[Clermont] 2000 manifestants pour Wissam

Plus de 2.000 manifestants réclament « justice pour Wissam » à Clermont-Ferrand

Plus de 2.000 manifestants ont défilé samedi après-midi à Clermont-Ferrand, pour réclamer « justice » et « vérité » dans l’affaire Wissam El-Yamni, dont la mort suite à son interpellation a suscité plusieurs NUITS de tension cette semaine et une forte colère contre la police.

Des cabanes de chantier brûlent près d'une palissade sur laquelle a été écrit "Wissam on t'oublie pas frère", le 10 janvier 2012 dans le quartier de La Gauthière à Clermont-Ferrand.

Des cabanes de chantier brûlent près d’une palissade sur laquelle a été écrit « Wissam on t’oublie pas frère », le 10 janvier 2012 dans le quartier de La Gauthière à Clermont-Ferrand.
 

Les plus virulents des manifestants sont allés jusqu’à scander « Police assassins » devant la préfecture, sur laquelle a été accrochée une banderole proclamant: « pas de justice, pas de paix ».

D’autres banderoles dans le défilé mettaient en cause les deux policiers ayant procédé à l’interpellation controversée: « Pour Wissam, la justice doit punir ses assassins » ou « prison pour les meurtriers de Wissam ».

« Mon fils a été assassiné par la police, je veux la justice », a déclaré entre deux sanglots le père de Wissam El-Yamni devant la foule avant de rentrer dans le bâtiment pour y être reçu par le préfet, François Lamy.

Jean-Louis Borie, avocat de la Ligue des droits de l’Homme (LDH), a dénoncé devant les manifestants « les contrôles au faciès » dans les quartiers populaires comme La Gauthière, d’où venait ce chauffeur routier de 30 ans. Des voitures y ont été brûlées pendant plusieurs NUITS cette semaine.

« Respect de la dignité. Vérité et justice pour Wissam », pouvait-on lire plus sobrement sur la banderole de tête. Les manifestants étaient plus de 2.000, selon l’AFP, au plus fort de la manifestation, en grande partie dispersée en fin d’après-midi. La préfecture ne disposait pas d’évaluation dans un premier temps.

Dans le cortège de cette manifestation organisée à l’appel notamment de la Ligue des droits de l’Homme ou du parti d’extrême gauche NPA, défilaient de nombreux jeunes issus de l’immigration mais aussi des élus locaux, Verts, NPA ou socialistes, comme l’adjoint au mairie en charge de la Jeunesse, Simon Pourret.

La famille a été reçue vendredi par la juge d’instruction chargée du dossier, mais les résultats de l’autopsie n’étaient pas encore connus. Une information judiciaire pour « violences volontaires ayant entraîné la mort sans intention de la donner par personne dépositaire de l’autorité publique » a été ouverte.

Wissam El-Yamni était sous l’emprise de l’alcool, de la cocaïne et du cannabis lors de son interpellation musclée dans la nuit du 31 décembre au 1er janvier.

Une autre manifestation qui devait être organisée parallèlement devant la préfecture par le Bloc identitaire (extrême droite) a été interdite, la préfecture évoquant un « risque de trouble à l’ordre public ».

Le Bloc identitaire entendait dénoncer le fait que « les forces de police soient une fois de plus accusées voire condamnées avant toute conclusion d’enquête ».

AFP, 14 janvier 2012

[Aulnay-sous-Bois] Marche en hommage à Abdelilah El Jabri mort entre les mains de la police

[Aulnay-sous-Bois] Marche en hommage à Abdelilah El Jabri mort entre les mains de la police

Aulnay-sous-Bois : une marche dans le calme à la mémoire d’Abdelilah

Ils étaient environ 500. Des proches, des élus, des membres d’associations ou simplement des habitants de la cité d’Aulnay-sous-Bois, en Seine-Saint-Denis, où le jeune Abdelilah, 25 ans, est décédé mardi soir d’une crise cardiaque lors d’une opération de police dans un hall d’immeuble.

