Le Monde Libertaire n° 1712 (du 27 Juin au 3 Juillet 2013)

NdPN : vous pouvez trouver ce nouveau ML hebdo en kiosques, ou le consulter librement au Biblio-café de Poitiers (rue de la Cathédrale). Comme d’hab’, trois articles sont d’ores et déjà consultables sur le site du Monde Libertaire (voir liens ci-dessous). Bonne lecture les ami-e-s !

Le Monde Libertaire n° 1712 (du 27 Juin au 3 Juillet 2013)

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«Les actions des hommes sont les meilleurs interprètes de leurs pensées.» – John Locke

Sommaire du Monde Libertaire n° 1712

Actualité

Une conférence (sociale) de plus, par G. Goutte, page 3

Gaz de schiste : que veut-on ?, par le groupe Drapeau noir, page 5

Météo syndicale, par J.-P. Germain, page 6

La Chronique néphrétique de Rodkol, page 7

Psychiatrie et électrochocs, par Sophie et Alexis, page 8

International

Un «miracle » américain, par J. White et S. Jones, page 10

Le Printemps tropical du Brésil, par R. Pino, page 12

Israël, entretien avec Pierre Stambul, par P. Arnaud, page 14

Histoire

Marat et la révolution permanente, par Erwan, page 16

À lire

Une société sans pognon, par T. Guilabert, page 18

Poésie ardente, par Franck, page 19

Le mouvement

Maurice Nadeau nous a quittés, par C. Margat, page 20

Petit bilan de la Foire à l’autogestion, par Collectif, page 21

Illustrations

Aurelio, Fyd, Kalem, Krokaga, Schvrt, Valère

Editorial du Monde Libertaire n° 1712

On dit souvent, y compris dans nos colonnes, que le mouvement social se trouve actuellement dans une phase d’atonie profonde qui permet aux gouvernements successifs et aux patrons de nous en mettre plein le buffet. Et c’est vrai. Pourtant, les luttes sont là. Un peu partout. Du monde du travail aux problèmes de logement, les pauvres se mobilisent pour améliorer le quotidien, tout en se questionnant, parfois, sur les possibles d’un lendemain meilleur. L’actualité de ces derniers jours en témoigne d’ailleurs largement : débrayage à Michelin, grève massive des aiguilleurs du ciel contre la privatisation de leur activité, grève aussi chez les cheminots, occupation de Virgin par ses salariés, etc. Les travailleurs ne sont donc pas amorphes, mais la réalité du capitalisme et l’état de la syndicalisation nous obligent aujourd’hui à nous replier sur des luttes pragmatiques pour défendre notre gagne-pain. Ce qui nous manque, en fait, ce sont des revendications globales, dépassant le cadre, au demeurant inévitable, du corporatisme. Gageons que ce que nous prépare le gouvernement sur les retraites pour la rentrée de septembre nous donne des billes pour rassembler tous ceux qui, aujourd’hui, affrontent le capital en face. Et, dans ce merdier, les anarchistes ont un rôle à jouer, comme n’importe quel autre acteur du mouvement social, pour ne pas laisser notre avenir aux mains des politiciens de tous poils. À nous, donc, de prendre nos responsabilités et de travailler, au-delà des appels incantatoires, à l’élaboration de revendications communes susceptibles de fédérer les révoltés et de faire émerger chez les plus frileux le sens de l’engagement.

[Poitiers] Homophobie partout, justice nulle part

Harcèlement homophobe: relaxe en appel

La cour d’appel de Poitiers vient de relaxer un employé municipal qui avait été condamné en première instance pour des faits de harcèlement et de violence à caractère homophobe sur un collègue du centre technique municipal. La cour a estimé que les violences légères qui avaient été exercées en 2009 n’avaient pas de caractère homophobe. Ces faits sont prescrits. Pour ce qui est du soupçon de harcèlement via notamment une affiche pornographique présentant des ébats masculins, la cour note que les faits sont contestés et que rien ne permet de prouver qui l’a apposée. La cour considère que ce dossier « révèle l’existence de relations tendues » entre les deux protagonistes sans caractériser du harcèlement.

