NdPN : hier 12 avril, des éleveurs ont mis le boxon devant de nombreux supermarchés. Du fumier pour les fumiers ! On sait que les subventions massives de l’Union européenne nuisent aux petits producteurs des pays dits en voie de développement, souffrant d’une concurrence « déloyale » avec le lait importé d’Europe. Mais ce discours conduit parfois à cracher sur les éleveurs européens en général… Or, hormis le fait que toute concurrence soit en soi déloyale, on peut aussi souligner que les petits producteurs de lait en Europe ne roulent pas non plus sur l’or, vendant même bien souvent à perte le fruit de leur travail. Les vrais voleurs ne sont pas celles et ceux qui triment, mais les capitalistes. Qu’il s’agisse des grosses firmes productrices de lait, engrangeant les subventions publiques (proportionnelles à la production, une aberration qui vise à soutenir la monopolisation capitaliste sur cette production), ou de la grande distribution, écrasant les producteurs au nom de « la vie moins chère » pour les consommateurs-trices, eux et elles-mêmes pressuré-e-s par des salaires minables. Les salauds ne sont pas du côté des gens qui bossent, mais des profiteurs capitalos qui avec l’aide des Etats, accaparent aussi bien la production que la distribution. La lutte contre ces requins par des actions directes (voir ci-dessous) est incontournable ; pour être victorieuse, il faudra aussi qu’elle se double de la mise en place de circuits courts et directs entre producteurs et consommateurs.
» Un éleveur qui se lève sait qu’il va perdre de l’argent «
Hier matin, des agriculteurs ont barré l’accès au Géant Casino de Poitiers. Pour faire pression sur les distributeurs qui ne lâchent pas de lest sur le prix du lait.
L’heure du laitier ou presque. Il est 7 h 45 sur le parking du Géant Casino de Poitiers ce vendredi. Le directeur du magasin est en bras de chemise sur le parking. Il sait déjà que la journée ne sera pas bonne. Car des tracteurs ne tardent pas à déverser du fumier et des pneus aux différents accès à cette enseigne. Des barrages dissuasifs pour les clients en voiture.
« Si on ne veut plus de nous, il faudra penser à se nourrir autrement »
« Notre action s’est déclenchée en plusieurs endroits du département pour bien faire passer notre message (1), souligne Mathieu Morin, président des Jeunes Agriculteurs 86. Et des céréaliers sont là également en solidarité avec nos éleveurs. » Ces producteurs laitiers sont étranglés par des charges en constante augmentation, notamment les matières premières. En face, à la table des négociations, la grande distribution ne lâche rien. « Un éleveur qui se lève, il sait qu’il va perdre de l’argent, assure Mathieu Morin. C’est toujours à lui de s’adapter. Payer un litre de lait deux centimes de plus, les distributeurs sont capables de l’assumer. Cela permettrait de souffler et de vivre un peu mieux. On ne peut plus continuer comme ça. » « Nous avons rencontré le directeur du Géant Casino et on compte sur lui pour faire remonter l’information », espère Denis Bergeron, président de la FNSEA 86. Mathieu Morin précise : « Michel-Edouard Leclerc est prêt à faire un premier pas, mais sur trois mois. Ça ne suffit pas. » Avant de s’alarmer : « A terme, c’est la mort de l’agriculture. Si on n’en veut plus, il faudra penser à se nourrir autrement. »
(1) A Montmorillon, Leclerc, Leader price et Super U ont été ciblés, ainsi que Leclerc et Auchan à Châtellerault.
Jean-François Rullier, Nouvelle République, 13 avril 2013