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Ils ont marché dans le calme de la mosquée d’Aulnay-sous-Bois jusqu’à la cité Balagny, où résidait la victime et où s’est déroulé le drame. « C’était un gars toujours souriant (…) on ne saura jamais ce qui s’est passé mais, s’il vous plaît, les gars, le calme, le calme », a répété au micro Mourad, cousin germain de la victime, devant le cortège arrêté au pied de l’immeuble où les faits se sont déroulés.

Dans ce quartier réputé plutôt calme, la situation était en effet tendue mardi et mercredi soir, avec un déploiement important de CRS. « Peut-être qu’il était au mauvais endroit au mauvais moment, nous la famille on n’en veut à personne, on veut le retour au calme et qu’il repose en paix », a expliqué Rachid, demi-frère d’Abdelilah. Demandant aux médias, présents en petit nombre vendredi, de « ne pas raconter n’importe quoi » au sujet de son cousin, Mourad a rappelé qu’Abdelilah était « un mec tranquille, qui s’est toujours occupé de son père atteint de la maladie d’Alzheimer ».

(…) Les deux jeunes interpellés mardi soir en compagnie de la victime pour détention de stupéfiant ont été remis en liberté jeudi à l’issue de leur garde à vue. Le parquet de Bobigny a annoncé qu’il seront convoqués devant le tribunal « dans un délai rapproché ».

Leur presse (LeParisien.fr), 13 janvier 2012.


(…) Durant deux nuits, des incendies ont mis à l’épreuve les forces de l’ordre. Ces incidents, peu nombreux et contenus, se sont toutefois étendus dans la nuit de mercredi à des quartiers voisins : à la Rose-des-Vents, aux Gros-Saule, à Europe et aux Beaudottes à Sevran où deux voitures ont brûlé. Le bilan se limite à plusieurs incendies, de voitures et de poubelles, qui se sont accompagnés de quelques arrestations. Deux personnes, avenue Paul-Cézanne, ont été interpellées alors qu’elles tentaient de siphonner l’essence d’un poids lourd avec une pompe électrique. Des bidons d’essence se trouvaient dans une Twingo volée. Quatre autres jeunes ont été arrêtés après des jets de mortier sur les forces de l’ordre, rue Eugène-Delacroix. Bien peu d’incidents, en somme, pour cette nuit placée sous très haute surveillance. En plus de l’hélicoptère, trois compagnies de CRS et une autre de gendarmes mobiles étaient réunies, soit plus de 300 hommes.

Cette présence a parfois soulevé des questions parmi la population. « Comment interpréter la venue d’autant de forces de l’ordre, ça veut dire quoi ? Est-ce que ça n’ajoute pas aux tensions ? » s’interrogeaient des trentenaires, à pied d’œuvre en soirée pour dialoguer avec les jeunes de la ville. Hier soir, près de 80 personnes (médiateurs, élus, agents municipaux) étaient de nouveau mobilisées pour tourner dans les cités du nord d’Aulnay, instaurer le dialogue, désamorcer les frictions entre jeunes et forces de l’ordre, mais aussi rétablir l’éclairage public dans certains quartiers, plongés dans le noir durant les nuits précédentes.

Leur presse (LeParisien.fr), 13 janvier 2012.

[Poitiers] Les étudiants en orthophonie toujours en lutte

Poitiers : une centaine de manifestants pour la défense des diplômes d’orthophonie

Une centaine d’étudiants en orthophonie manifeste ce matin devant le Jardin des Plantes à Poitiers. Après avoir légèrement ralenti la circulation, ils sont remontés vers le marché du centre-ville pour distribuer en cette fin de matinée, des tracts pour la défense de leur diplôme.

Nouvelle République, 14 janvier 2012

Mise à jour 15 janvier : un article dans la Nouvelle République de dimanche

Liberté pour les inculpé-e-s de Toulouse !

Liberté pour les inculpé-e-s de Toulouse !

Depuis huit semaines, quatre jeunes sont en détention préventive à la prison de Seysses près de Toulouse. Ils et elles sont soupçonné-e-s d’avoir participé, en juillet 2011, à une action de solidarité avec les mineurs enfermés, menée dans les locaux de la direction interrégionale sud de la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ). Le soutien s’organise.