Centre Presse, 28 juin 2013

Quelle résistance antifasciste ?

Quelle résistance antifasciste ?

La mort violente de Clément Méric, tué par des fascistes, a provoqué un profond émoi. Pour beaucoup d’entre nous, elle s’inscrit dans un contexte de développement, depuis des années, d’un lourd climat politique et social.

On constate, depuis 2010 environ, une multiplication des agressions d’extrême-droite contre des militantEs antifascistes, syndicalistes, révolutionnaires, des homosexuelLEs, des immignéEs dans de nombreuses villes (Lyon, région Lilloise, Tours, Rennes, Limoges…) sans parler des dégradations contre des locaux associatifs, politiques, syndicaux.

La banalisation des thèses du Front National dans le champ politique et médiatique et dans des franges non négligeables de la population, traditionnellement réactionnaires ou bien condamnées à la pauvreté et la précarité par le capitalisme et l’État, est une réalité depuis longtemps.

Ces thèses d’extrême droite imprègnent les politiques sécuritaires, répressives, anti-sociales, anti-immigration mises en place aussi bien par l’UMP que par le PS, depuis les réformes des retraites qui obligent les salariéEs à cotiser plus longtemps pour toucher moins, les accords de Wagram qui précarisent encore un peu plus les travailleurs/euses et facilitent leur licenciement, le flicage des chômeurs/euses, jusqu’à la criminalisation des luttes sociales, les rafles de sans-papiers, les descentes policières dans les camps de roms en passant par le matraquage politico-médiatique islamophobe (ou comment dissimuler la xénophobie derrière la défense de la laïcité…).

Tout cela ne peut qu’être aggravé par la situation de crise sociale actuelle. L’austérité, la pauvreté, la précarité véhiculées par le capitalisme sont des terreaux favorables à la recherche de boucs émissaires, au chacunE pour soi, aux replis identitaires, aux désirs d’État fort et d’ordre musclé.

Pour toutes ces raisons, nous pensons que l’antifascisme n’a de valeur et de sens que s’il se déclare anticapitaliste et anti-autoritaire et assume l’idée de rupture révolutionnaire avec un système économique et politique basé sur les inégalités et les injustices de classe, l’exploitation et la domination des humainEs et des ressources naturelles.

Demander la protection de l’État capitaliste face à l’extrême droite est un leurre. Qui peut penser que la dissolution de quelques groupuscules fachos réglera le problème ? Nous pensons de toutes façons que l’État et le capitalisme ne sont pas là pour assurer la liberté et la justice mais pour se perpétuer quel qu’en soit le prix. Si la pseudo démocratie actuelle permet cela, très bien, s’il faut un régime autoritaire parce que la « démocratie » ne peut plus garantir l’ordre et le bon déroulement du business, très bien aussi. Le système actuel nourrit l’extrême droite et sait l’utiliser s’il le faut pour briser violemment les luttes subversives ou créer le désordre pour mieux rétablir l’ordre, le sien, celui qui rapporte sur notre dos.

Ainsi, pour nous, il ne suffit pas d’identifier les fachos ou d’organiser notre autodéfense si nécessaire : la lutte contre l’extrême droite passe en bonne partie par la participation aux luttes sociales, par le fait de développer en leur sein les pratiques de solidarité, d’entraide, d’égalité, de convergences, d’auto-organisation, de coordination, d’action directe, d’apprentissage collectif, d’internationalisme.

C’est dans et à travers ces luttes, contre l’austérité, la précarité, la pauvreté que nous pourrons construire un rapport de force et une culture d’émancipation qui fera barrage aux thèses réactionnaires, nationalistes, autoritaires, xénophobes, sexistes tout en nous permettant d’améliorer nos conditions de vie et nos capacités de défense collective.

Pour ce faire, il faut aussi mener le combat pour que les mouvements sociaux conquièrent leur indépendance, leur autonomie, leur liberté d’organisation, de pensée et d’action, pour qu’ils rompent avec les récupérations politiciennes, avec les bureaucraties de la gauche politique et syndicale qui les étouffent et les mènent volontairement dans l’impasse. Il y a une certaine urgence. Les temps qui viennent vont être durs. Préparons nous.

