Le juteux business des agrocarburants sur le dos de la collectivité
Les agrocarburants polluent, contribuent fortement aux émissions de CO2… et coûtent cher à la collectivité. Un rapport de la Cour des comptes analyse les incohérences de la politique française, en particulier les incitations fiscales, aujourd’hui injustifiées. Un système qui bénéficie notamment au fonds d’investissement Sofiprotéol, dirigé par le patron de la FNSEA, Xavier Beulin.
La Cour des comptes vient de publier un rapport très critique sur les agrocarburants, demandant l’arrêt des subventions au secteur en France. Principal argument avancé : le coût pour les consommateurs s’élève à près de 3 milliards d’euros pour 2005-2010. Et les agrocarburants occupent aujourd’hui 6 % de la surface agricole en France, malgré une pertinence environnementale « difficile à mesurer et de plus en plus contestée », relève le rapport. Celui-ci pointe aussi la « rente de situation » pour Sofiprotéol, principal producteur de biodiesel, sur lequel Basta ! avait enquêté en juin dernier.
Selon le rapport, la politique française en faveur des agrocarburants a rapporté plus de 500 millions d’euros à Sofiprotéol, fonds d’investissement dirigé par Xavier Beulin, actuel président de la FNSEA, le syndicat agricole majoritaire. Son Diester® est pourtant une « arnaque écologique » au bilan « catastrophique », dénoncent les organisations environnementales : à cause de la déforestation, le Diester® engendrerait deux fois plus d’émissions de gaz à effet de serre que le gazole, à production alimentaire constante [1].
Transferts financiers au profit de l’agro-industrie
« Les factures de carburant [de l’automobiliste] financent, sans qu’on le sache et pour des montants considérables, la totalité de la politique française en faveur des biocarburants », affirme Didier Migaud, président de la Cour des comptes, qui fustige les « objectifs nombreux, peu explicités et mal hiérarchisés » de la politique française en ce domaine. Le développement des agrocarburants – biodiesel issu notamment du colza ou du soja, ou éthanol issu de la betterave – a été rendu possible en France grâce à d’importantes incitations fiscales. Les agrocarburants bénéficient notamment d’une forte réduction de la taxe sur les produits pétroliers (ex-Tipp, devenue TIC). Un manque à gagner pour l’État de 2,7 milliards d’euros, entre 2005 et 2010. Et des « transferts financiers non négligeables en direction de l’agro-industrie », pointe le rapport de la Cour des comptes.
Les objectifs d’incorporation fixés par le gouvernement (7 % de biodiesel dans le gazole et de 10 % d’éthanol dans l’essence) ne sont pas compatibles avec les contraintes techniques de qualité des carburants. Ni avec la réalité des infrastructures de distribution, souligne le rapport. Ce qui coûte plus de 100 millions d’euros aux distributeurs de carburant, qui ne peuvent respecter la réglementation. Autre problème : les agrocarburants ont une « densité énergétique » moins forte que les carburants et sont plus vite « brûlés » par les voitures… Avec une facture plus onéreuse pour les automobilistes.
Dans un communiqué, Sofiprotéol tente de minimiser ces constats, affirmant que l’entreprise « se réjouit que le rapport de la Cour des comptes mette en exergue l’utilité des biocarburants pour la collectivité »… La politique française a permis le développement « d’un appareil agro-industriel de taille européenne et désormais en partie amorti [2] », souligne le rapport. On n’est donc pas prêts d’en sortir.
Basta Mag, Agnès Rousseaux, 1er février 2012
Lire le rapport de la Cour des comptes.
Lire le résumé.
Notes
[1] La production de soja en France pour fournir Diester industrie engendre une déforestation à l’autre bout du monde pour maintenir la production mondiale en huile alimentaire. Et donc un coût en termeS d’émissions de CO2.
[2] Capable de produire 1,91 million de m3 de biodiesel et 1,25 million de m3 de bioéthanol.