Les EPM (établissements pénitentiaires pour mineurs) sont de véritables prisons pour enfants, enfermant des mineurs de 13 à 18 ans, souvent issus des classes les plus défavorisées. Créés par la loi « Perben I », ils sont dénoncés par de nombreuses organisations politiques et syndicales (FSU, LDH, Syndicat de la Magistrature, PCF…). Il y a en effet de quoi s’interroger sur les 700 euros par jour dépensés pour chacun des 360 détenus mineurs enfermés dans les EPM, sur les 800 mineurs détenus… quand on compare, par exemple, avec l’hémorragie des budgets consacrés à l’éducation nationale. Ces EPM imposent une gestion schizophrène des mineurs « délinquants », en associant des éducateurs, sensés développer l’autonomie et l’apprentissage, et des matons – dont la fonction est éminemment coercitive. Les organisations syndicales travaillant dans ces EPM en dénoncent régulièrement la gabegie (la FSU, mais aussi la CGT-PJJ qui parle de « cocottes-minutes »). Même un rapport du Sénat se montre accablant. Résultat de cette politique consternante : suicides de mineurs à l’EPM de Meyzieux en 2008, et à l’EPM d’Orvaux en 2010 ; mutineries à Meyzieux en 2007, à Lavaur en 2007 et en 2011 ; tentatives d’évasion… Face à ce constat déplorable, la PJJ surenchérit dans la provocation et la répression les plus abjectes, en qualifiant d’ « irrécupérables » des jeunes détenu-e-s, en réclamant « plus de sécurité » ainsi qu’un « profilage des détenus ». Quant au Parlement, il s’apprêtait l’été dernier à refondre l’ordonnance de 1945 sur la justice des mineurs, avec la création d’un tribunal correctionnel pour récidivistes de plus de 16 ans !

C’est dans ce contexte qu’il faut comprendre l’action du 5 juillet dernier. Des personnes solidaires des détenu-e-s mineur-e-s s’introduisent dans des locaux de la PJJ de Labège, elles répandent un liquide puant (de la merde semble-t-il) sur des bureaux et ordinateurs, font quelques tags et laissent des tracts non siglés, solidaires contre la répression croissante qui s’exerce sur les mineurs et dénonçant les EPM. « Pas de violence physique » et « peu de dégâts », dixit le procureur de Toulouse Michel Valet lui-même (Dépêche du Midi, 6 juillet 2011), à peine un accrochage : quand un membre de la PJJ a arraché le sac à dos de l’une des personnes, il s’est pris un petit jet de lacrymo… qui n’a d’ailleurs donné lieu à aucune ITT (interruption temporaire de travail) ni à aucune plainte. Cette « affaire » n’était donc tout au plus qu’une modeste mais claire action de solidarité avec les mineurs frappés par la répression étatique. Qu’est-ce donc, face à la gravité de la situation des jeunes enfermé-e-s en EPM ?

Pourtant plus de quatre mois après les faits, c’est une véritable opération commando qui est lancée par l’Etat : des forces de l’ordre surarmées déboulent dans 7 lieux d’habitation de Toulouse – dont des squats d’habitation. Quinze personnes sont interpellées, dont une famille de sans-papiers. Six sont placées en garde à vue. Quatre sont ensuite placées en détention préventive, une reste inculpée et sous contrôle judiciaire, un dernier est libéré mais comme « témoin assisté ». Leur procès est prévu en mai 2012. Les trois chefs d’inculpation sont très lourds, disproportionnés par rapport aux faits reprochés : « violence commise en réunion sans incapacité », « dégradation ou détérioration du bien d’autrui commise en réunion », et bien sûr la fameuse « participation à un groupement formé en vue de la préparation de violences contre les personnes ou de destruction ou de dégradations de biens », l’arme estrosique absolue contre les militant-e-s, décidément ressortie à tous les procès. L’ADN des inculpé-e-s, alors qu’ils et elles avaient refusé leur prélèvement, a été pris sur leurs gobelets et couverts pendant la garde à vue. Rappelons que le prélèvement d’ADN (dont sont expressément exemptés les délinquants financiers) est devenu quasi-systématique en garde à vue. Que son refus est considéré comme un délit par l’Etat, pouvant donner lieu, même en cas de relaxe pour l’affaire corollaire, à d’ubuesques convocations ultérieures, voire des condamnations – le « délit » est toujours passible d’un an de prison et 15.000 euros d’amende.

