[Espagne] Grosses manifs contre l’austérité, affrontements

Espagne : une marée humaine contre l’austérité

Une marée humaine agitant des nuées de drapeaux rouges a défilé, jeudi, dans toute l’Espagne, des manifestations émaillées de violences à Barcelone, au soir d’une grève générale contre la réforme du travail et la politique d’austérité du gouvernement de droite.
A la veille de l’annonce du budget 2012, marqué par une cure de rigueur sans précédent, des centaines de milliers de personnes ont manifesté à travers le pays, point d’orgue de l’exaspération sociale qui grandit sur fond de chômage galopant, de récession et de coupes sociales draconiennes. Portant de petites pancartes où étaient dessinés des ciseaux, symbole des réductions budgétaires, au moins 100 000 manifestants ont parcouru les avenues du centre de Madrid. Les manifestants, évalués à 800.000 par les syndicats, défilaient aussi à Barcelone, la deuxième ville du pays, où des violences ont éclaté entre policiers et groupes de jeunes. «La police a dû intervenir et a utilisé des balles en caoutchouc face à un groupe assez important qui a provoqué des incidents violents», a déclaré un porte-parole du ministère régional de l’Intérieur.
Partout ailleurs, la mobilisation était forte, avec 50.000 personnes à La Corogne selon la police, 25.000 à Saint-Jacques de Compostelle selon les syndicats et entre 72.000 et 400.000 dans toute l’Andalousie, suivant les estimations.
A l’image des nombreux manifestants, José Luis Rodriguez, commercial dans le secteur automobile de 35 ans, expliquait avoir fait le choix de perdre une journée de salaire pour défendre ses droits, en faisant grève pour la première fois de sa vie. «Cette journée va me coûter 60 euros, c’est peu en comparaison de ce qu’ils risquent de me prendre demain avec la réforme, ils peuvent me jeter à la rue», lançait-il. «Ils attaquent les droits des travailleurs, si nous ne sortons pas dans les rues, ils ne sauront pas que nous sommes contre la réforme».
Six policiers légèrement blessés
L’Espagne a vécu au ralenti ce jeudi au rythme d’une grève générale de 24 heures contre la réforme du travail mise en place par le gouvernement de droite, point d’orgue de l’exaspération sociale face au chômage, à la récession et à l’austérité. Alors que les syndicats annonçaient déjà un «immense succès», le ministère de l’Intérieur a indiqué tôt jeudi matin que 58 personnes avaient été interpellées, six policiers légèrement blessés ainsi que trois grévistes dans des incidents mineurs. Le face-à-face entre grévistes et policiers a parfois été tendu, comme devant la station de bus de Carabanchel à Madrid, où un manifestant a été blessé au visage, ou devant le marché de gros de Barcelone où les grévistes ont brûlé des pneus.
Les syndicats Comisiones Obreras (CCOO) et UGT qui ont appelé les Espagnols à manifester dans une centaine de villes, dénoncent la réforme du marché du travail approuvée le 11 février par le gouvernement dans le but de combattre un chômage record, à 22,85% des actifs. Selon eux, cette réforme aura pour seul effet d’aggraver le fléau, alors que le gouvernement lui-même prévoit déjà la destruction de 630 000 emplois en 2012 et un chômage à 24,3% en fin d’année.
Un impact peut-être limité par un service minimum dans les transports
A Madrid, 30% en moyenne des métros et des bus devaient circuler, selon l’accord de service minimum. Les services de santé doivent fonctionner comme un jour férié. Dans le reste du pays, 30% des trains régionaux étaient prévus de même que 20% des trains nationaux. Les compagnies aériennes Iberia, Air Nostrum et Vueling ont elles annulé en moyenne 60% de leurs vols. Cette journée de grève générale est la sixième depuis le rétablissement des libertés syndicales en 1977. La précédente remonte au 29 septembre 2010, sous le gouvernement socialiste.
Pour le chef du gouvernement conservateur Mariano Rajoy, au pouvoir depuis cent jours, elle intervient au pire moment: sous l’oeil de ses partenaires européens inquiets de l’état des finances publiques du pays, le Conseil des ministres doit approuver vendredi le budget 2012, marqué par des coupes sévères.

VIDEO. Des centaines de grévistes dans les rues de Madrid

LeParisien.fr avec AFP, 29 mars 2012