Assemblée libertaire de Caen, 23 juin 2013

LGV Poitiers-Limoges : le projet repoussé ?

NdPN : bonne nouvelle, mais vus les retournements d’Ayrault et de Cuvillier sur la question, ne crions pas victoire trop vite !

La LGV Poitiers-Limoges repoussée au-delà de 2030

Le rapport de la commission Mobilité 21 remis au gouvernement hier préconise de remettre le projet de barreau ferroviaire à la période 2030-2050.

Impossible, en l’état des finances publiques, de réaliser les 250 milliards d’euros de travaux inscrits au Schéma national des infrastructures de transports. Chargée de hiérarchiser les projets en concurrence, la commission Mobilité 21 a remis son rapport au ministre des Transports, hier, pour préconiser notamment de traiter les « grands points noirs du réseau ferroviaire » avant de lancer la construction de lignes nouvelles.

S’il n’est pas enterré, le projet de ligne ferroviaire à grande vitesse entre Poitiers et Limoges est repoussé à la période 2030-2050.

Priorité à la branche vers Toulouse

Seule la branche Bordeaux-Toulouse figure parmi les « premières priorités » pour des travaux à engager entre 2017 et 2030 ; et encore, uniquement dans le scénario n° 2 basé sur une augmentation des moyens disponibles ! Alors que le président de la République qui suit personnellement le dossier cher à ses amis du Limousin avait laissé entendre au début du mois qu’il ne suivrait pas nécessairement les préconisations de la commission, le Premier ministre a déclaré à L’usine nouvelle qu’il partageait le « diagnostic précis » de la commission sur « nos besoins de transport ». Pas de quoi perturber, le député-maire de Poitiers qui dès mercredi avait réagi aux fuites en se déclarant confiant : « Je maintiens que les travaux commenceront avant 2030. Ça prendra peut-être cinq ans de retard (ndlr, par rapport à la mise en service attendue en 2020) mais pas davantage. » Du côté du Limousin où les collectivités ont participé aux financements de la ligne Tours-Bordeaux dans la perspective d’une poursuite jusqu’à Limoges, les réactions restent également prudentes. L’ancien ministre des Transports et président du conseil général de la Charente-Maritime, Dominique Bussereau ? s’est fait quant à lui fait plus menaçant sur Twitter en annonçant que son Département réexaminerait « ses engagements financiers » si la ligne devait s’arrête à Bordeaux alors qu’elle devait aussi rejoindre l’Espagne via Bayonne.

réactions

> L’ancien maire de Poitiers Jacques Santrot a vivement réagi sur France Bleu : « Le président de la République, qui est loin d’être sot, a bien compris que le désenclavement du Limousin ne pouvait pas attendre 2030. Donc cela pèsera dans le sens de la réalisation de cette ligne. »

> La Fédération nationale des associations d’usagers des transports se félicite de « l’élimination par report à un horizon lointain d’un certain nombre de projets inutiles voire fantaisistes » en citant la LGV Poitiers-Limoges.

Baptiste Bize, Nouvelle République, 28 juin 2013

Le rapport qui signe la fin du tout-TGV

Le gouvernement a tiré un trait sur les politiques de transport pharaoniques, avec la remise jeudi du rapport de la commission Mobilité 21.

Les branches Ouest et Sud de la ligne à grande vitesse Rhin-Rhône ou encore la ligne Toulouse-Narbonne sont repoussées après 2050. Comme l’autoroute A 26 entre Troyes et Auxerre ou l’A 51 entre Gap et Grenoble, entre autres. La commission Mobilité 21, dirigée par le député PS du Calvados Philippe Duron, a revu à la baisse les ambitions de l’État qui figuraient au Schéma national des infrastructures de transport (Snit), fort de 70 grands projets.

Le rapport abandonne le tout-TGV et les grands projets d’autoroutes auxquels la France s’était habituée. Il met l’accent sur une priorité : l’entretien du réseau existant. Ce réseau (routes, rail et ports), jugé « de haute tenue » par la commission, se dégrade depuis plusieurs années. Le rapport propose de mettre 25 à 30 milliards d’euros sur la table d’ici à 2030, quoi qu’il arrive, pour assurer sa régénération.