Les inculpé-e-s de Toulouse nient toute participation à l’action du 5 juillet. Pour autant, ils et elles revendiquent et assument leurs convictions politiques et leur engagement militant. Certain-e-s sont des militant-e-s depuis le lycée, qui se sont mobilisé-e-s lors du CPE. Les inculpé-e-s ne font partie d’aucune organisation. Pourtant, la justice et la presse ont ressorti leur épouvantail, en prétendant qu’ils et elles appartiendraient à « l’ultra-gauche ». Cet étiquetage, de même que celui d’ « anarcho-autonome » (qu’on se souvienne de « l’affaire » de Tarnac ou celle de Vincennes) cache mal la volonté manifeste du pouvoir d’instaurer un véritable délit d’opinion, tout en coupant court à la critique nécessaire de leurs institutions.

Quatre d’entre eux-elles sont donc en « détention provisoire », qui s’éternise depuis huit semaines à la maison d’arrêt de Seysses. Sans aucune date annoncée de remise en liberté… Le juge attendrait le résultats des tests ADN – sans doute déjà à sa disposition. Si ces résultats ne correspondent pas, peut-être espère-t-il que les inculpé-e-s coopèrent pour donner des infos sur le milieu militant ? Que les flics puissent ficher d’autres militant-e-s exprimant leur soutien par des actions de solidarité avec les inculpé-e-s ? La détention provisoire bafoue la présomption d’innocence, puisqu’elle applique de fait une peine de détention avant tout jugement, sans compter qu’elle peut être prolongée au bon vouloir du juge. Ce qui prive les détenu-e-s de toute possibilité de relaxe, puisque pour se couvrir, le tribunal condamne toujours les détenu-e-s à une peine de rétention… qui couvre au moins le temps déjà passé derrière les barreaux (faute de quoi le tribunal pourrait être attaqué pour détention arbritraire). La CEDH (Cour Européenne des Droits de l’Homme) a critiqué la France à ce sujet : il y a de quoi. La moitié de la population carcérale en France correspond à des prévenu-e-s dans l’attente d’un procès, qui peut en certains cas avoir lieu deux ou trois ans plus tard. Là aussi, l’affaire de Labège rappelle celle de Tarnac (avec plus de six mois de détention préventive pour Julien Coupat), ou celle de Vincennes (entre 7 et 13 mois pour 6 Parisien-ne-s demeurant depuis sous contrôle judiciaire).

Les motifs qu’invoque le tribunal pour rejeter les demandes de libération émises par des inculpé-e-s de Toulouse frisent le grotesque : il s’agit d’ « empêcher une concertation frauduleuse avec des complices »… alors que les inculpées sont dans la même cellule et que les inculpés se sont côtoyés en promenade les premiers jours. D’ « empêcher une pression sur des témoins ou des victimes »… alors même qu’il n’y a aucune victime, et qu’aucun témoin n’a pu identifier personne. De « prévenir le renouvellement de l’infraction »… alors que les inculpé-e-s ne seraient pas des « récidivistes » mais des « primo-délinquants », s’ils et elles se retrouvaient finalement jugé-e-s coupables. Le tribunal a aussi refusé une demande de remise en liberté s’appuyant sur une promesse d’embauche pour 6 mois à partir de début janvier, jugeant celle-ci non crédible ; pourtant ce détenu a un casier judiciaire vierge, paye un loyer pour son logements et a des revenus. L’appel de l’autre détenu (rejeté) s’est même tenu récemment… sans le concerné.

