Environ 400 personnes, militants et lycéens mêlés, ont bruyamment manifesté hier en centre-ville pour défendre la cause de Kevin, menacé d’expulsion.
Au Congo, il ne connaît personne. On est venu en France il y a six ans parce que son père a été assassiné là-bas. S’il y repart, ce sera une catastrophe… Chantal Kimpéfé retient difficilement ses larmes. Sur les marches de l’hôtel de ville, la mère de Kevin témoigne brièvement.
« Il a construit sa vie ici »
Ils sont venus nombreux pour défendre la cause de son fils, élève de 19 ans du lycée Kyoto arrêté dimanche sur un terrain de foot de Saint-Eloi et menacé d’expulsion vers le Congo pour de précédentes condamnations (voir Centre Presse d’hier): environ 400 personnes, militants associatifs ou politiques et élèves du lycée Kyoto (1), sont rassemblées dès 17h30 devant la préfecture. « Il a fait des bêtises quand il avait 15 ans, mais la double-peine a été supprimée! » tonne Yves Judde, de la Cimade. Plusieurs élèves du lycée Kyoto, dont certains font partie de la classe de Kevin, témoignent spontanément: « Il est très bien intégré, on n’a pas le droit de l’expulser à deux mois du bac! » lance Chloé. « C’est quelqu’un de gentil, de travailleur, explique Maxime. On l’a vraiment vu évoluer: il a construit sa vie ici et visait maintenant un BTS hôtellerie. » Pauline a eu Kevin au téléphone mardi soir: « Il doit être jugé jeudi matin, il attend au centre de rétention dans des conditions très difficiles. » Sa situation suscite en tout cas une vraie mobilisation chez ses camarades. Hier, la plupart des jeunes de Saint-Eloi ont prolongé la manifestation pendant deux bonnes heures au fil d’un défilé qui aura fait plusieurs haltes, notamment devant le commissariat et face à la gare, dans un climat parfois un peu tendu avec les forces de l’ordre.
Aux cris de « Libérez Kevin », une partie des manifestants a fait une halte devant les grilles fermées du commissariat. fdelage
Aujourd’hui, devrait se jouer le destin de Kevin Kimpéfé. Au terme d’une audience qui décidera s’il retourne au Congo. Ou prépare son baccalauréat en France.
(1) Le conseil d’administration du lycée Kyoto s’est fendu hier d’une motion soulignant le « parcours d’insertion positif » de Kevin.
Centre Presse, Frédéric Delâge, 29 mars 2012
ndPN : dès le début de la manif, flics en nombre ; grosses intimidations policières, menaces et insultes à l’adresse des jeunes manifestants ; à la fin de la manif, alors qu’elle se dispersait dans le calme, deux arrestations. Communiqué à venir du comité poitevin contre la répression des mouvements sociaux.
Mise à jour : deux articles dans la Nouvelle République :
Deux heures de manif agitée pour soutenir Kevin
Plusieurs centaines de personnes ont manifesté, hier soir, dans la ville pour marquer leur soutien au lycéen de Kyoto menacé d’expulsion.
Après un rassemblement devant la mairie et la préfecture, des jeunes se sont retrouvés devant le commissariat aux cris de « Libérez Kevin ».
Après la stupeur avant-hier au lycée Kyoto à l’annonce de l’arrestation de Kevin Kimpéfé, 19 ans, puis de son transfert au centre de rétention administrative du Mesnil-Amelot en région parisienne, la température est montée d’un cran, hier après-midi, dans le centre-ville. A l’appel de ses amis, d’associations de défense des sans-papiers, de syndicats et de mouvements politiques, quatre à cinq cents personnes se sont retrouvées en soirée devant la préfecture puis, devant la mairie. Avant d’entamer, pour certains, un long périple qui les a menés du commissariat jusqu’à la gare SNCF.
Liberté ! Liberté ! Liberté !
« Kevin, on l’a vu évoluer, maintenant c’est une crème, très travailleur, très impliqué », expliquent à l’envi ses camarades lycéens. « Il a fait des conneries ? Mais il a été condamné à du sursis et du travail d’intérêt général et il a déjà payé. Ne lui infligeons pas la double peine ! » lancent des organisations comme la Cimade. « Ce ne sont pas les sans-papiers qui sont dangereux, ce sont les sans-papiers qui sont en danger », lance le collectif contre les expulsions. « Que ferait Kevin seul là-bas ? Son père a été assassiné par Kabila. Il y a eu 8 millions de morts chez nous », sanglote Chantal, la mère du jeune homme. Les jeunes du quartier de Saint-Eloi, venus en nombre pour défendre un des leurs, veulent montrer leur colère. Bruyamment. Pour eux, il faut libérer Kevin. « Liberté ! Liberté ! Liberté ! », scandent-ils en courant dans les rues, sous les yeux d’une police parfois, elle aussi, au bord de la rupture… Vers 20 h, les jeunes manifestants se retrouvent place d’Armes avant de se séparer et de regagner leur quartier en autobus. Ce matin, Kevin doit être fixé sur son sort, au terme d’une audience qui peut le « rendre » à son pays d’origine ou lui donner le droit de rester sur le territoire national. Dans deux mois peut-être, il passe le baccalauréat.
Nouvelle République, Jean-Michel Gouin, 29 mars 2012
Poitiers: deux mineurs arrêtés après la manifestation de soutien à Kevin
Deux mineurs de 15 et 17 ans ont été arrêtés, hier soir, après la manifestation de soutien à un élève de 19 ans du lycée de Kyoto qui risque l’expulsion. Ils sont soupçonnnés d’avoir commis des dégradations durant la manifestation qui avait été marquée par de brusques montées de tension heri soir. Il n’y a pas eu d’incidents signalés au cours de la nuit dans le quartier de Saint-Eloi fréquenté par les copains de Kevin, contrairement aux craintes exprimées hier au vu du déroulement de la manifestation. La justice devrait statuer aujourd’hui sur un recours présenté par les défenseurs de Kevin qui contestent la légalité de sa rétention administrative au Mesnil-Amelot. La vigilance a été renforcée pour prévenir tout dérapage si une décision défavorable était rendue.
Nouvelle République, 29 mars 2012
ndPN : aucune « dégradation » n’a été commise, toutes les personnes présentes dans la manif pouvant en témoigner ; il ne s’agit là que d’un prétexte de la police pour tenter de justifier ces arrestations arbitraires. Les manifestant-e-s n’ont pas cédé aux provocations policières, faisant preuve à la fois de détermination et de sang-froid. Solidarité avec Kévin et avec les deux manifestants arrêtés !
Mise à jour (2) : Le tribunal a confirmé la validité de l’OQTF, Kevin doit voir le JLD qui statuera sur la validité de la rétention administrative.