Une fois cet entretien garanti, la commission esquisse deux scénarios. Le premier ne prévoit pas d’augmentation du budget de l’AFITF. Parmi eux, de nombreux chantiers « ingrats mais nécessaires », explique Philippe Duron.

La commission recommande d’investir dans de grands « nœuds ferroviaires », destinés à désengorger de nombreuses gares, comme celle de Lyon et celle de Saint-Lazare à Paris, la Part-Dieu à Lyon ou Saint-Charles à Marseille ou Saint-Pierre-des-Corps.

La route et le fluvial font également partie des priorités avec notamment un passage à deux fois deux voies de la route Centre Europe Atlantique entre la Saône-et-Loire et l’Allier, ou l’amélioration de la desserte entre certains grands ports et la zone alentour.

Le second scénario, « plus ambitieux », affecte entre 28 et 30 milliards d’euros aux grands projets à l’horizon 2030 sera retenu par l’État, a annoncé Frédéric Cuvillier, ministre des Transports. L’occasion, tout de même, d’envisager d’autres LGV après 2030.

l’infographie

Infographie Idé – Source : Commission Mobilité 21 – scénario 2 (entre 26 et 28 milliards d’euros d’investissement)

repères

> Le Snit. Le schéma national des infrastructures de transport (Snit) fixe les orientations de l’État en matière de développement, de modernisation et d’entretien des réseaux. La mise en œuvre complète représente une dépense estimée à 245 milliards d’euros sur vingt-cinq ans dont 105 milliards pour l’optimisation des réseaux et 140 milliards pour leur développement. A cela s’ajoute un effort de l’État de 8,5 milliards pour le soutien aux transports collectifs de province et d’Île-de-France.

> Les ressources de l’AFITF. Les financements de l’État en matière d’investissements dans les infrastructures terrestres de transport sont aujourd’hui assurés par l’Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF) dont les ressources représentent entre 2,1 et 2,3 milliards d’euros : taxe d’aménagement du territoire et redevance domaniale prélevées sur les sociétés d’autoroute (750 millions d’euros en 2012), une partie du produit des amendes radars (270 millions d’euros en 2012). Une subvention versée par l’État (940 millions en 2012) assure l’équilibre mais avec la mise en place prochaine de la taxe poids lourds (870 millions en année pleine) cette subvention baissera progressivement et s’éteindra en 2016.

> Les dépenses de l’AFITF. Entretien et régénération des réseaux (350 millions en 2012) ; modernisation de réseaux existants (700 millions en 2012) ; grands projets (800 millions en 2012) ; renouvellement du matériel roulant, notamment des trains d’équilibre du territoire et le soutien de l’État au développement des transports collectifs (350 millions d’euros).

en savoir plus

> LGV POCL (Paris-Orléans-Clermont-Lyon – 14 milliards d’euros). Une ligne nouvelle de plus de 500 km qui desservira les régions Auvergne, Bourgogne et Centre. Le projet doit répondre à terme à la saturation de la ligne Paris-Lyon et au besoin d’amélioration de la desserte des territoires du centre de la France. La commission estime que cette saturation est difficile à appréhender et que le coût du projet mérite d’être substantiellement maîtrisé. Des conditions qui ne devraient pas permettre de justifier l’engagement des travaux avant 2030.

> LGV SEA Poitiers-Limoges (1,68 milliard). 112 km de ligne nouvelle, uniquement pour voyageurs, entre Poitiers et Limoges pour mettre respectivement Limoges à 2 heures et Brive-la-Gaillarde à 3 heures de Paris. Pour la commission le projet apparaît « controversé quant à son intérêt et ses enjeux » et elle ne le classe pas dans les premières priorités.

> A 831 Fontenay-le-Comte – Rochefort (750 millions). Projet de liaison autoroutière de 64 km qui relie l’A 837 de Rochefort à l’A 83 (Nantes/Niort) au niveau de Fontenay-le-Comte. Il n’a pas convaincu tant sur son intérêt socio-économique qu’environnemental. Le projet est dans la catégorie des projets à horizons plus lointains.

Nouvelle République, 28 juin 2013