Lorsque leur pouvoir s’est trouvé contesté, les Etats ont toujours eu recours à la stigmatisation et à l’agression contre une partie de la population : aujourd’hui les sans-papiers et plus généralement les étrangers, les Rroms, les jeunes des quartiers, les jeunes politisé-e-s, les militant-e-s (Conti, etc…), les anarchistes, etc. Ce qui leur permet de semer la peur en espérant détourner le mécontentement populaire contre des boucs-émissaires, si possible choisis de façon à briser les mouvements sociaux. Face à cette volonté de marginalisation et d’atomisation sociale, il y a une réponse claire et déterminée à apporter : la solidarité concrète avec toutes les personnes confrontées à la répression pour avoir contesté l’organisation (anti)sociale actuelle.

De nombreuses actions de solidarité avec les inculpé-e-s de Toulouse ont eu lieu et se poursuivent dans plusieurs villes de France, emmenées par des organisations et collectifs divers : banderoles, tractages, rassemblements, concerts et soirées débats (comme le 14 janvier aux Pavillons sauvages à Toulouse)… Le soutien matériel continue, notamment grâce à la solidarité du CAJ Toulouse (1), pour fournir aux détenus du fric pour cantiner, des bouquins, des vêtements et du courrier, malgré l’obstruction de l’administration pénitentiaire. Les affaires ont mis plusieurs semaines à arriver aux détenu-e-s, dont un n’a pu recevoir ses cours, pourtant envoyés à deux reprises par son Université, que très récemment soit quelques jours à peine avant ses partiels – ce qui compromet l’obtention de ses examens et son année universitaire.

Ici sur Poitiers, le comité poitevin contre la répression des mouvements sociaux (« antirep 86 ») a réagi très vite, en organisant notamment un rassemblement de soutien et en produisant deux communiqués. Personnellement, je connais un peu deux des détenu-e-s et je pense tous les jours à eux avec le mal au bide. J’ai partagé leur lutte à Poitiers lors de mouvements dans l’éducation. Ils m’ont soutenu lorsque j’étais en grève. Ils dorment aujourd’hui en taule. Mais je sais aussi qu’ils tiennent bon, et qu’ils se savent soutenus. La solidarité est notre seule arme. Elle ira jusqu’au bout, avec toutes les personnes qui se sentent concernées et révoltées.

Liberté pour les inculpé-e-s, abolition des EPM, abolition de toutes les prisons.

John Rackham, groupe Pavillon Noir (Fédération Anarchiste 86), 13 janvier 2012

(1) Soutien financier pour les frais de justice et la cantine en prison : envoyez vos chèques à l’ordre de « Maria », CAJ c/o Canal Sud, 40 rue Alfred Duméril, 31400 Toulouse

[Poitiers] Procès des faucheurs volontaires : entre 300 et 600 euros d’amende et des jours-amendes requis par le parquet

Faucheurs volontaires : un procès agité

Des témoignages d’un haut intérêt scientifique mais aussi les malheurs d’une avocate ont émaillé un procès qui s’annonçait plutôt technique.

Le président de la cour d’appel, Francis Lapeyre vient tout juste d’annoncer qu’il refuse de visionner le « témoignage » enregistré par Stéphane Hessel en faveur des huit faucheurs volontaires qui sont jugés ce jour-là. Un cri de femme s’élève des bancs de la défense. L’espace d’une seconde, on s’imagine que la bouillante Me Marie-Christine Etelin, défenseur depuis dix ans des opposants aux OGM à travers la France, exprime ainsi son indignation.

Il n’en est rien. L’avocate vient de s’effondrer, victime d’un douloureux déplacement de sa prothèse de hanche. Audience suspendue, pompiers, SAMU… Me Etelin est conduite au CHU où elle est opérée dans l’après-midi. Me Simone Brunet la remplace à la barre aux côtés de l’autre avocat des faucheurs, Me Nicolas Gallon.

