[Poitiers] Quand les autorités poitevines tentent de récupérer Foucault

Quand les autorités poitevines tentent de récupérer Foucault

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Michel Foucault et Jean Paul Sartre manifestent devant l’entrée des usines Renault pour protester contre l’assassinat de Pierre Overney, militant maoïste assassiné par un agent de sécurité de Renault – 28/02/1972 – Crédits : Lorenzo, Josée  / INA

La semaine Foucault à Poitiers s’ouvre donc. Elle s’affiche odieusement sur les « sucettes » publicitaires et le « mobilier urbain » du propagandiste Decault. Foucault, natif de Poitiers, toujours boycotté de son vivant par les bureaucrates locaux, doit se retourner dans sa tombe de Vandeuvre-du-Poitou !

Et pour cause : cet universitaire, certes non anarchiste mais communiste et partageant une critique radicale de l’autorité, n’a cessé de produire une critique sans concession des méthodes castratrices et disciplinaires des pouvoirs patriarcal, capitaliste et étatique.

Sa critique a dénoncé, avec une pertinence redoutable, les dispositifs autoritaires au sein de cette société panoptique, dont il a souligné la similarité : la caserne, l’école autoritaire, le marché culturel et artistique, l’enfermement psychiatrique et médical, la prison – il a d’ailleurs fondé le GIP, groupe d’information sur les prisons.

L’auteur de « Surveiller et punir » a disséqué sans concession l’histoire de la diffusion d’un pouvoir biopolitique qui atomise les individus, plongeant son contrôle inquisitorial jusque dans leurs actes les plus quotidiens.

S’il est réjouissant de voir que les universitaires à l’initiative du projet considèrent que la pensée de Foucault mérite plus que jamais d’être connue, il est dans le même temps tout à fait insupportable d’assister à la muséification de fait de cet auteur, qui prônait une pensée vivante, une pensée de combat.

D’autant plus quand cette muséification est promue par des autorités locales, les mêmes qui mettent en oeuvre à Poitiers toujours plus de gentrification, d’aliénation pseudo-culturelle, de surveillance, de stigmatisation des « marginaux », de quadrillage des territoires à coups de coeur d’agglo et de grands chantiers inutiles, de répression par la police… et par la taule : le dispositif carcéral de la nouvelle taule de Vivonne résumant parfaitement tout ce que Foucault abhorrait.

Pour notre part, nous n’irons pas aux « événements » Foucault. Les conférences proposées ne sont sans doute pas dénuées d’intérêt… mais la meilleure façon selon nous de rendre « hommage » aux idées de ce philosophe, ne saurait certainement pas consister à lui tisser des lauriers dans le cadre d’un folklore vedettarial, vingt ans après sa mort, en vue de neutraliser le potentiel subversif de sa pensée ; mais à traduire et développer en actes, dans nos alternatives de vie et de luttes, la critique radicale commune d’une société autoritaire invivable.

Pavillon Noir, 21 mars 2013