NdPN : au-delà des discours politico-économiciens de bureaucrates, de technocrates et de journaleux vendant la LGV, juteuse pour Vinci et ruineuse pour les populations, il y a la réalité du saccage social et environnemental des espaces traversés. Pour une fois, fait assez rare pour être relevé, la Nouvelle République ne se fait pas le porte-parole béat de ce projet dévastateur.
Face à la (dure) réalité de la ligne grande vitesse
Le chantier de la LGV entre dans le dur. Et les habitants des communes traversées découvrent l’ampleur des dégâts. Exemple à Colombiers.
Sans doute personne n’imaginait à Colombiers, l’ampleur pharaonique du chantier de la LGV. Eh bien, sans vouloir faire de mauvais jeu de mots, les Colombinois ont le nez dedans.
Au 73e km de la ligne Tours-Bordeaux, le ronflement des camions et des tractopelles est devenu le quotidien des habitants. La ligne grande vitesse traversera la commune sur près de 2 km, coupant carrément en deux le coteau partagé avec Marigny-Brizay, pour dévaler dans la vallée de l’Envigne. Quoique question de dévaler, le tracé sera plutôt plat, ce qui implique de taper considérablement dans le coteau. D’où l’expression « pharaonique ».
« Normalement, on se doit de dire que c’est pour le bien collectif »
Michel Guillemard, premier adjoint au maire à Colombiers, qui suit de près le dossier, lui préfère le terme « monstrueux »… « La LGV a des contraintes techniques par rapport à la vitesse, explique l’élu. Localement, il atteindra 350 km/h. La ligne doit être profondément creusée dans le coteau et surélevée dans la vallée. Ça va défigurer le paysage ». Deux zones de la commune sont concernées de près. Tout d’abord « La Genetière », dans la vallée, où la route d’Ouzilly va être déviée et un pont construit au-dessus des rails. Le secteur est agricole… « L’aménagement foncier est en cours avec le conseil général pour pouvoir conserver des zones d’exploitations, indique la mairie. Par ailleurs, il a été obtenu de Lisea d’avoir deux voies transversales qui permettent de rattraper les routes et accès aux chemins agricoles qui disparaissent ».
Le coteau coupé en deux
Ensuite « La Baudrigère », juste sur le coteau, où la tranchée sera large de 150 mètres. La départementale 21 qui rejoint Marigny va être déviée pendant un an. Facile. « Certes, c’est au bout du village mais ça va gêner des habitants, souligne Michel Guillemard. Les gens qui habitent à côté subissent à cause des travaux et subiront avec la future ligne. Normalement, on se doit de dire que c’est pour le bien collectif, que c’est positif pour l’emploi. Mais une commune comme nous, on subit de A à Z, on n’y a pas d’intérêt, on verra seulement le train passer. » Pas faux.
Franck Bastard, Nouvelle République, 21 mars 2013
Marie-Louise à 50 mètres de la LGV
A 87 ans, Marie-Louise Dévigne prend avec philosophie l’arrivée de la LGV… dans son jardin ou quasiment. Sa maison, située à « La Baudrigère » à Colombiers, où elle s’est installée en 1977, n’est située qu’à 50 mètres du chantier. L’octogénaire, qui vit seule, a eu de gros soucis de santé qui la clouent depuis six ans dans un fauteuil roulant. Une aide à domicile la visite quotidiennement.
« Jamais je ne quitterai ma maison »
C’est depuis sa cuisine où elle passe l’essentiel de ses journées d’hiver, entourée de ses livres, de ses poèmes, de ses petits souvenirs, qu’elle devine le bruit des tractopelles. « Pour l’heure, c’est supportable mais cet été, ce sera une autre chanson ! », sourit-elle. « A l’époque, quand j’ai acheté à Colombiers, je me suis intéressée de savoir si l’autoroute ne passerait pas dans le coin. Et en 2007, on a décidé qu’on allait avoir la LGV ! », raconte-t-elle avec ce petit air moqueur dont elle ne se départ jamais. Marie-Louise dit avoir écrit à Réseau ferré de France : « Ils sont venus toute une délégation me voir dans ma maison. Dans ma lettre, j’avais écrit que j’avais choisi un coin calme à la campagne et que j’allais finir comme les vaches à regarder les trains passer. Je voulais un tunnel, ils m’ont garanti qu’il y aurait un remblai pour protéger du bruit. C’est pareil, on m’avait dit que j’aurai droit à des nouvelles fenêtres pour isoler. Mais je n’ai pas de nouvelles. Par contre, ils ont laissé le rideau d’arbres devant la fenêtre de ma chambre. » Marie-Louise Dévigne est fataliste : « Quand une âme charitable m’emmène en balade, je m’interdis de regarder le paysage. Non, jamais je ne quitterai ma maison ! »
Nouvelle République, 21 mars 2013