelle » peut être puni de sept ans de prison.

« Un dysfonctionnement »

« En s’affranchissant de ces régles, le pouvoir politique instaure le règne de l’arbitraire et de l’insécurité généralisée pour le citoyen », concluent le Syndicat de la magistrature et l’Union syndicale des magistrats (USM) dans un communiqué commun.

De son côté, la préfecture de la Gironde a reconnu vendredi « un dysfonctionnement tout à fait exceptionnel ». » Les premières mesures correctrices ont été prises sans délai, dans l’attente des conclusions de l’enquête administrative que le Préfet de la Gironde a immédiatement ordonnée », a assuré la préfecture dans un communiqué.

Elle a reconnu que « les services de permanence de la préfecture, qui n’ont pas fait appel de cette décision (du juge) ont maintenu en rétention l’intéressé, qui a été reconduit en Italie, le 1er août ».

Anne Collin, Le Nouvel Observateur, 05/08/2011