Condamnationou relaxe ? Une affairede droit délicate

Cet incident aussi douloureux qu’inattendu vient rompre le déroulé d’une audience où les exposés scientifiques venaient jusqu’alors contrebalancer la sécheresse des débats purement juridiques.
En juin dernier, le tribunal correctionnel avait relaxé les huit prévenus, parmi lesquels deux « vedettes » : François Dufour, vice-président vert du conseil régional de Basse-Normandie, et surtout José Bové, le leader paysan devenu député européen d’Europe Écologie les Verts.
Relaxés, non qu’il existe le moindre doute sur la réalité des faits qui leur sont reprochés : le 15 août 2008, quelque 200 militants anti-OGM (dont les huit prévenus, qui le revendiquent) s’en prennent à deux champs de maïs transgéniques appartenant à la société Idémaïs, que gère Jean-François Charles, agriculteur à Valdivienne. Il s’agit de deux expérimentations menées pour le compte de la multinationale Monsanto. Ces expérimentations ont été dûment autorisées en 2006. Ce n’est qu’au mois d’octobre 2008, soit bien après le fauchage, que le Conseil d’État va dire que cette autorisation était illégale. Sur le papier, les faucheurs sont donc coupables : depuis 2002, tous les cas similaires se sont traduits au final par une sanction des contrevenants.
Mais le parquet commet une bévue dans les poursuites en visant l’article qui poursuit les destructions de cultures destinées à la mise sur le marché et non celui qui sanctionne les destructions d’essais scientifiques. Le tribunal prend acte de cette erreur et relaxe les prévenus au grand dam du parquet, qui fait appel. Suivant ou non des directives données par le Ministère, selon qu’on s’en tient à la version officielle (défendue hier par l’avocat général) ou à l’officieuse.
Le débat juridique a donc essentiellement porté sur ce point de droit délicat. La cour s’est donné jusqu’au 16 février pour le trancher.

Des peines d’amende requises

Après avoir affirmé avec force que l’appel du parquet ne devait rien à une quelconque intervention du Ministère, l’avocat général Frédéric Chevalier a demandé à la cour de requalifier les faits poursuivis, ce que le tribunal avait refusé de faire. Il a requis des peines d’amende de 300 à 600 € contre la plupart des prévenus, à l’exception des récidivistes multiples, menacés de jours-amendes, plus sévères. José Bové, s’il est condamné, pourrait ainsi avoir à régler, sous peine de prison, 200 jours- amendes à 10 euros.

Nouvelle République, Vincent Buche, 14 janvier 2012

Des scientifiques à la barre

Ce procès, largement moins médiatisé que le précédent devant le tribunal correctionnel, a donné l’occasion à deux grands scientifiques, le professeur Jacques Testart, « père » du premier bébé-éprouvette français, et le professeur Pierre-Henri Gouyon, d’amener le débat sur le terrain de l’éthique.
Jacques Testart est revenu trente ans en arrière, quand ses travaux sur la fécondation in vitro suscitaient eux-mêmes interrogations et oppositions. Le Pr Testart n’en est pas moins aujourd’hui un farouche opposant aux OGM. « Il y a toujours un risque quand on mène une expérimentation ». Ce risque, lui et son équipe l’ont assumé parce qu’en face d’eux, il y avait des centaines de parents désespérés de ne pas avoir d’enfants qui leur demandaient une solution.
« Là, poursuit le Pr Testart, je n’ai vu personne réclamer de manger du maïs transgénique. Il n’y a donc aucune raison de prendre ce risque ». Un risque totalement contesté par les avocats de Monsanto et, qui, c’est vrai, n’est pas plus démontré que l’innocuité des OGM. « Les connaissances sont insuffisantes, estime cependant Jacques Testart, pour qu’on passe à l’expérimentation dans les champs. »

Nouvelle République, 14 janvier 2012

Bon enfant

Jean-François Charles (à gauche), à José Bové : « Je ne vous en veux pas ! »

 

Jean-François Charles (à gauche), à José Bové : « Je ne vous en veux pas ! »

En dépit des rodomontades rigolardes d’un José Bové au mieux de sa forme, ce procès s’est déroulé dans une excellente ambiance comme en témoigne cette photo où l’on voit Jean-François Charles, propriétaire des champs ravagés à Civaux et Valdivienne, plaisanter avec José Bové, le meneur des faucheurs volontaires.

Nouvelle République, 14 janvier 2012