Recensements, expulsions, charters : Valls marche à pas de Guéant
Alors que tous les dirigeants socialistes poussent des cris d’orfraie contre Nadine Morano qui déclare publiquement qu’elle partage les mêmes valeurs que les électeurs du Front National, à Lyon, Grenoble et Toulouse, Manuel Valls, lui, applique scrupuleusement la même politique que Claude Guéant à l’égard des roms…
Grenoble, mercredi 22 maiA 6 heures du matin une centaine de policiers entoure le camp de La Tronche occupé par des roms. Les enfants sont réveillés dans leur sommeil. Ils hurlent, c’est la panique. [1] 140 personnes sont « recensées » selon les termes de la police. Une vingtaine d’Obligations de Quitter le Territoire Français (OQTF) est délivrée à la chaîne, toutes sont rédigées sur le même modèle. Deux personnes sont conduites en rétention. Depuis l’élection de François Hollande, les expulsions se multiplient à Grenoble. « C’est le grand nettoyage de printemps avant les vacances, comme en 2010 et 2011. Rien ne change » s’indigne un militant.
Toulouse, mercredi 6 juinUn campement de roms situé le long de la Garonne qui abritait une trentaine de personnes est démantelé. La police est arrivée avec un bulldozer et a détruit toutes les cabanes. [2] Avec les 2 évacuations opérées par la police la semaine précédente, ce sont plus de 100 personnes qui sont jetées à la rue en quelques jours. Cette fois-ci, c’est la supposée dangerosité du site qui est mise en avant. Avec une possible montée des eaux, les personnes seraient en danger. La préfecture doit estimer que pour des enfants et des nourrissons, dormir à la rue, sous la pluie, sans abri, exposés aux dangers de la rue, c’est un sort beaucoup plus enviable.
Lyon, jeudi 14 juinEnviron 50 roms se retrouvent à Perrache pour attendre le car qui les conduira à l’aéroport où ils seront rejoints par d’autres en provenance de Saint-Etienne. Un charter a été spécialement affrété pour eux par l’OFII (Office Français de l’Immigration et de l’Intégration), direction Bucarest. L’OFII est toujours dirigé par Arno Klarsfeld, l’ex-boyfriend de Carla Bruni Sarkozy, qui déclarait qu’on pouvait bien renvoyer les roumains chez eux, car ce n’était quand même pas Auschwitz [3] C’est la seconde expulsion collective à Lyon qui se fait sous le couvert de l’aide au retour humanitaire depuis l’élection de François Hollande. La précédente a eu lieu le 10 mai et à l’époque, on nous avait expliqué qu’on ne pouvait pas l’attribuer au nouveau gouvernement. Pour ceux qui auraient des doutes sur la politique de messieurs Hollande et Valls à l’égard des roms, le prochain voyage tous frais payés organisé par le gouvernement socialiste au départ de Lyon et à destination de la Roumanie est prévu début juillet.
En ce moment à Lyon, d’après les associations, les descentes se multiplient dans les camps. Un militant témoigne : « La police enchaîne les descentes pour recenser et préparer les expulsions. La situation a été calme après les présidentielles et là, depuis 3 semaines, on dirait qu’ils préparent un remake de l’été 2010. »
En novembre 2011, le Comité Européen des Droits Sociaux (CEDS) a pourtant qualifié les expulsions collectives de roms comme étant « discriminatoires » et « contraires à la dignité humaine » car fondées sur l’origine ethnique des personnes concernées. Il s’agit d’ « une violation aggravée des droits de l’homme » selon le Conseil de l’Europe. Même le prétexte des retours volontaires est balayé par le CEDS : « Ces retours dits volontaires ont en pratique déguisé des retours forcés sous forme d’expulsions collectives ».
Le 27 mars 2012, François Hollande, candidat à la Présidence de la République, écrivait à Romeurope : « J’ai toujours dénoncé, et je continuerais à le faire, la stigmatisation dangereuse lancée par le candidat sortant en août 2010 à l’égard des populations de Roms : expulsions brutales à répétition, stigmatisation toujours plus forte d’une population, interdiction de travailler et de se former, reconduites aux frontières sans résultat… » [4]. Même Manuel Valls, lors de sa passation de pouvoir le 17 mai avait déclaré devant Claude Guéant et les caméras : « Il n’y aura ni angélisme, ni course effrénée aux chiffres, ni stigmatisation de communautés, d’une catégorie par rapport à une autre… » [5].
Il paraît que les promesses n’engagent que ceux qui les écoutent…
Le 12 juin, à propos de la réforme de l’espace Schengen, Daniel Cohn-Bendit a accusé Manuel Valls de s’être glissé « dans les pantoufles de Claude Guéant » [6] Valls ne se contente malheureusement pas de se glisser dans les pantoufles de Claude Guéant. Il enfile le costume tout entier et trouve que cela lui va comme un gant. Et si jamais certains pensent encore que l’habit ne fait pas le moine, le nouveau ministre de l’intérieur met un point d’honneur à appliquer scrupuleusement la même politique raciste et xénophobe que son prédécesseur à l’égard des roms : expulsions de camps, recensements, délivrance d’obligation de quitter le territoire, reconduites à la frontière et charters…
Décidément, pour les roms, le changement, c’est pas pour maintenant.
Philippe Alain
Vu sur Rebellyon, 15 juin 2012
Notes
[1] http://www.20minutes.fr/article/939823/camp-tronche-sursis
[2] http://www.franceinter.fr/depeche-demantelement-d-un-camp-de-roms-a-toulouse
[3] http://blogs.mediapart.fr/blog/philippe-alain/220911/la-roumanie-nest-pas-auschwitz-mais-ici-cest-dej
[4] http://www.romeurope.org/IMG/pdf/Reponse_Parti_Socialiste.pdf
[5] http://www.dailymotion.com/video/xqw3ju_passation-de-pouvoirs-entre-gueant-et-valls_
[6] http://www.liberation.fr/politiques/2012/06/12/cohn-bendit-valls-